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À quoi sert le droit, et plus précisément le droit de l’environnement ?

À quoi sert le droit, et plus précisément le droit de l’environnement ?
Publié le 05/10/2019 à 09:30


À quoi sert le droit, et plus précisément le droit de l’environnement ?


À ceux qui se poseraient cette question, le drame de Lubrizol apporte une réponse pour le moins éclairante. Le droit de l’environnement s’est considérablement étoffé à mesure que les risques naturels et technologiques augmentaient et que la pression sur les ressources naturelles se démultipliait ; il a été mis en place une série de règles pour tenter d’assurer une protection efficace de la population et des ressources. Mais une partie du monde industriel et financier s’est toujours rebellée contre ces règles considérées comme excessives et a obtenu du gouvernement actuel, sous couvert d’une simplification administrative, une démolition en règle des normes environnementales. En autorisant en janvier et en juillet 2019 la société Lubrizol à étendre de manière considérable le stockage de produits dangereux, voire hautement toxiques, sur son site sans évaluation environnementale, le Préfet a certes obéi à la loi nouvelle qui permet un examen au cas par cas de l’obligation de ces études, mais il a pris un risque considérable. La procédure qui s’ouvre permettra de savoir si cette extension est ou non à l’origine de la succession d’explosions qui ont affecté le site et des conséquences dramatiques qui s’ensuivent.

 


Parallèlement, la baisse des moyens de l’État s’est d’abord fait sentir sur tous les systèmes de contrôle. Cela affecte autant les contrôles des installations classées que celui


de la consommation, avec une réduction massive des fonctionnaires de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) ou encore des services vétérinaires. Ainsi, non seulement les normes de protection se réduisent en réalité, mais encore les systèmes de contrôle deviennent beaucoup plus aléatoires du fait du manque de moyens.

 

À l’heure qu’il est, il est trop tôt pour savoir quelle sera l’ampleur réelle des conséquences de l’explosion de Lubrizol.



Ces conséquences seront-elles en réalité des dommages de court terme matériels sans atteinte sanitaire, ou, au contraire, s’agira-t-il d’un accident industriel très important voire majeur, pénalisant une région entière ?

 

Dans tous les cas, la réflexion sur la réduction des normes environnementales doit être engagée en sens inverse de celle que le gouvernement a choisie depuis deux ans, et qu’il s’apprêtait à accélérer.


 

On soulignera enfin que cette déconstruction des systèmes de protection environnementale, qui va bien entendu à l’encontre du sens de l’Histoire, ne se fait en réalité pas dans l’intérêt des industriels.

 

Certes, le « pas vu pas pris » peut toujours servir de règle de conduite à certains.

 

Mais, sur le long terme, les conséquences économiques et financières des diesel Gates, des agissements de Monsanto ou encore BP aux États-Unis démontrent suffisamment que lorsqu’une catastrophe survient, c’est aussi avant tout une catastrophe pour l’entreprise qui en est la cause. Et alors, non seulement les conséquences financières pour cette entreprise peuvent se révéler absolument catastrophiques bien au-delà de l’impact de l’image, mais cet effet réagit sur l’ensemble d’une activité économique et ce sont toutes les entreprises du secteur qui, en définitive, en payent les conséquences.

 


Dès lors, et contrairement à ce que certains peuvent penser, l’intérêt bien compris du monde économique est au contraire d’avoir des normes solides, sérieuses, respectées par tous qui assurent ainsi la pérennité des entreprises et la sécurité des personnes et des biens.


Corinne Lepage,

CEO Huglo Lepage Avocats,

Docteur en droit,

Avocate à la Cour


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