L’équipe du 115e Congrès des notaires
de France a présenté le 15 mai dernier, lors d’une table ronde, ses
propositions et recommandations pour l’amélioration du droit et de la pratique
professionnelle. Ces dernières seront débattues et soumises au vote des
notaires lors du congrès qui aura lieu à Bruxelles, du 2 au 5 juin 2019.
Sur le thème du droit international privé, ces dernières seront ensuite
relayées aux pouvoirs publics.
Dpuis quelques années, le nombre de Français vivant à l’étranger est en
forte augmentation.
En 2017, on dénombrait ainsi 43 800 mariages
et 52 800 naissances à l’étranger.
L’activité notariale reflète bien cette mondialisation des destins. En
effet, l’an passé, le service d’État civil des expatriés, qui dépend du
ministère des Affaires étrangères, a enregistré 450 000 demandes de
pièces provenant des études notariales.
La France est en outre la quatrième terre d’accueil au monde pour les
étudiants étrangers, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.
Environ 300 000 jeunes étrangers font une partie de leur cursus
dans les universités françaises, un chiffre en hausse de 12 % depuis
cinq ans.
Conscients de cette réalité, les notaires de France ont souhaité
organiser leur 115e Congrès sur le thème de l’International
dans le but d’informer leurs concitoyens résidant en France ou à l’étranger,
ainsi que les personnes d’autres nationalités liées par un élément de droit
français, des conséquences juridiques et fiscales de leurs actes en présence
d’un élément d’extranéité.
Lors d’une table ronde organisée au Conseil supérieur du notariat, Marc
Cagniart, président de la 115e édition du Congrès des notaires
de France ; Pierre Tarrade, rapporteur général ; Jean Gasté,
responsable de la communication nationale, et Delphine Detrieux, responsable de
la communication digitale et régionale, ont fait part de leurs recommandations
et propositions sur les sujets suivants : « Famille et patrimoine
français dans un contexte international » et « Famille et
patrimoine internationaux en France ».
LES 10 PROPOSITIONS DES NOTAIRES
1) D’où viennent les règles de droit
international privé ? Il existe des normes nationales, européennes, voire
internationales. Cela dépend du sujet : mariage, filiation, succession,
droit des affaires, droit immobilier… Les normes sont éparses. « La
multitude de sources a rendu la matière compliquée et peu lisible » estiment
les notaires de France dans un document de présentation de leurs propositions. Par
conséquent, le citoyen est souvent perdu. Le praticien l’est également :
comment sait-il si les éléments dont il a connaissance sont exhaustifs ou
non ? Pour toutes ces raisons, l’équipe du 115e Congrès
des notaires de France propose une codification du droit international privé,
comme cela existe déjà dans un pays comme la Belgique.
2) Les
notaires de France proposent que les autorités consulaires françaises puissent
célébrer des mariages binationaux, quel que soit le pays. Certains États en effet ne
reconnaissent pas le mariage consulaire, parce qu’ils interdisent qu’un mariage
soit célébré sur leur territoire par un consul étranger, ou parce qu’ils
n’habilitent pas leurs agents consulaires à unir leurs ressortissants à
l’étranger. Il existe toutefois des États où le mariage binational devant un
consul est possible. Pour éviter cette inégalité, les notaires de France
souhaitent que tous les citoyens français puissent se marier avec un étranger
devant le consul de France.
3) Les
notaires proposent d’inclure dans un acte notarié une clause qui définit le
juge compétent en cas de litige comme en cas de séparation afin d’assurer la sécurité
juridique des concitoyens résidant à l’étranger.
4) « Nul n’est à l’abri d’un accident
grave ou d’une maladie pouvant le priver de l’usage de ses facultés
intellectuelles. En prévision de ce risque d’inaptitude, le mandat de
protection future [prévu par le législateur en France] permet de choisir
dès maintenant la personne qui prendra soin de soi et de ses biens »
ont rappelé les notaires au cours de la table ronde. Cependant, à cause de la
mobilité croissante des citoyens français, il existe de réelles difficultés
pour le mettre en œuvre. Les notaires proposent donc de créer un registre
connecté au niveau international afin que les ressortissants français
installés à l’étranger puissent être certains que leurs volontés soient connues
et respectées au-delà des frontières.
5) L’équipe
du 115e Congrès des notaires propose de modifier le Code
général des impôts pour éviter que l’impôt de plus-value immobilière soit
acquitté à l’étranger et également en France. En effet, en cas d’un achat ou de la vente
d’un bien situé à l’étranger, « il n’existe pas dans le Code général
des impôts, une règle selon laquelle l’impôt de plus-value immobilière acquitté
à l’étranger s’imputerait sur le montant de l’impôt dû en France » ont
indiqué les notaires. C’est pourquoi ils souhaitent modifier le Code.
6) Les
notaires souhaitent pouvoir libeller leurs actes en deux langues : d’une part, l’acte en français,
langue officielle et d’autre part, la traduction de cet acte en langue
étrangère afin que chacun comprenne les termes des actes notariés. En effet,
les praticiens rencontrent souvent des clients étrangers qui ne maîtrisent pas
parfaitement le français, or il est nécessaire que tout le monde puisse
comprendre ce qu’il signe.
7) Les
notaires souhaitent promouvoir le certificat successoral européen (CSE) permettant à un héritier de faire
valoir ses droits dans les 25 États membres de l’Union européenne. Ils
proposent en outre que dans les pays dans lesquels le CSE peut être établi,
soit créé un fichier permettant une interconnexion entre eux, et de fait une
meilleure communication quant à leur existence.
8) L’équipe
du 115e Congrès des notaires propose qu’un couple puisse avoir,
lors de son retour en France, la possibilité de choisir un régime matrimonial
plus large dont la
séparation des biens et non pas seulement la communauté légale.
9) « Le
trust est un instrument juridique anglo-saxon qui permet de détenir des
biens » ont rappelé les notaires lors de la table ronde, mais,
actuellement, le droit français ne reconnaît pas le trust. « On
ne veut pas que le trust soit créé sur le territoire, mais quand celui-ci
a été mis en œuvre à l’étranger, il peut avoir des conséquences sur notre
territoire » a déclaré Pierre Tarrade. L’équipe du 115e Congrès
propose donc que l’Hexagone ratifie la convention internationale de 1985, ce
qui permettrait de reconnaître les trusts valablement établis à l’étranger.
En outre, « il existe des trusts qui concernent des
investisseurs », donc qui rapportent beaucoup d’argent, a ajouté Marc
Cagniart, « et la France ferme actuellement la porte à ces derniers ».
10) Enfin, les notaires de France
recommandent que, dans tous les actes de vente, les parties soient informées
qu’elles peuvent choisir la loi qui s’applique à leur contrat. Ces derniers
souhaitent également que soit utilisée, comme avant-contrat, une promesse
unilatérale de vente authentique. Serait ainsi renforcée la sécurité
juridique des ventes immobilières par ou pour des étrangers.
Pour les
notaires, ces propositions sont d’abord à destination des concitoyens. En
effet, les citoyens français pensent trop souvent que lorsqu’ils partent à
l’étranger, le droit français voyage avec eux. Or ce n’est pas le cas, ont mis
en garde les notaires. Un couple qui part vivre à l’étranger par exemple a des
précautions à prendre avant de quitter la France. S’il désire acheter, il doit
se demander si les règles d’achat sont les mêmes à l’étranger qu’en France. De
même, il doit aussi penser à sa succession : que se passe-t-il si ses
héritiers sont binationaux ou résidents à l’étranger ? Pour résoudre
toutes ces problématiques, il est primordial de consulter un notaire,
recommande la profession.
Les
propositions des notaires s’adressent également au législateur qui fait
parfois « preuve d’autisme » a dénoncé Marc Cagniart. Par
exemple, dans le Code général des impôts, nous l’avons vu, il n’est pas
envisagé une seconde le cas de la mobilité internationale…
Bref, les
propositions qui seront soumises au vote des notaires à Bruxelles ont vocation
à servir nombre de professionnels dans leur travail quotidien, ont estimé les
notaires.
Les Français et
l’international
• 11 % des Français ont au moins un parent d’origine
étrangère ;
• 1 mariage
sur 7 est un mariage
mixte ;
• 40 000 jeunes
font des études à l’étranger ;
• +30 % augmentation du nombre de Français résidant hors de
France au cours des dix dernières années ;
• Plus de 3,4 millions
de citoyens français vivent hors du territoire français ;
• 1 retraité
de droit français sur 10 vit à
l’étranger ;
• 45 %
expatriés ont une double nationalité.
Maria-Angélica Bailly