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6e Forum économique du Grand Paris - Logement, vous avez dit choc d’offres ?

6e Forum économique du Grand Paris - Logement, vous avez dit choc d’offres ?
Publié le 17/11/2017 à 15:44

Pour la 6e édition du Forum économique du Grand Paris, organisé par La Tribune et le Journal du Grand Paris, et par suite des différentes réformes annoncées par le gouvernement, le thème « Logement – Vous avez dit choc d’offres ? » a été choisi. À cette occasion, professionnels du foncier, de l’immobilier, du logement social et du monde associatif ont fait part de leurs recommandations.


Lancés par La Tribune et le Journal du Grand Paris en juillet 2016, les Forums économiques du Grand Paris proposent une actualité régulière de l’avancement et des enjeux des différents chantiers en lien avec l’aménagement de la métropole du Grand Paris. Ce 27 octobre, à la Maison des travaux publics, le grand sujet qui a été abordé a concerné le logement. « Logement – vous avez dit choc d’offres ? » et « Quelle politique de logement social après la réforme des APL ? » ont été les thèmes retenus pour les tables rondes.


La matinée a débuté par un dialogue entre Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à l’IEP de Paris et auteur de  « Logement de demain », et Robin Rivaton, directeur général de Paris Région qui a écrit  « L’immobilier de demain ».


Par la suite, se sont exprimés lors de la première table ronde : Olivier Bokobza, directeur général de BNP Immobilier résidentiel ; Guillaume Pasquier, responsable développement foncier du groupe La Française ; Hervé Puybouffat, président de Tagerim ; Marc Villand, président du groupe Interconstruction ; et Olivier Wigniolle, directeur général d’ICADE.


Benjamin Delaux, président et fondateur de HABX, et Quentin Romet, cofondateur et président de Homunity, ont ensuite présenté leur entreprise et donné leur point de vue de jeunes start-upper pour améliorer la situation du logement en France.


Puis, Pascal Chassaing, le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, s’est fait le porte-parole des notaires en livrant quelques recommandations de la profession.


Selon lui, « il y a bien un problème de choc d’offres de logements en Île-de-France et ceci en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande… Car la demande de logements est très forte ». Certes, on assiste à un redressement depuis deux ans, mais celui-ci est dû avant tout à la progression du logement social lequel – bien qu’évidemment nécessaire – ne règle pas la question des classes intermédiaires et moyennes.


Pourquoi le niveau de construction de logements en Île-de-France est-il aussi bas ?
Les raisons sont multiples : coûts des terrains en augmentation de 70
% depuis 15 ans, densité très forte dans le parc de logements au centre de l’agglomération de Paris, durée de conception et de gestion des opérations beaucoup trop longue en raison du nombre d’intervenants… Le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris a alors esquissé des pistes de solutions envisageables :


La première réponse « doit être fiscale » : exonération temporaire des plus-values en cas de ventes de terrain par les particuliers comme par les entreprises (pour les cessions de terrains effectuées dans un but de construire). Cette dernière doit être significative. « Les particuliers ne supportent pas de payer des plus-values », a-t-il affirmé. Et, en effet, le changement de législation de 2011 avec le passage de 15 à 22 ans de la date d’exonération s’est traduit par une rétention très forte des terrains.


Il faut également revenir à un niveau de droit de partage raisonnable. En effet, en 2011 celui-ci est passé de 1 % à 2,5 % sur la valeur des biens, or bien souvent les redevables sont dans l’impossibilité de le reverser, ce qui entraîne la multiplication des indivisions et donc un phénomène de rétention des terrains.


Par ailleurs, il est nécessaire de maintenir le dispositif Pinel dans les zones les plus tendues du pays, celui-ci étant indispensable, « mais si les taxes foncières doivent continuer à progresser comme elles l’ont fait récemment, si l’impôt sur la fortune immobilière qui stigmatise « la rente foncière » progresse autant que les taxes foncières, le taux de rendement du logement baissera d’autant ».


Une autre question préoccupe le notaire :  « Au-delà de la fiscalité se pose la question de la place du logement neuf dans le parc locatif en Île-de-France ». Or, celui-ci est extrêmement faible, aussi convient-il de le développer. Cependant, si on souhaite promouvoir la construction récente « il serait catastrophique de multiplier les normes dans le logement neuf en accroissant les coûts tout en maintenant le logement ancien dans la situation que l’on connaît ».
Il est vrai qu’il serait actuellement possible de réhabiliter et rénover l’ancien, la plupart des propriétaires pouvant faire l’investissement nécessaire, le problème étant que la fiscalité actuelle s’y oppose…


Une autre des difficultés rencontrées par ceux qui souhaitent faire évoluer les choses, c’est qu’avec l’immobilier on se retrouve face à un secteur dont la gestion est extrêmement complexe et diffuse. Or, selon le notaire « il doit être possible de rationaliser les circuits de décision comme de financer en simplifiant les procédures et les normes. »


Pascal Chassaing a ensuite expliqué que les notaires ont eu l’idée judicieuse de créer un Observatoire global de l’immobilier et du foncier en Île-de-France, incluant l’évolution du patrimoine bâti existant. En outre, la chambre des notaires de Paris gère en Île-de-France une base immobilière qui, en matière de prix, mais aussi d’évolution des ventes et acquisitions, est reconnue comme une base de référence. « Nous avons ouvert notre base immobilière à l’ensemble des professionnels de l’immobilier », a précisé Maître Chassaing.


Enfin, le notaire a donné son point de vue, plutôt original, sur la notion « d’accession à la propriété ». Pour lui, depuis vingt ans, il existe une sorte de consensus qui encourage à devenir propriétaire du logement dans lequel on réside. Or, il se trouve qu’en Île-de-France, l’accession à la propriété est nettement moins diffusée qu’ailleurs, car à peine une personne sur trois est propriétaire de son habitat. Pour lui, ce n’est pas forcément une mauvaise chose « l’accession à la propriété n’est pas toujours souhaitable par rapport à l’intérêt économique des particuliers » (jeunes couples non stabilisés notamment). En outre, « les pays qui ont fait un choix exclusif pour la propriété sont beaucoup plus fragiles que le nôtre », a-t-il ajouté. « Quel que soit le futur plan logement du gouvernement, il devra respecter l’équilibre entre les trois formes d’accès au logement dans notre pays (propriété, logement social, logement dans le privé)… et autant qu’un droit à la propriété, il faut reconnaître un droit à l’usage, or il reste un vaste champ à l’innovation dans ce domaine », a-t-il conclu.


Ce fut ensuite au tour d’Éric Constantin, directeur de l’agence régionale Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre ; Abraham Johnson, président de Valophis ; et Jean-Luc Vidon, président de l’AORIF, de donner leur point de vue quant à la politique de logement social à mener en France après la réforme des APL.


Éric Constantin l’a rappelé : en France il y a environ 4 millions de mal logés, dont 1,2 en Île-de-France. Un Francilien sur 10 vit donc dans la précarité (c’est la région où le taux de pauvreté a augmenté le plus rapidement). Et, ce n’est pas moins de 14 % de Franciliens qui bénéficient des APL. Le fait de diminuer leur montant, alors que depuis des années les bailleurs souhaitent leur revalorisation, constitue donc un non-sens.


Pour les intervenants de ce jour, on se trouve face à : « un esprit du législateur qui consiste à lutter contre un effet inflationniste supposé ou pas de ces milliards d’euros représentés par les aides au logement ». Pour assurer une quasi-neutralité aux clients, le gouvernement a alors demandé aux bailleurs sociaux de baisser en proportion ou presque le prix des loyers. Cela aura pour conséquence d’entraîner un manque à gagner considérable pour eux, ont estimé les orateurs. « Pourquoi faire peser aux bailleurs sociaux la compensation d’une diminution d’une aide qui relève de la solidarité nationale ? », s’est insurgé Monsieur Jean-Luc Vidon.


À propos de la supposée fortune de certains organismes sociaux, que le président de la République Emmanuel Macron a évoquée dans une interview dernièrement, les intervenants ont vivement réagi : le mouvement HLM dispose certes de ressources importantes, mais il est aussi très endetté : « Il y a 150 milliards d’euros de dettes, car nous empruntons à long terme auprès de la Caisse des dépôts et des consignations », a expliqué Monsieur Vidon.


Monsieur Abraham Johnson a lui clairement précisé que son organisme risquait de perdre près de 10 millions d’euros par an du fait de cette baisse des APL. Pour lui, on se trouve face à un « désengagement progressif de l’État en faveur du logement social ». Pour les orateurs de la table ronde, en faisant cela, le but du gouvernement est d’inciter les organismes sociaux à se recomposer, à fusionner, car pour Monsieur Emmanuel Macron, 800 organismes HLM c’est trop. Cependant, l’avis des bailleurs sociaux présents ce jour-là est différent : le nombre de bailleurs sociaux, si on le compare aux autres pays d’Europe, n’est pas aussi élevé que cela. Ce qui pourrait en revanche arriver, si l’on diminue les APL, c’est que les prestations qui seront apportées aux locataires se dégraderont, les pouvoirs publics penseront alors que le modèle du logement social s’effrite, et voudront par conséquent leur ôter davantage de moyens. C’est un cercle vicieux.


Certes, le gouvernement a émis des mesures de compensations pour que la réforme de la baisse des APL n’ait pas trop d’incidence sur les bailleurs sociaux, par exemple des aménagements du taux du livret A, etc. Mais, selon les intervenants « aujourd’hui ces mesures sont insuffisantes parce que l’impact immédiat de la baisse des APL aura raison de la santé d’un certain nombre d’organismes avant même que ces mesures puissent produire de l’effet, et ces mesures n’auront plus d’effets si les organismes ne peuvent plus construire… »


Les bailleurs sociaux manquent de ressources ? Le gouvernement les a récemment incités à vendre aux habitants une partie de leur patrimoine. Monsieur Vidon explique : actuellement 8 000 logements HLM sont vendus par an en France. Et bien qu’il soit déjà difficile d’atteindre ce taux, le président de la République voudrait qu’il en soit vendu 40 000...


Entre inquiétude et espoir, les intervenants se sont finalement interrogés « quelle place le Grand Paris va-t-il réserver au logement social ? ». La réponse dans les mois à venir…


 


Maria-Angélica Bailly


 


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