L’Association des Centraliens et le Medef se
sont récemment interrogés sur les facteurs qui motivent ou au contraire qui
paralysent l’innovation. Ils ont ainsi mené une large enquête auprès de
600 ingénieurs, entrepreneurs et dirigeants d’entreprise. Pour 76 % d’entre
eux, le management représenterait un frein pour l’innovation. Le 15 décembre
dernier, lors des 3es Rencontres Centraliens-Medef, les deux
organismes se sont réunis pour débattre sur les résultats de cette enquête et
en tirer des enseignements. Ils ont, à cette occasion, formulé des
propositions, un début de réponse à la problématique du jour : « Pour une France d’entrepreneurs
innovants : quelles mesures à expérimenter d’urgence ? »
« Libérer l’innovation en France est une priorité pour notre pays.
Le développement de l’innovation passera par notre capacité à faciliter la
prise de risques, à favoriser le financement de l’innovation notamment en early stage
vers les start-up, à renforcer notre culture de l’innovation. L’Association des
Centraliens est heureuse d’organiser cet événement en partenariat avec le
Medef. » affirmait le vice-président de l’Association des Centraliens
Frédéric Doche.
En effet, en mai dernier, l’Association des Centraliens et le Medef ont
lancé de concert une enquête portant sur les obstacles et les soutiens de
l’innovation en France. Ils ont profité de cette étude pour interroger les
ingénieurs, entrepreneurs et dirigeants d’entreprise sur le rôle de l’État au
sujet de ces problématiques et l’impact qu’aurait un principe d’innovation dans
le droit français.
Pour le patron des patrons Pierre Gattaz, « La France, pour
devenir la Silicon Valley de l’Europe, doit relever les défis de l’innovation
de rupture et encourager la prise de risque des chercheurs, innovateurs et
entrepreneurs. » « Cela suppose de conserver un niveau
scientifique d’excellence et de diffuser largement la culture de l’innovation,
d’expérimenter à grande échelle les services et produits innovants, mais aussi d’amplifier
sensiblement l’effort de financement de la croissance des entreprises
innovantes », poursuit le président du Medef.
L’innovation : accélérateurs
et limites
En ce qui
concerne les freins, le management de l’innovation semble être, à 76 %, le principal obstacle de
l’innovation. Le manque de lien entre le marché et la recherche (70 %) et la culture de l’innovation
– tel que la peur de l’échec et le conservatisme – (66 %), sont également des raisons
relevées comme diminuant les démarches innovantes. « Les entreprises
doivent mieux manager les processus d’innovation en accordant plus d’attention
à la culture d’entreprise, trop marquée par la peur de l’échec, le
conservatisme, l’aversion au risque et le manque de lien entre la recherche et
le marché » assure les deux institutions dans leur communiqué.
Pour ce qui
est des leviers, le développement des liens entreprises-recherche (76 %) et l’expérimentation des
produits innovants dans les entreprises et dans les villes (65 %) sont jugés comme accélérateurs
dans ce domaine.
La place de l’État
Pour la majorité des personnes interrogées, l’État semble ne pas jouer
un rôle clé pour promouvoir l’innovation au travers de la commande publique (56 %) et de l’enseignement (55 %).
L’impact d’un principe d’innovation
dans le droit ?
Enfin, lors de leur enquête, l’Association des Centraliens et le Medef
se sont intéressés à l’impact d’un principe d’innovation dans le droit
français.
À 61 %, les interrogés affirment que cela n’aurait pas une
incidence forte. Celui-ci donc « n’est pas réellement considéré comme
un obstacle, mais son anticipation par l’entrepreneur soulève des incertitudes
qui finissent par paralyser la prise de risque » souligne le
communiqué.
À 63 %, les questionnés estiment que l’inscription dans le
droit européen d’un principe d’innovation n’engendrera pas d’effet marqué sur
l’innovation en France.
Enfin, une
majorité (53 %) considère
que le principe d’innovation est complémentaire avec le principe de précaution.
S’emparant
de cette problématique, les deux organismes ont formulé douze propositions
(voir encadré), permettant de répondre au mieux aux désirs d’innovation des
entreprises, et ont ainsi distingué trois leviers prioritaires :
•
l’élaboration d’une culture de l’innovation adaptée au XXIe
siècle ;
• le management à grande échelle d’expérimentations ;
• le financement risqué d’innovations de
rupture.
Les
12 mesures prioritaires pour dynamiser l’écosystème de l’innovation et
relever les défis de la nouvelle révolution industrielle
Mesures
prioritaires pour renforcer la formation et diffuser la culture d’innovation :
1. Créer
dans le cadre de la réforme en projet du baccalauréat, une option renforcée en
mathématiques, informatique et physique.
2. Développer la
formation continue à et par la recherche pour stimuler les capacités des
ingénieurs et chercheurs à relever les défis des innovations de rupture.
3. Généraliser la
formation au numérique en définissant un socle de compétences à acquérir par
voie de certification.
4. Reconnaître un droit à
l’expérimentation d’innovation managériale, dans un cadre européen.
Mesures
prioritaires pour la mise en œuvre d’un principe d’expérimentation :
5. Développer
les dérogations temporaires aux règles en vigueur, autorisées par la loi.
6. Faciliter l’accès des
prototypes à des terrains d’expérimentations dans les villes et les
entreprises.
7. Inciter
les acheteurs publics à des commandes publiques innovantes pour expérimenter
dans les PME et ETI.
8. Promouvoir,
dans les investissements d’avenir et le fonds innovation, des démonstrateurs en
faveur des villes durables, des voitures autonomes et de la télémédecine.
Mesures
prioritaires pour amplifier le financement de l’innovation :
9. Stabiliser
et sécuriser le crédit d’impôt recherche (CIR).
10. Reconsidérer
les orientations du crédit impôt innovation (C2I) pour en augmenter l’effet de
levier ou sinon l’abandonner.
11. Favoriser
le développement des business-angels en encourageant la prise de risques.
12. Réorienter une partie de l’épargne
française vers le capital-risque.
Constance Périn