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Audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce de Bobigny

Audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce de Bobigny
Publié le 16/02/2018 à 15:35

Le tribunal de commerce de Bobigny était marqué par le sceau des festivités, le 25 janvier dernier. Son président, Francis Griveau, a en effet célébré le 30e anniversaire du tribunal, à la suite de la traditionnelle audience solennelle de rentrée. Une audience pendant laquelle le président est revenu sur les chiffres de l’année écoulée, mais aussi sur les actions importantes menées par le tribunal, particulièrement sous l’effet de récents dispositifs apportés par la loi, et notamment en matière de lutte contre la fraude.


« Le département de la Seine-Saint-Denis est l’un des départements les plus dynamiques de France », s’est réjoui le président du tribunal de commerce de Bobigny, Francis Griveau, en ébauchant son discours de rentrée. Et les chiffres le prouvent : un peu plus de 16 000 nouvelles entreprises ont été immatriculées sur les registres du greffe du tribunal de commerce de Bobigny en 2017 – soit une hausse de 6 % en un an. Au total, ce sont d’ailleurs plus de 120 000 entreprises qui sont actuellement inscrites, pour un chiffre d’affaires cumulé de plus de 120 milliards d’euros. Du côté des décisions rendues, si une certaine efficacité des juges est à souligner, 2,8 décisions par jour et par juge étant recensées, le nombre de décisions rendues a quant à lui légèrement diminué de 4 %. Par ailleurs, statistique encourageante, dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises, le tribunal a contribué à sauvegarder en 2017 plus de 5 000 emplois et un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Des chiffres qui ont conduit Francis Griveau à souligner les actions importantes menées par son tribunal. En matière de prévention, justement, le président a noté la forte implication des juges, épaulés par leurs collègues du RCS, qui relancent les sociétés pour le dépôt des comptes et ordonnent des astreintes recouvrées par le Trésor public. « Malgré cela, a-t-il déploré, près de la moitié des entreprises ne déposent toujours pas leurs comptes annuels ». Toujours sur la prévention, Francis Griveau a évoqué la création du CIP93 fin 2017, avec la participation de juges honoraires, et en collaboration avec des experts-comptables et des avocats. Ce centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises, qui était le 64e à ouvrir en France, constitue une plateforme d’écoute et de conseil pour les chefs d’entreprise du département. Le président a encore salué la mise en place d’une cellule d’aide aux dirigeants à l’occasion des Chambres du Conseil, là aussi assurée par les juges honoraires du tribunal.





Sur un tout autre sujet qu’est la lutte contre la fraude, Francis Griveau n’a pas manqué de mentionner l’instauration du fichier des bénéficiaires effectifs, issu de la loi Sapin 2, nouvelle formalité à accomplir par les sociétés commerciales dans le cadre de la création d’une société. En effet, depuis le 1er août 2017, ces dernières sont tenues, sous peine d’une amende de 7 500 euros, de déposer au greffe un document indiquant le nom du ou de leurs bénéficiaires effectifs. (Les sociétés déjà existantes devront pour leur part le déposer avant le 1er avril 2018 pour régulariser leur situation). L’objectif : pouvoir identifier qui se trouve réellement derrière une société, afin de mieux lutter contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale et le terrorisme. Le président du tribunal de commerce a par ailleurs félicité la mise en œuvre du FNIG, fichier national automatisé des interdits de gérer, mesure qui était « particulièrement attendue » par le tribunal, selon ses dires. Le fichier, tenu par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, recense les interdictions prononcées par les juridictions commerciales, civiles et pénales, et comporte les interdictions prononcées par les tribunaux de commerce à compter du 15 février 2017, non susceptibles de recours suspensif d’exécution. Y sont inscrites les faillites personnelles et les autres mesures d’interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler – le fichier mentionne notamment la décision ayant prononcé la mesure. La lutte contre la fraude a cependant fait l’objet d’un regret pour Francis Griveau : « On ne peut que déplorer que les greffes ne puissent lutter contre la fraude documentaire lors des formalité au RCS, car ils n’ont pas accès au fichier des titres de séjour, en dépit de demandes récurrentes », a-t-il affirmé.


Ce dernier a ensuite tenu à aborder le sujet de la formation, relevant l’existence pour la 3e année consécutive d’un diplôme universitaire de traitement de difficulté des entreprises à la Sorbonne, dont deux des juges du tribunal de commerce de Bobigny ont été diplômés en 2017, ainsi qu’un MOOC sur le même sujet.


Dernier thème abordé, et non des moindres : celui de la révolution numérique. « Le tribunal, le greffe et les juges s’y préparent et s’y investissent de plus en plus d’année en année », a déclaré Francis Griveau. Les résultats, eux, affichent pour le moment une timide avancée. Ainsi, bien que près de 3 700 avocats soient inscrits sur le RPVA (Réseau Privé Virtuel des Avocats) du tribunal de commerce de Bobigny, seulement 9 % des placements sont réalisés en ligne, et un nombre infime de mises en état électronique est mis en œuvre. Par ailleurs, 17 % des dépôts de comptes ainsi que 33 % des immatriculations au RCS sont effectués en ligne. À côté de ce succès pour l’heure mitigé, le président du tribunal a mis en avant l’aide informatique apportée par le greffe, « avec des iPad en Chambre du Conseil et des écrans de grande dimension en salle de délibéré ». « Le greffe de notre tribunal, sans être qualifié de geek, a œuvré dans le cadre de cette révolution digitale par l’organisation un "corner Law" le 15 décembre qui a eu beaucoup de succès. Une ouverture du tribunal vers les legaltech et fintech est en route, et on ne peut que s’en féliciter », a ainsi conclu Francis Griveau.


 


Trente ans de tribunal


Au-delà d’un bilan, cet après-midi de rentrée solennelle était également l’occasion de célébrer les trente ans du tribunal de commerce de Bobigny. En guise d’intermède, le hall du tribunal s’est ainsi transformé en scène de théâtre le temps d’une saynète, clin d’œil à l’origine du règlement des conflits commerciaux, avant que le président Francis Griveau ne reprenne la parole pour retracer l’histoire du tribunal, dont les débuts remontent à 1987. Le président du tribunal de commerce l’a rappelé : le tribunal a d’abord siégé dans un bâtiment à côté du TGI de la Seine-Saint-Denis, avant de s’installer en 2008 avec le conseil de prudhommes de Bobigny, offrant ainsi de bien meilleures conditions de travail. Depuis janvier 2016, Francis Griveau a pris la suite du président Vedrenne, et dès l’année suivante, le tribunal comportait soixante-treize juges. Le président est également revenu sur le démarrage du greffe, fastidieux. Au départ, il s’agissait ainsi d’un personnel de quarante personnes environ, nécessitant une formation importante, qui a dû faire face à près de cent mille dossiers papier en vrac, venant de Paris et de Pontoise. « Imaginez la recherche d’un dossier RCS pour une modification ! », s’est exclamé Francis Griveau, avant de préciser que le greffier en chef avait alors pris la décision de faire sous-traiter la saisie informatique de ces dossiers – chose faite à Sophia Antipolis, par la Société SG2. Par la suite, Bobigny a été l’un des premiers tribunaux à permettre des saisies, informations judiciaires et juridiques par les usagers, à l’aide du Minitel, puis d’Infogreffe. L’avance technologique a également permis de notifier les décisions de justice sur coffre-fort électronique, mais aussi aux juges d’utiliser un portail spécifique, de saisir les requêtes en injonction de payer en ligne, et de s’interconnecter avec le RPVA.


Trente ans d’existence d’un tribunal, c’est aussi trente ans de chiffres. « Sur cette période, plus d’un million de décisions ont été rendues, 333 523 entreprises ont été immatriculées, 47 995 procédures collectives ont été ouvertes », a dévoilé Francis Griveau. Ce dernier l’a également souligné : deux cent dix-huit juges ont participé à la vie et au développement du tribunal depuis sa création. « Je rappelle une fois de plus le caractère bénévole des juges consulaires, chefs d’entreprise ou cadres dirigeants de grands groupes qui consacrent une journée de présence par semaine au tribunal et un minimum de dix heures de travail chez eux pour rédiger les jugements », a-t-il salué. Le président a également profité de l’occasion pour revenir sur les différentes et multiples réformes auxquelles le tribunal a dû s’adapter – parmi lesquelles la réforme des faillites de 1988, la réforme des procédures collectives, celle de 2005 baptisée « loi de sauvegarde », les ordonnances de 2014, la loi Macron de 2015, la réforme du droit des contrats de 2016… En contentieux, la loi sur la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a donné notamment compétence aux tribunaux de commerce pour les litiges entre artisans, qui étaient jusqu’à présent de la compétence des tribunaux de grande instance (TGI). Cela concerne l’article L. 721-3, dont la nouvelle version entrera en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2022. En procédure collective, la réforme du 6 août 2015, appliquée depuis le 1er mars 2016, a donné compétence à dix-huit tribunaux de commerce et à un TGI à compétence commerciale, pour traiter de procédures affectant les groupes ou entreprises d’une certaine taille (20 millions d’euros et deux cent cinquante salariés minimum, ou 40 millions d’euros).


Après avoir évoqué les réformes passées, c’est vers l’avenir que Francis Griveau s’est tourné, en évoquant, au terme de son discours, l’évolution probable du tribunal de commerce vers un tribunal des affaires économiques. Il l’a rappelé : lors du Congrès des tribunaux de commerce, en novembre dernier, George Richelme avait ainsi proposé d’ouvrir la réflexion pour faire évoluer la justice commerciale afin de faciliter la situation des justiciables, acteurs économiques, en rassemblant dans une seule juridiction les affaires économiques. D’autre part, la commission des lois du Sénat a adopté récemment une série d’amendements proposant l’extension de compétence des tribunaux de commerce pour toutes les mesures et procédures relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, quel que soit le statut du débiteur, y compris les associations. En outre, sans aller jusqu’à transférer le contentieux des baux commerciaux du TGI au tribunal de commerce, le Sénat propose que ce dernier soit compétent pour les litiges liés aux baux commerciaux lorsqu’une procédure collective est ouverte. Toujours quant à un avènement d’un tribunal des affaires économiques, le président du TC s’est montré, pour sa part, confiant.  « C’est dans la logique des choses, compte tenu de leur dynamisme, de leur compétence, et de leur connaissance du monde des affaires », a-t-il conclu.


 


Bérengère Margaritelli


 


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