Le
13 octobre dernier, la 132e édition du Congrès national des GTC
a été organisée, en raison de la crise sanitaire, dans un format 100 % numérique au
travers d'un site Internet spécialement conçu pour l’occasion. Les débats se
sont articulés autour du thème général « Les
greffiers des tribunaux de commerce au service des entreprises ».
L’entreprise a donc été au cœur des débats. Le JSS s’est particulièrement
intéressé à la table ronde intitulée « Quel
accompagnement pour le chef d’entreprise ? »
Ce Congrès,
100% en ligne, s’adresse « à celles et ceux qui participent chaque
année à nos travaux, mais il constitue pour le Conseil national, et plus
largement pour notre profession, un moyen de s'adresser à un public plus large
que celui de notre traditionnel public » a déclaré Sophie Jonval,
présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC),
en ouverture de la manifestation.
Cet
évènement incontournable de la profession a été animé par Victor Geneste,
greffier associé du TC du Mans, membre du bureau du CNGTC, et Françoise
Printemps, greffier associée du TC de Tours et également membre du bureau.
En début de
journée, l’intervention de Georges Decocq, agrégé des universités en droit
privé, professeur de droit à l’Université Paris-Dauphine, a permis de mieux
cerner la définition juridique de l’entreprise aujourd’hui, d’un point de vue
fonctionnel et économique. Ensuite, le président de la Confédération des
commerçants de France, Francis Palombi, et Nicolas Rohr, co-fondateur de Faguo,
entreprise à mission dans le secteur du prêt-à-porter, ont évoqué les
besoins et attentes des chefs d’entreprises.
Roland
Lescure, député des Français d’Amérique du Nord, président de la Commission des
affaires économiques de l’Assemblée nationale et rapporteur général du projet
de loi PACTE, est revenu sur les apports de cette loi pour les entreprises, ainsi
que sur ses effets attendus.
Grande
nouveauté de cette 132e édition : l’organisation d’une table
ronde en direct qui a permis d’échanger sur le thème suivant : « Quel
accompagnement pour le chef d’entreprise ? » (et particulièrement
en période de Covid-19).
La
conférence a réuni Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises ; Élise
Tissier, directrice de BPI France Le Lab ; Marc Binnié, président d’APESA
France et greffier associé du tribunal
de commerce de Saintes ; et Dieudonné Mpouki, président du GIE Infogreffe,
greffier associé du tribunal de commerce de Paris.
Sophie Jonval
DES ACTEURS COMPLÉMENTAIRES AU
SERVICE DES ENTREPRISES
Pierre Pelouzet, devenu Médiateur des entreprises par décret du 14
janvier 2016, connaît parfaitement le monde des entreprises, puisqu’il a exercé
dans de grands groupes et présidé, de 2006 à 2012, la Compagnie des dirigeants
et acheteurs de France.
Pour lui, le but du Médiateur des entreprises est de « recréer
par le dialogue, un lien de confiance entre les acteurs économiques ».
Le Médiateur est en effet saisi principalement par des PME, TPE, artisans qui
ont des difficultés avec un grand client ou une grande entreprise (ces derniers
n’ont, par exemple, pas payé une facture, ou ont interrompu un contrat). Ils
contactent alors le Médiateur via le site Internet dédié.
Un des 80 médiateurs, régionaux ou nationaux, le plus proche de chez
eux, les recontacte et leur donne des conseils.
Le Médiateur va ensuite contacter l’autre partie, avec laquelle il y a
une tension, pour créer un dialogue. « Partir d'une situation de
tension, une situation de difficulté et en arriver à une solution, c'est ce que
nous réalisons au travers de nos médiations » a insisté Pierre
Pelouzet. Celui-ci a d’ailleurs précisé que le nombre de médiations a
explosé depuis le confinement. Une situation qui démontre qu’il existe un
vrai besoin de dialogue et de rencontre de la part des chefs
d’entreprise : « l'année dernière, on faisait une centaine de
médiations par mois, et au mois de mars de cette année, on a multiplié par dix
le nombre de médiations », pour un taux de succès du Médiateur des
entreprises s’élevant à 75 %.
Élise Tissier, directrice de BPI France Le Lab, est revenue sur les
missions de BPI France. Celles-ci se résument ainsi : être au plus près
des entrepreneurs.
Le Lab de BPI France, notamment, est un laboratoire d’idées au service
des PME. Il joue le rôle d’observateur de l’environnement économique afin d’en
tirer des leçons et des bonnes pratiques pour l’avenir.
Pendant le confinement, un certain nombre d’ateliers ont d’ailleurs été
organisés avec des entrepreneurs, PME, ETI, des plateformes téléphoniques ont
été déployées, ainsi que des fils WhatsApp…
Les participants ont pu y débattre des décisions d’urgence mises en
place par le gouvernement (PGE, chômage partiel), mais aussi de questions
managériales.
Marc Binnié a ensuite présenté le dispositif APESA (Aide psychologique
pour les entrepreneurs en souffrance aiguë).
L’association est présente dans pas moins de 67 tribunaux de
commerce. APESA a formé, depuis sa création en 2013, 2 522 sentinelles et
une équipe de 1 200 psychologues, et pris en charge
3 000 entrepreneurs. L’association vient en aide aux chefs
d’entreprise en difficultés qui connaissent souvent une profonde souffrance
morale.
« Nous avons face à nous des hommes ou des femmes qui traversent
des moments extrêmement difficiles, pour plusieurs raisons. Déjà socialement
certains sont ruinés, ils perdent tout (…) Ils arrivent dans les
juridictions totalement défaits, psychologiquement ruinés »,
a-t-il raconté.
Lors des audiences, des chefs d’entreprise avouent même avoir des idées
noires. APESA les oriente donc vers des psychologues qui vont alors prendre en
charge cette souffrance.
Dieudonné Mpouki a quant à lui rappelé les différentes missions
d’Infogreffe.
En résumé, Infogreffe est un portail sur Internet qui assure la
diffusion de l'information juridique et économique sur les entreprises pour le
compte de l'ensemble des greffiers des tribunaux de commerce. Il a pour
priorité de faciliter l'accès à ses services et permet de dématérialiser les
principales démarches des entreprises auprès des greffes.
« Infogreffe est un portail, mais avant cela, c’est d’abord un
regroupement d’intérêt économique » a tenu à préciser son président.
Il s’agit aussi d’une mutualisation des moyens et des expertises.
Le portail regroupe les 141 greffes des tribunaux de commerce de
France et d’Outre-mer.
Auparavant, il existait plusieurs registres locaux, donc « les
pères fondateurs d'Infogreffe ont eu l'idée de créer Infogreffe pour que toutes
ces informations-là puissent être diffusées au même endroit », a
expliqué Dieudonné Mpouki.
En outre, a-t-il précisé, les greffiers des TC sont des officiers
publics et ministériels, des professionnels libéraux. Ils sont au fait des
attentes et des besoins des chefs d'entreprise qu’ils côtoient au quotidien.
Infogreffe propose de nombreux services pour faciliter les démarches des
dirigeants d’entreprise. La plateforme détient aussi des informations légales via
plusieurs registres : registre de commerce, bénéficiaires effectifs,
privilèges et nantissement…
Infogreffe travaille également en collaboration avec des organismes et
des institutionnels pour lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent.
Enfin, le portail accompagne l’évolution et la modernisation de la justice
commerciale (avec des outils comme le tribunal digital, notamment).
GESTION CONCRÈTE DE LA CRISE
Pendant le
confinement, comment ces différents acteurs ont-ils géré la crise et avec quels
outils ?
L’entreprise est d’abord et avant tout une aventure humaine, crise ou
pas, a rappelé le président du GIE Infogreffe. Intrinsèquement, le chef
d’entreprise est donc, selon lui, un gestionnaire de tensions et de crises. Il
connaît des hauts et des bas, et doit savoir les gérer. Toutefois, le dirigeant
a aussi besoin d’être accompagné.
Les
greffiers rencontrent les chefs d’entreprise au quotidien pour différentes
démarches administratives : « nous sommes les partenaires naturels
des chefs d’entreprise, et c’est donc naturellement que nous nous sommes
mobilisés pendant la crise et le confinement », a formulé Dieudonné
Mpouki.
Pour cela,
de nombreux moyens numériques ont été mis en place (l’accueil physique étant
interdit pendant le confinement). Citons notamment le portail Infogreffe qui a
rendu possible la création de près de 30 000 sociétés pendant le
confinement, mais aussi de continuer à faire des dépôts de modifications et
diverses formalités ; Data Infogreffe qui permet aux chefs d’entreprise de
faire des études de marché ; et le Tribunal digital (« la dernière
innovation majeure de notre profession » a précisé le président
d’Infogreffe). Ce dernier outil, mis en place l’an dernier, permet aux
dirigeants d'entrer en lien avec le tribunal de commerce en quelques clics de
façon sécurisée. Sans oublier MonIdenum, un service d’authentification qui a
permis aux dirigeants, pendant le confinement, d’obtenir gratuitement leur
Kbis.
Enfin,
durant cette période, le Conseil national a mis en place un numéro vert gratuit
afin que les chefs d’entreprise puissent être en contact avec les greffiers en
télétravail.
Rebondissant
sur ces propos, la présidente du Lab de BPI France a également mentionné la
mise en œuvre d’un numéro vert par BPI France qui a aidé environ 100 000
entrepreneurs au plus fort de la crise.
Il ne
s’agissait pas seulement, selon elle, de délivrer des outils de financement,
mais toute une palette de conseils, des dispositifs d’accompagnement.
élise Tissier a ainsi évoqué l’Accélérateur
PME, une offre sur-mesure à destination des PME qui veulent se développer.
Actuellement, 1 000 sociétés en bénéficient. Pendant le confinement,
chacun des dirigeants a été contacté, l’un après l’autre, pour définir et
comprendre leurs besoins.
Pierre
Pelouzet a, à son tour, expliqué comment le Médiateur des entreprises a
accompagné les entreprises pendant le confinement.
Il faut revenir aux origines du Médiateur. « La médiation
est issue d’une intuition », a raconté Pierre Pelouzet. Plus précisément,
le Médiateur est né en plein milieu de la crise financière de 2008 :
« On s'était dit que, probablement, le dialogue, l'humain pouvaient
apporter des réponses aux chamboulements qu'on était en train de vivre ».
Le Médiateur
des entreprises est finalement resté en place après la crise financière. Ce
réseau de médiateurs comprend aujourd’hui 44 professionnels de la
médiation, qui œuvrent en région, à proximité des chefs d’entreprise.
Ces derniers
ont été formés à la médiation pour avoir les outils, les connaissances et les
compétences.
Le réseau
compte également 40 bénévoles nationaux qui sont essentiellement des bénévoles
retraités, anciens chefs d’entreprise, juges de tribunaux de commerce.
Mi-mars,
pendant le confinement, le Médiateur a été sollicité 600 fois (alors que
début mars, seulement 60 dirigeants ont demandé conseil). Tous les médiateurs
ont alors dû être mobilisés pour absorber cette vague de demandes.
De son côté,
l’association APESA a appelé 400 psychologues pour permettre la mise en marche
du numéro vert, créé à la demande du ministère de l’Économie.
En outre, 1 000 sentinelles supplémentaires ont été formées à cette
occasion. Parmi les nombreux appels, certains chefs d’entreprise étaient en
réelle détresse, au point que certains ont dû être hospitalisés.
Pour son président Marc Binnié, cette période a démontré que la
technologie pouvait permettre de prendre en charge des situations complexes et
dramatiques.
LES LEÇONS DE LA CRISE
Même si
cette crise a eu de graves conséquences sur l’économie nationale, y a-t-il des
leçons à tirer de cette dernière ? Qu’est-ce que cela a changé pour les
acteurs au service des entreprises ?
Le Médiateur
des entreprises a constaté trois types d’attitudes : ceux qui se sont
renfermés sur eux-mêmes, quitte à ne pas payer leurs fournisseurs pour garder
leur trésorerie ; ceux qui n’ont pas changé leurs habitudes ; et d’autres
enfin, « des pionniers », qui ont profité de la crise pour
innover.
« Ce
que la crise nous apprend, c’est qu’on peut tous avoir un comportement plutôt
exceptionnel, plutôt nouveau, plutôt solidaire… mais attention, on peut aussi
tous avoir le mauvais réflexe de se recroqueviller », a affirmé Pierre
Pelouzet. Le rôle du Médiateur des entreprises est de modifier ces mauvais comportements
en proposant de nouveaux outils de médiation, des chartes, et en délivrant des
conseils directement aux personnes concernées.
La crise
nous a enseigné, selon lui, que la solidarité économique était essentielle, et
qu’il faudrait la perpétuer même quand cela irait mieux.
Pour
Dieudonné Mpouki, il faut avoir en tête que cette crise ne sera pas la
dernière. Pour lui en effet, le monde des affaires se caractérise par des
récessions constantes. Cependant, chacune d’entre elles nous apprend une
vérité élémentaire : quand le collectif est au rendez-vous et que les
préoccupations sont partagées, on peut proposer des solutions et rebondir. Dans
le cas des greffiers, c’est exactement ce qu’il s’est passé. Pendant le
confinement, les juges consulaires, les greffiers des tribunaux de commerce et
le ministère des tutelles ont échangé entre eux, ce qui a permis de faire
surgir de nouveaux textes au bénéfice des dirigeants.
Les
conciliabules ont, par exemple, abouti à l’autorisation de tenues d’audiences
dématérialisées, ce qui était strictement interdit seulement quelques mois
auparavant.
« Le
1er avril, on a tenu la première audience à Paris, et ça c’est grâce
au collectif et au dialogue » s’est réjoui le président de GIE
Infogreffe.
En écho à
Dieudonné Mpouki, Élise Tissier partage l’idée que l’incertitude en affaires
n’est pas une chose nouvelle : « elle existe depuis toujours, et
c’est ça que nous rappelle la crise. »
Concernant
la solidarité économique, les acteurs adoptent, selon elle, des comportements
différents.
Le Lab de
Bpi France, qui affectionne particulièrement les chefs d’entreprise optimistes
désireux d’accélérer les choses, a bien conscience cependant que tous ne sont
pas comme cela. Les réponses à apporter doivent donc s’adapter aux personnalités
et demandes de chaque chef d’entreprise.
Bpi France doit
en tout cas porter un discours sur la solidarité économique, car « la
résilience d’un pays se joue aussi sur la résilience des acteurs de ce
pays » a affirmé la directrice du Lab.
Bpi France a
également pu observer de nouveaux comportements pendant le confinement.
Certains dirigeants ont compris durant la crise qu’ils pouvaient compter sur
leurs équipes : « il y a eu une vraie prise de conscience du
collectif dans l’entreprise ». élise
Tissier a aussi constaté que certaines équipes de direction ont davantage joué
leur rôle pendant la crise. Certains dirigeants ont accepté de déléguer un peu
plus et de se reposer sur leurs collaborateurs.
Pour le cofondateur d’APESA enfin, « la crise nous a tellement
appris, qu’on se demande si finalement ce n’est pas salutaire que de temps en
temps il y ait des crises », a-t-il assuré. En effet, sans ces
épreuves, on a tendance à oublier au quotidien l’importance de la solidarité.
La crise a par exemple permis de nouer des accords entre des structures
et des services aux statuts différents.
Au sein d’APESA, les sentinelles se sont davantage occupées des crises
personnelles et individuelles que celles des groupes et grandes structures,
mais pour Marc Binnié, « on a tout intérêt à se préoccuper de petits
phénomènes locaux parfois, car cela peut surtout en période de crise majeure –
servir l'intérêt général ».
Durant cette
pénible période, « un esprit de justice » s’est, selon lui,
diffusé dans toutes les sphères économiques. De grands groupes ont ainsi
réappris à respecter leurs sous-traitants.
Bref, cette
crise a rappelé, à son avis, l’importance de disposer d’outils de travail à
distance et en même temps de rester dans l’humain et dans la proximité. En
ce sens, le couple maillage territorial et numérique est fondamental.
DE L’IMPORTANCE DU NUMÉRIQUE ET
DE LA PROXIMITÉ
Pour le
président de GIE Infogreffe, cela est d’autant plus vrai que la fracture
numérique existe en France malheureusement. Pendant le confinement, ce dernier
a constaté que certains chefs d’entreprise se déplaçaient encore alors que le
greffe avait informé, très en amont, de sa fermeture. Ils n’avaient sans doute
pas d’ordinateurs ou Internet chez eux.
Les
greffiers ont également reçu des dossiers papier, alors que les pouvoirs
publics avaient incité à passer par le numérique.
Au plus fort de la crise, les greffiers ont donc dû adapter leur
accompagnement aux différentes structures, aux profils des dirigeants…
En réalité, a insisté Dieudonné Mpouki, « ce n’est pas parce
qu’on a des outils qu’on sait s’en servir en toute circonstance, et ce n’est
pas parce qu’on sait s’en servir qu’on dispose de ces outils ».
Le greffier associé au tribunal de commerce de Paris ne croit de toute
façon pas que le numérique soit une fin en soi. Il s’agit pour lui d’une
alternative. Le maillage territorial reste fondamental, justement parce que le
numérique ne résout pas tout.
« Le numérique ne règle pas toutes les problématiques.
L’accompagnement doit être multiforme, multicanal, pour satisfaire la diversité
des chefs d’entreprise que nous côtoyons au quotidien » a-t-il
insisté.
Pour le Médiateur des entreprises, le numérique est certes utile, mais
l’approche de base de la médiation reste tout de même le présentiel. En
effet, pour recréer un lien de confiance entre deux personnes, il vaut mieux
que celles-ci soient dans la même salle.
Cependant avec le confinement, les médiateurs ont dû apprendre à
utiliser le digital, et heureusement, la plupart des médiations réalisées par
ce moyen-là ont abouti favorablement.
Mais pour les cas les plus difficiles, les médiateurs ont fait revenir
les parties après le confinement. En résumé, pour lui, « le numérique
doit nous libérer du temps, mais ce temps doit être investi dans plus d’humain ».
Au sein de BPI France, le numérique n’est pas non plus utilisé comme une
fin en soi, mais il permet de rendre des services, a rapporté Élise Tissier.
Pour elle, il vaut mieux parler de transformation des entreprises dans un
contexte digital, plutôt que de transformation digitale, car cela fait peur aux
chefs d’entreprise qui pensent alors que tout doit passer par le numérique. Or,
la technologie est là seulement pour répondre à différentes problématiques.
Le numérique ne peut pas non plus pallier aux contacts humains :
« dès fin juin, le directeur nous a demandé de tous revenir au bureau,
non pas parce qu’on ne travaillait pas, mais parce que le capital relationnel
commençait à s’effriter », a-t-elle rapporté.
Pour sa part, Marc Binnié a indiqué que son association allait bientôt
mettre en service une application APESA. Mais il faudra toujours, selon lui,
qu’il reste un accueil humain, physique pour les chefs d’entreprise en
souffrance.
Enfin, malgré tous ces outils, malgré l’abondance d’acteurs pour l’aider
dans ses difficultés, le chef d’entreprise ne sait pas toujours vers qui se
tourner. Quelle est la complémentarité de l’action d’une association comme
APESA avec celle des greffiers des tribunaux de commerce ? Comment les différents
acteurs peuvent-ils collaborer ?
COLLABORER POUR AIDER LES CHEFS
D’ENTREPRISE
Pour Pierre Pelouzet, le chef d’entreprise en difficulté appelle en
priorité celui qu’il connaît. « Le plus important, c’est que nous
puissions le renvoyer vers la bonne personne » a-t-il appelé.
« C’est là que ça va se jouer. Nous tous, petit à petit, on
constitue un réseau, un réseau qui se renvoie les chefs d’entreprise, qui les
accompagnent pour qu’ils aillent jusqu’au bout », a-t-il continué.
D’ailleurs, a-t-il indiqué, le Médiateur des entreprises est en train de
mettre en place une convention avec le Conseil national des tribunaux de
commerce et Infogreffe.
élise Tissier a elle aussi insisté sur le
fait que tous ont un rôle à jouer pour faire en sorte que l’information
n’arrive pas trop tard aux oreilles des dirigeants. Il est donc nécessaire
d’évoquer tout ce que l’écosystème fait pour les aider.
Pour le cofondateur d’APESA également, la transversalité est
essentielle. En effet, certaines personnes qui viennent consulter disent avoir
des difficultés depuis près d’un an, or l’ouverture d’une procédure de
redressement judiciaire doit être demandée dans un délai de 45 jours.
Il faut donc mettre à leur disposition des outils pour que, le plus en
amont possible, ils puissent faire appel à un tiers.
Dieudonné Mpouki a acquiescé : il faut diriger les chefs
d’entreprise vers les bons interlocuteurs, « bien que mon objectif est
de proposer ces mêmes solutions de façon numérique » a-t-il avoué. Ce
dernier a également indiqué qu’un partenariat était actuellement en cours avec
BPI France.
L’an dernier, le CNGTC a aussi organisé des law corners pour que
les chefs d’entreprise puissent obtenir des informations auprès de greffiers,
avocats, experts-comptables, legaltech. Ces law corners devaient être
déployés au niveau national en 2020, mais à cause de la Covid-19, il faudra
attendre un peu… ou très longtemps, car ce qui est sûr, c’est que la crise est
loin d’être terminée.
La journée s’est achevée avec l’intervention du ministre de la Justice, éric Dupond-Moretti. Ce dernier a tenu
à souligner « la mobilisation exceptionnelle » des greffiers
des tribunaux de commerce pendant la crise sanitaire. Notamment le déploiement
– début avril – d’un système de visio conférence dans les 141 greffes :
« ce système sécurisé et crypté a permis que se tiennent des centaines
d’audiences et que le service public de la justice ne soit pas interrompu »
s’est félicité le garde des Sceaux.
À ce sujet, ce dernier a rappelé le lancement, le 5 octobre dernier,
d’une « mission flash » confiée à Georges Richelme, président
de la Conférence générale des juges consulaires de France. Cette mission a pour
objectif de proposer des solutions rapides et concrètes pour orienter les
entrepreneurs vers les dispositifs de prévention (comme APESA par exemple). La
mission proposera aussi des pistes pour améliorer l’accueil et l’accompagnement
des entrepreneurs pendant les procédures, a ajouté le ministre de la Justice.
Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce prendra évidemment
part à la mission.
Dans son discours, éric
Dupond-Moretti a aussi félicité les greffiers pour leur lutte constante contre
le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme via la tenue
des registres du commerce et des sociétés et des bénéficiaires effectifs.
Le garde des Sceaux a également souligné l’implication des greffiers des
tribunaux de commerce dans le redressement de la situation des tribunaux mixtes
de commerce d’Outre-mer. « Malgré l’éloignement géographique que cette
réforme a impliqué, vous avez répondu présent avec enthousiasme, avec
intelligence » a-t-il souligné.
Info
éric Dupond-Moretti
éric Dupond-Moretti est également revenu sur
la baisse des tarifs des greffiers des tribunaux de commerce. Étant donné la
situation et les difficultés rencontrées par les professions réglementées, les
ministères de la Justice et de l’Économie ont pris un arrêté conjoint qui a
pour objet de reporter l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs du 1er mai
2020 au 1er janvier 2021.
Concernant le guichet unique et le registre général des entreprises,
leur mise en œuvre sera confiée à l’Institut national de la propriété
industrielle (INPI), a informé le ministre de la Justice. Le décret
d’application du guichet unique va d’ailleurs être présenté dans quelques
semaines au Conseil d’État pour que son ouverture soit possible au 1er janvier
2021 comme le prévoit la loi.
Pour finir, éric Dupond-Moretti a évoqué la liste
des propositions envoyées par les greffiers de tribunaux de commerce visant à
améliorer le dispositif d’accès à la profession de greffier de tribunal de
commerce. Celles-ci sont en cours d’analyse par les services de la justice, a
assuré le garde des Sceaux. Puis de promettre : « ils ne tarderont
pas à revenir vers vous ». Les greffiers des tribunaux de commerce
attendent avec impatience la réponse.
Maria-Angélica Bailly