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Assemblée générale statutaire 2020 de la Conférence des bâtonniers

Assemblée générale statutaire 2020 de la Conférence des bâtonniers
Publié le 20/02/2020 à 14:33

L’Assemblée générale statutaire annuelle de la Conférence des bâtonniers s’est tenue les 31 janvier et 1er février 2020. En ouverture de cette dernière, Hélène Fontaine, présidente de la Conférence, a notamment dénoncé les actions entreprises ces deux dernières années par le gouvernement et la Chancellerie, en particulier la loi de programmation de la justice et la réforme de la retraite. Lors de ce grand rassemblement, les bâtonniers ont marqué leur opposition à cette réforme le temps d’une photo où ils étaient tous réunis en robe.



« Tous les avocats et tous les acteurs et partenaires de justice sont inquiets, car nous partageons les mêmes valeurs et le même attachement à cette Justice que nous voyons inexorablement se déliter », a déclaré Hélène Fontaine en préambule, avant de faire la liste des lois, réformes et initiatives menées par le ministère de la Justice depuis deux ans qui suscitent l’inquiétude de la profession : réforme et programmation de la justice ; modification de la procédure civile et du divorce ; réforme de l’ordonnance de 1945 par voie d’ordonnance ; réforme du régime des peines ; mise en cause du secret professionnel ; problématique de la carte judiciaire ; problématique de l’aide juridictionnelle ; réforme des retraites.


Heureusement, s’est réjouie la présidente de la Conférence des bâtonniers, face à l’adversité, le monde judiciaire est désormais uni. Fini les divisions et les antagonismes.


 


L’UNITÉ DE LA PROFESSION

En guise de preuve de cette unité retrouvée, Hélène Fontaine a invité la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl, le nouveau bâtonnier de Paris et sa vice-bâtonnière, Olivier Cousi et Nathalie Roret, à venir la rejoindre sur l’estrade. « Vous n’avez plus à faire face à nos divisions, vous ne pouvez plus non plus les utiliser. Vous avez devant vous une profession non pas uniforme, mais une profession unie » a-t-elle fièrement proclamé s’adressant à une ministre malheureusement absente.


« Cette union des forces », selon les termes de la présidente de la Conférence, les avocats la doivent également à l’ancien président de la Conférence des bâtonniers, Jérôme Gavaudan, et à l’ancien bâtonnier de Paris, Marie-Aimée Peyron, a reconnu Hélène Fontaine.


Cette unité est indispensable dans la mesure où, pour la présidente de la Conférence des bâtonniers, le CNB, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers constituent un des piliers de la démocratie. S’adressant à Nicole Belloubet qui « sembl[ait] ignorer ou feign[ait] d’ignorer leur rôle et l’importance qu’ils occupent dans l’œuvre de justice », Hélène Fontaine a plus particulièrement insisté sur les missions dévolues aux Ordres et à la Conférence de s bâtonniers.


« La conférence, c’est le rassemblement des 163 Ordres de province : de l’Hexagone et d’Outre-mer qui, avec leurs bâtonniers, leurs conseils de l’ordre et leurs 40 000 avocats, organisent et assurent l’accès au droit pour tous sur l’ensemble du territoire » a-t-elle précisé.


Quant aux bâtonniers, « ils sont les gardiens de la déontologie et de la discipline et assurent ainsi l’indépendance des Ordres » a-t-elle ajouté.


Ces derniers sont de très bonne volonté, a assuré la présidente de la Conférence. Ils ont en effet démontré au fil du temps et des évolutions législatives et réglementaires leur capacité à s’adapter, particulièrement lors de la fusion de la profession d’avocat avec celle d’avoué de première instance, de cour d’appel et de conseil juridique. Mais ils se sont également accoutumés aux réformes procédurales de grande ampleur (cour d’appel en 2017, et de première instance en 2020), à la communication électronique, à l’émergence des legaltechs, à la révolution numérique et à l’intelligence artificielle. 


En outre, selon Hélène Fontaine, ces derniers ne sont pas seulement flexibles et adaptables, mais sont aussi capables d’innover. Ainsi, a détaillé la présidente, les bâtonniers et les Ordres s’investissent pleinement dans les modes alternatifs de règlement des différends (MARD), se sont emparés du divorce par consentement mutuel sans juge, de la procédure participative de mise en état et de l’acte de procédure d’avocat et encouragent les avocats de leurs barreaux à se former toujours davantage à l’intelligence artificielle.


 


DE L’INDIFFÉRENCE ET DU MÉPRIS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE


Malgré tous ses efforts, la profession a cependant l’impression de ne pas être écoutée, voire méprisée par la Chancellerie, a déploré la présidente de la Conférence des bâtonniers.


« À chaque nouvelle loi, chaque nouveau décret, vous rendez notre exercice plus difficile (…). Nous avons même le sentiment que la suspicion, parfois, dicte ces réformes, réformes qui n’améliorent ni l’efficacité ni la célérité de la justice » a dénoncé Hélène Fontaine.


D’abord, a-t-elle précisé, l’exercice effectif de la justice est devenu difficile en raison du manque de moyens et d’effectifs. « Il faut des juges, il faut des greffiers, il faut des moyens, il faut de la considération pour ceux qui œuvrent parfois en silence, sans se plaindre, dans des conditions de travail dégradées » a insisté la présidente de la Conférence des bâtonniers. Or, le ministère de la Justice semble indifférent à ces problématiques budgétaires, s’est désolée Hélène Fontaine.


Indifférent également aux manifestations des barreaux, en particulier lors de l’élaboration de la loi de programmation et de réforme pour la Justice, a-t-elle ajouté.


Sur ce point, la présidente de la Conférence a tout particulièrement dénoncé les conditions dans lesquelles les décrets d’application ont été publiés.


En effet, ces décrets ont été publiés très tardivement, c’est-à-dire les 11, 17 et 20 décembre 2019 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2020... Or, ces derniers modifient en profondeur le Code de procédure civile et les pratiques procédurales, a indiqué Hélène Fontaine, et auraient, par conséquent, mérité un temps de mise en application plus long.


En outre, a fait remarquer Hélène Fontaine, certaines juridictions ont été hésitantes jusqu’au dernier moment quant à l’interprétation de plusieurs dispositions des décrets. Bref, les Ordres auraient aimé avoir le temps d’organiser une réflexion collective sur ces textes. « Le respect des bâtonniers, des Ordres, des avocats, du monde judiciaire et des justiciables aurait justifié une entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Les acteurs de justice auraient pu ainsi tous réfléchir, se former » a insisté la présidente.


 


LA RÉFORME DE LA RETRAITE, UNE VÉRITABLE INJUSTICE


Quant à la réforme des retraites, a poursuivi Hélène Fontaine, « c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de l’indifférence du gouvernement à notre égard et de notre exaspération ».


Tout d’abord, pour Hélène Fontaine, sous couvert d’être un régime universel juste, la réforme des retraites est profondément injuste.


En effet, cette dernière « spolie purement et simplement les avocats » a-t-elle affirmé. Elle dépouille une profession autonome qui n’a jamais rien coûté à l’État, et dont le régime de retraite « est en équilibre jusqu’en 2054 au moins », a souligné la présidente de la Conférence des bâtonniers.


Plus précisément, le doublement des cotisations va fragiliser un grand nombre de cabinets d’avocats, notamment ceux qui font de l’aide juridictionnelle. Ces cabinets ne pourront alors plus payer leurs charges, ils devront alors fermer, ce qui va entraîner des déserts juridiques, a prédit Hélène Fontaine. « Avez-vous envie de voir disparaître la proximité exemplaire que les bâtonniers et les Ordres ont su tisser avec nos territoires ? » a-t-elle interpellé la ministre de la Justice.


Certes, le gouvernement a fait des propositions pour réduire l’impact de la hausse des cotisations, mais celles-ci « sont largement insuffisantes et n’assurent aucune garantie pérenne » a affirmé Hélène Fontaine.


Ensuite, la Chancellerie appelle les avocats à la solidarité. Or, a martelé Hélène Fontaine, « les avocats sont au contraire solidaires des autres régimes de retraite en reversant 100 millions d’euros par an au régime général ». En outre, ils sont également solidaires entre eux, car ils assurent à chaque avocat une retraite de base identique pour tous.


Bref, pour Hélène Fontaine, ce projet de loi est flou, mal mené et pas abouti. Cela justifie, selon elle, la colère noire de la profession. « Si les avocats ont retiré leur robe, c’est parce qu’ils sont désespérés, convaincus de ne plus être entendus et considérés » a-t-elle justifié, faisant référence aux évènements récents.


Pour finir, la présidente de la Conférence des bâtonniers a invité la Chancellerie à faire confiance aux Ordres et aux avocats. « L’avocat a sa place dans l’évolution de la société, mais vous ne nous donnez aucun autre espace que celui de la contestation, s’est-elle désolée, faites confiance aux Ordres, faites confiance aux avocats, nous valons mieux que le mépris que nous ressentons tous intimement, avec beaucoup de pudeur. »


Applaudie à tout rompre par ses confrères, cette dernière a alors demandé aux bâtonniers présents dans l’assemblée de revêtir leur robe et de marquer leur opposition à la réforme de la retraite en venant avec elle faire une « grande photo de famille ».


À l’occasion de cet évènement, les bâtonniers ont également procédé au renouvellement partiel du bureau de la Conférence des bâtonniers.




Maria-Angélica Bailly


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