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Banlieues : maires et sénateurs se disent engagés « pour un électrochoc républicain »

Banlieues : maires et sénateurs se disent engagés « pour un électrochoc républicain »
Publié le 08/09/2018 à 10:46

« Banlieues : pour un électrochoc républicain » : tel était l’intitulé, volontairement incitateur, du colloque organisé au Palais du Luxembourg, le 19 juillet dernier, sous le haut patronage de Gérard Larcher. Si maires et sénateurs de divers horizons ont dressé un état des lieux alarmant de la politique de droit commun dans les quartiers les plus défavorisés, ces derniers se sont montrés bien décidés à mener une reconquête républicaine, aux côtés des habitants et des associations. 


Gérard Larcher l’a rappelé : en juillet 2017, les sénatrices Valérie Létard et Annie Guillemot publiaient un rapport d’information destiné à évaluer l’application de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine - dite loi Lamy - du 21 février 2014. Ces dernières relevaient que la réforme de rénovation urbaine, bien qu’engagée, visant 1 200 quartiers prioritaires, souffrait d’un cruel manque de moyens. Les auteures faisaient en outre état d’un décalage de plus en plus important entre la vision prônée par l’Agence nationale de rénovation urbaine chargée de ce chantier, et celle, beaucoup plus alarmante, partagée par les élus et des différents acteurs sur le terrain. En guise d’écho, quelques jours plus tard, une tribune signée par des maires de sensibilités politiques diverses paraissait dans Le journal du dimanche,  rapportant l’état « d’épuisement » de nombreuses communes et réclamant un « changement radical de méthode ». 

Changement toujours lettre morte, a regretté Patrick Kanner, qui chapeautait le colloque aux côtés de Philippe Dallier. « 5 millions et demi de nos concitoyens vivent dans plus de 1 500 quartiers considérés comme problématiques », a pointé le sénateur du Nord. Ce dernier a d’abord dressé le constat d’une très grande pauvreté. En réponse, Philippe Rio, maire de Grigny (Seine-Saint-Denis), n’a pu que témoigner de l’extrême dénuement de sa ville, exsangue - une situation qui lui semble irrémédiable. « Cela fait 16 ans que nous sommes suivis par la chambre régionale des comptes en plan de redressement. 16 ans que le droit commun français n’arrive pas à résoudre la situation financière de Grigny », a-t-il asséné, appelant par ailleurs à « sortir de ce mensonge de dire qu’on donne toujours trop à ceux qui ont si peu ». « On a toujours l’impression que sont déversés des moyens considérables en direction des quartiers prioritaires. Mais en réalité, les quartiers dits prioritaires, ceux en direction desquels la puissance publique est censée faire plus, bénéficient de moins. Tant que les pouvoirs publics ne se donneront pas les moyens d’objectiver les moyens budgétaires qui sont injectés en Seine-Saint-Denis, à Grigny ou ailleurs, le discours délétère opposant les territoires entre eux continuera à se développer autour de cette petite musique disant que l’État donne trop d’argent aux quartiers où habitent des minorités - pour faire simple, les Noirs et les Arabes », a abondé le sociologue Renaud Epstein. 

D’autant que la pauvreté s’inscrit dans un cercle vicieux : « Il y a un certain turn over dans les banlieues, mais ceux qui arrivent sont de plus en plus pauvres», a alerté la sénatrice de Paris et vice-présidente du Sénat, Marie-Noëlle Lienemann. Sur ce point, Patrick Kanner a souligné la nécessité d’attirer des populations plus riches, « sinon, on est morts ! », a-t-il lancé. 

De son côté, Jean-Paul Dupré est maire de Limoux, une petite ville de 11 000 habitants à quelques kilomètres de Carcassonne. L’homme a pris la parole dans l’assemblée pour établir un parallèle entre banlieues et monde rural, qu’il a tristement estimé « similaires » à bien des égards. « La ruralité profonde est elle aussi dans l’agonie totale, dans l’attente de l’extrême onction », a-t-il lâché. 

« Nos collectivités sont aujourd’hui dans une situation de plus grande fragilité encore qu’il y a quinze ans. D’un point de vue budgétaire, on leur a demandé beaucoup d’efforts – 11 milliards d’économies durant le précédent quinquennat, aujourd’hui Emmanuel Macron leur en demande 13 –, et dans ces coins difficiles, on nous demande d’intervenir de plus en plus, mais avec quels moyens ? » a interrogé Philippe Dallier. 


Education nationale « en situation d’échec » 

Sans surprise, les enjeux régaliens ont dominé le débat sur les banlieues, à commencer par l’école. Alors que Gérard Larcher a évoqué des « professeurs qui se sentent abandonnés », Philippe Rio a montré du doigt une « éducation nationale en situation d’échec » : trop d’enfants arrêteraient l’école trop tôt. Selon lui, à Grigny, la moitié d’entre eux sortiraient ainsi du système scolaire. La faute, notamment, à la surcharge scolaire, puisque sa ville doit faire face à 40 % d’enfants à scolariser de plus que la moyenne. Une surcharge chiffrée à deux millions d’euros, a souligné le maire, qui se fait au détriment des élèves. 

Par ailleurs, si le problème récurrent des effectifs trop nombreux au sein d’une même classe devait être pallié par le dédoublement des classes de CP et de CE1, Philippe Dallier, après avoir salué la mesure, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, a déploré le casse-tête lié à sa mise en œuvre dans les quartiers les plus défavorisés. Le sénateur de la Seine-Saint-Denis a considéré d’autre part que cela n’était de toute façon « pas suffisant pour compenser le handicap des classes composées d’enfants en difficulté », et a insisté sur la nécessité d’étendre ce dispositif aux autres classes. En outre, Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), a insisté sur la nécessité d’un accompagnement adapté à ces élèves des banlieues : « l’Éducation nationale ne peut pas les accompagner de la même façon que les enfants des centres-villes. Nous ne pouvons pas faire partout pareil », a-t-elle estimé. Xavier Lemoine accuse comme Philippe Rio un fort taux d’échec scolaire dans sa commune. Le maire de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, 

Denis, a mis le doigt sur un autre problème : « Dans la majorité des cas, les parents se trouvent dans l’incapacité d’entrer en relation avec l’institution scolaire », a-t-il déclaré. Un manque de dialogue sur le fond, d’abord. Marie-Noëlle Lienemann l’a affirmé, si elle a déjà vu des procureurs se rendre dans les quartiers difficiles afin d’expliquer l’état et les objectifs de la justice dans un département donné, elle n’a jamais vu de recteur d’Académie venir à la rencontre des parents d’élèves pour leur expliquer l’importance de la scolarisation et leur détailler la stratégie de l’Éducation nationale. 

Xavier Lemoine a également dénoncé un manque de dialogue lié à un problème de forme, «le manque de maîtrise de la langue française », qui vient parasiter la relation parents / Éducation nationale. 

D’ailleurs, pour Gérard Larcher, cette lacune ne concerne pas que les parents étrangers, elle concerne aussi les enfants : « Nous consacrons budgétairement 360h par an [en CP, CE1, CE2, ndlr] à l’apprentissage de la langue française - c’est deux fois moins que dans certains pays d’Europe du Nord. Nous avons donc un problème à la source ! ». 


Effondrement institutionnel et sécurité vacillante 

À côté de l’école, les autres institutions sont elles aussi en souffrance. Les intervenants ont notamment dépeint une justice débordée, à la traîne. « Je rappelle que le tribunal d’instance d’Aubervilliers va six fois moins vite que le tribunal d’instance du 18arrondissement, à cause d’un “truc” entre les deux qui s’appelle le périph’ », a amèrement cité Philippe Rio, à titre d’exemple. La police, quant à elle, est à bout de souffle : locaux trop souvent délabrés, policiers démoralisés... Gérard Larcher n’a pas hésité à raconter sa récente visite au commissariat de Bondy : « C’était un souvenir architectural marquant. Surtout les sous-sols, a-t-il confié. Là-bas, presque tous les jeunes policiers présents m’ont fait part de leur souhait de mutation. J’ai pu ressentir chez chacun d’entre eux la même lassitude, et de la lassitude, quand on a 28 ans et qu’on est sorti il y a tout juste quelques années de l’école, ce n’est pas normal », a déploré le président du Sénat, qui a avoué être sorti « bouleversé de cette visite ».?Cause ou conséquence de cet effondrement institutionnel – en la matière, c’est un peu le serpent qui se mord la queue : une sécurité, elle aussi, de plus en plus vacillante. « J’ai le sentiment que les lois de la République ne s’appliquent plus de la même manière partout sur le territoire de la République », a confié Philippe Dallier. Le sénateur de la Seine-Saint-Denis s’est dit « inquiet » de la situation dans son département, de plus en plus préoccupante selon lui. Ce dernier en veut notamment pour preuve la multiplication des « points de deal ». « Il y a 20 ans, vous m’auriez demandé où sont les points de deal, je n’aurais pas pu vous répondre. Aujourd’hui je peux vous donner 5 adresses où le trafic se fait en permanence du soir au matin. Tout le monde sait ce qui s’y passe, mais la police et les élus n’en viennent pas à bout, et les gens se demandent ce qu’est cette situation où on laisse s’organiser des trafics de manière ouverte », a-t-il relaté. 

Au-delà du trafic qui gangrène les banlieues, ces dernières sont souvent accusées d’être le terreau de l’islamisme radical. Si Marie-Noëlle Lienemann a estimé qu’il n’y avait « pas plus de gens radicalisés dans les quartiers qu’il n’y en a ailleurs » et a condamné fermement les « fantasmes qui visent à exonérer la société de ses crises profondes », Patrick Kanner a rappelé que lors de son intervention à l’émission « Le grand rendez-vous » animée par Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1, en mars 2016, lorsque le journaliste l’avait interrogé sur le nombre de quartiers ayant connu une islamisation radicale, il avait répondu qu’une centaine de quartiers en France présentaient des similitudes potentielles avec la ville de Molenbeek, en Belgique, épinglée dans les médias comme « plaque tournante du terrorisme ». « Je revendique ce que j’ai affirmé à Jean-Pierre Elkabbach, car il faut nommer les choses. Parmi les similitudes, je pense à l’économie souterraine, aux prédateurs, aux élus qui baissent les bras, aux phénomènes de concentration ethnique. Il faut bien sûr nommer toutes ces choses, mais, bien sûr, le plus important est qu’il faut les traiter », a affirmé l’ancien ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports. « Je salue Emmanuel Macron lorsqu’il dit qu’il faut casser le cercle vicieux de l’assignation de fait à résidence, lorsqu’il dit que les quartiers ne doivent pas s’habituer à l’insécurité, lorsqu’il dit qu’il faut dénoncer le poids de l’islamisme radical sans angélisme ni amalgame. Le président de la République a raison, mais il faut mettre les moyens », a martelé le sénateur du Nord. 


Abandon du plan banlieues : « Les annonces ont fait l’effet d’une douce froide »?

Gérard Larcher l’a rappelé : suite à « l’appel de Grigny » qui avait vu se réunir dans la ville enoctobre2017desmairesdecommunes « sensibles » pour proposer une série de mesures à destination des quartiers prioritaires, lors de la clôture des États Généraux de la politique de la ville, le Président de la 

République avait chargé Jean-Louis Borloo d’un rapport sur les banlieues. Lors d’un discours sur la politique de la ville tenu en novembre à Tourcoing, il avait ainsi remercié l’ancien ministre de la Ville d’« avoir accepté de remettre les gants » pour « aider à la bataille ». 

« Jean-Louis Borloo a rendu fin avril un rapport fort qui constatait que dans les quartiers prioritaires, les communes ont plus de besoins et moins de ressources. Il soulignait la nécessité politique de mieux faire vivre la promesse d’égalité républicaine dans ces quartiers et dans l’espace rural. Il appelait également à un plan de réconciliation nationale durable, et je ne peux que le rejoindre là-dessus. À mon sens, la réconciliation nationale, cela ne peut pas exister qu’un dimanche soir après une victoire en coupe du monde. Cela doit durer plus longtemps », a commenté le président du Sénat, qui s’est donc dit « déçu» que le plan Borloo n’ait pas été repris par Emmanuel Macron. 

En effet, en mai dernier, ce dernier avait finalement indiqué qu’il n’y « aurait pas » de plan banlieues, préférant annoncer à la place quelques mesures ciblées. Le 11 juillet dernier, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, présentait la stratégie de l’exécutif pour les quartiers populaires. Au programme : soutien de 15 millions d’euros aux associations, signature d’un pacte avec les entreprises et relance de la rénovation urbaine... Insuffisant toutefois pour convaincre les sénateurs et maires des banlieues. 

« Jean-Louis Borloo a beaucoup travaillé sur le sujet, il est allé sur le terrain, a consulté des élus... Nous étions beaucoup à attendre, à espérer. Les annonces de Jacques Mézard ont fait l’effet d’une douche froide. Aujourd’hui, on fait de l’homéopathie alors qu’il faudrait un traitement de cheval », a déploré Philippe Dallier. « Les mesures annoncées sont bien évidemment utiles, a tempéré Gérard Larcher, cependant elles ne paraissent pas encore porter de véritable ambition, de nouvelle dynamique », a-t-il regretté. 

C’est donc pour nourrir une telle ambition que le Sénat instaurera courant septembre un groupe de travail permanent sur la politique de la ville, un « Baromètre des banlieues », qui réunira des sénateurs de toutes les commissions permanentes et accueillera des élus locaux, a annoncé Philippe Dallier. 


Quelle politique de la ville ? 

Le sénateur de la Seine-Saint-Denis s’est montré catégorique : il ne saurait y avoir réussite de la politique de la ville si l’on n’applique pas au préalable avec succès une politique de droit commun. « C’est très bien de débloquer 15 millions d’euros pour les associations, mais quels moyens de droit commun injectent les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de l’Éducation pour les territoires les plus en difficulté ? Il y a un grand écart entre l’intensité des problèmes et les moyens qui y sont mis. Tant que l’État ne se sera pas réinvesti de façon forte dans les quartiers sur les politiques régaliennes – soit par réorganisation administrative, soit par moyens budgétaires supplémentaires –, la politique de la ville ne pourra pas toute seule venir corriger ces lacunes, a-t-il martelé. Cela commence par réorganiser l’État, faire revenir plus de policiers dans les coins difficiles, faire en sorte que 20 % des affaires ne soient pas classées sans suite parce que les magistrats n’ont pas le temps de les traiter, ou encore recruter plus d’enseignants expérimentés, à même de prendre en charge des enfants difficiles.» 

Dans le cadre de la politique de la ville, Patrick Kanner a estimé que trois objectifs convergeaient : réduire les écarts de développement, améliorer les conditions de vie et défendre l’équité. « Nous devons aller vers un monde plus juste, et pour cela, il est hors de question de se contenter de “mesurettes” », a-t-il fait valoir. À cet égard, le sociologue Renaud Epstein s’est prononcé en faveur de la création d’une Cour d’équité territoriale, mesure proposée dans le rapport Borloo, susceptible selon le sociologue de « transformer radicalement la politique de la ville ». 

Pour Patrick Kanner, la transformation passe aussi par un changement de conception. Selon le sénateur du Nord, il n’y aurait pas « une » politique de la ville, mais « des » politiques de la ville. « En réalité, il y a autant de politiques delavillequederéalitésdeterritoires.Ilnous faut des outils qui nous permettent d’avoir des états des lieux de nos réalités territoriales, afin de pouvoir défendre comme il se doit nos populations et les projets portés pour nos territoires. Mais il faut à tout prix éviter de rentrer dans une case. Un dispositif commun à Marseille, à Bondy ou à Arras n’aurait aucun sens. Nous n’avons pas les mêmes besoins, nous ne vivons pas les mêmes réalités. Nous devons travailler à notre dimension ». 

Une politique de la ville personnalisée, mais aussi une politique qui doit prendre le temps de se construire, de se mettre en œuvre, a laissé entendre Frédéric Leturque. « On ne peut pas faire une politique de la ville dans la violence en mettant sur la table des sujets caricaturaux et en baissant les moyens », a averti le maire d’Arras (Pas-de-Calais) et conseiller régional des Hauts-de-France. « Les présidences de la République qui se sont succédées ces dernières années ont eu la volonté de faire du chamboule-tout, avec ce besoin d’inscrire son nom, sa marque, sur une dynamique de cohésion sociale et territoriale. Toutefois, cette dynamique doit être confortée dans le temps. La politique de la ville est un travail dans le temps long, cela ne peut pas se régler sous une mandature. » Ce travail, Frédéric Leturque a estimé qu’il fallait le confier « à ceux qui battent la mesure sur le terrain ». « Il faut injecter plus de moyens dans un schéma d’ensemble qui place au centre les forces vives des territoires, les acteurs économiques et associatifs, les maires et les élus municipaux », a opiné pour sa part Gérard Larcher. 


De l’enjeu culturel 

Toutefois, augmenter les moyens ne servira à rien si les véritables enjeux ne sont pas identifiés, a nuancé Xavier Lemoine. Le maire de Montfermeil a en effet considéré que l’enjeu des banlieues n’était ni social, ni économique, ni même urbain. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dysfonctionnements en la matière, mais ce sont des problématiques qui relèvent de l’ordre des conséquences, et non des causes. Il faut donc remonter aux causes. Si année après année la Cour des comptes ne cesse de dire “tout cet argent pour ça !”, c’est que l’on n’a pas vu où se situe véritablement l’enjeu ». Et à son sens, l’enjeu des quartiers serait en réalité d’ordre culturel. 

Un point de vue partagé par Franck Montaugé : « La culture doit être le présupposé de toute politique ! » a affirmé le sénateur du Gers, qui a assuré vivre des « expériences extraordinaires » dans sa ville, 

Auch, grâce à CIRCa, pôle national des arts du cirque, ou encore grâce à Ciné32. Cette association a mis en place pour l’ensemble du Gers un dispositif interassociatif permettant à chaque association de gérer librement le cinéma de sa commune, et a notamment contribué à la production du documentaire « Le Foyer », en immersion dans un café associatif au cœur du quartier populaire du Grand Garros, où les habitués livrent leur parole et racontent le quotidien de leur petite cité de campagne. 

« J’ai vu les effets de ce film sur les habitants, il leur a redonné confiance et envie d’avancer collectivement. On se prive dans nos quartiers de découvrir la culture, l’origine de l’autre, alors que c’est fondamental. Il faut s’appuyer là-dessus ! », a insisté Franck Montaugé. 


Vers plus de cohésion sociale

Si la culture rapproche, Jean-Paul Dupré a estimé que la cohésion sociale devait être recherchée dans la participation citoyenne « la plus large qui soit ». «Il faut viser un rapprochement avec l’Éducation nationale, avec les entreprises... », a commenté le maire de Limoux. Ainsi, en 2013, a été créé le Cercle Jeunes Destination Entreprises, dont ce dernier est président, qui regroupe une vingtaine d’entreprises engagées en faveur de l’accès à l’emploi des jeunes des missions locales. Frédéric Leturque a également estimé qu’il fallait davantage aller vers les habitants, afin de travailler avec eux. « Sur la ville d’Arras, nous avons un projet éducatif territorial qui a souhaité associer les habitants, pas seulement les acteurs de l’éducation ». 

À côté des habitants, les associations doivent aussi jouer un rôle primordial. Valérie Létard l’a souligné : ces dernières agissent de deux façons dans les quartiers. Au travers du bénévolat, mais aussi à travers la délégation de service public. « On a tout un tissu associatif qui fait, pour le compte de la collectivité, un travail de proximité, d’éducation, d’insertion, de formation. Mais ces associations rencontrent des difficultés et elles ne savent pas si elles pourront continuer à agir pour le compte de l’action publique. Il faut qu’on leur garantisse qu’elles puissent continuer à être présentes dans les quartiers ! », a insisté la sénatrice du Nord. « Nous avons besoin de la force du secteur associatif : 7000 associations sont financées par la politique de la ville, il faut leur permettre de se développer », a enjoint de son côté Patrick Kanner. 

Marie Trellu-Kane est la présidente exécutive d’Unis Cité, association pionnière du service civique en France : « On propose aux jeunes, quel que soit leur niveau d’études, un dispositif public qui leur permet de s’engager 6 à 12 mois, en étant un peu indemnisés, au service de la collectivité », a-t-elle expliqué. Au total, cela représente 7 000 jeunes, dont 20 % résident dans des quartiers prioritaires, et 38 % qui n’ont pas le bac. « À la sortie, 82 % de jeunes trouvent un emploi ou repartent en insertion. Ce qui a changé ? On leur a fait confiance, ils se sont rendus utiles ». Et selon Marie Trellu-Kane, se rendre utile à la société permet de développer un sentiment d’appartenance à une communauté. 

« Si les jeunes se sentent plus proches d’une communauté religieuse que d’une communauté nationale, c’est parce qu’ils ressentent le besoin d’appartenir à un groupe. Si ce groupe n’est pas leur ville, ni la France, ni l’Europe, eh bien ce sera autre chose. On a besoin de se sentir utile, de donner un sens à sa vie. Sinon on va chercher ailleurs », a-t-elle lancé. 


« Redonner dignité et fierté » aux habitants 

« Il faut cesser de mettre le zoom uniquement sur ce qui va mal dans les quartiers », a martelé le sociologue Renaud Epstein, visant notamment les médias. « Sur ces territoires, quand on médiatise l’hyper-échec de 2 à 3 % des habitants et l’hyper-réussite de 2 à 3%, entre les deux, il y a 95 % des habitants qui ne demandent rien sinon un droit à la normalité et à la banalité », a appuyé un élu parmi le public. 

Renaud Epstein a indiqué qu’à ce titre, les discours des responsables politiques étaient importants pour rétablir l’image des banlieues, « mais on ne peut pas se limiter à de simples discours, d’autant que s’ils viennent masquer la démobilisation des politiques et des ressources publiques, ils deviennent alors des mensonges ». Philippe Rio a pour sa part tenu à saluer le travail de Driss Ettazaoui, vice-président de l’agglomération Évreux Portes de Normandie (EPN) en charge de la politique de la ville, sur l’image des quartiers. Le maire de Grigny a également plaidé pour 

la création d’un délit de diffamation territoriale, faisant référence aux propos tenus par Éric Zemmour en 2016 sur BFM, dans lesquels le chroniqueur qualifiait la Grande Borne d’être « une contrée » qui n’est « pas en France » et « où l’on est sous une loi qui mélange la loi des caïds et la loi islamique ». En attendant le procès pour « diffamation envers une administration publique» qui aura lieu le 15 novembre prochain au tribunal de grande instance de Paris, après la plainte de la municipalité de Grigny, Philippe Rio a pointé les répercussions concrètes que pouvaient avoir de telles allégations. « Le gamin qui demain va chercher un boulot, un stage, s’il dit qu’il vient de Grigny, c’est peine perdue ! », a soupiré le maire. « Aucun habitant n’a le droit d’avoir moins de réussite car il est né ou habite à un endroit », a approuvé la maire de Chanteloup-les-Vignes, Catherine Arenou. 

Pour Xavier Lemoine, il faut avant tout « redonner dignité et fierté » aux habitants des banlieues, sans quoi, aucune politique sociale ne sera opérante. « Que voulez-vous que fassent la police et la justice si les gens, par manque de dignité et de fierté, n’ont rien à défendre ? Le jour où vous redonnez dignité et fierté, votre population a de nouveau quelque chose à défendre. Elle rebascule du côté des institutions, et c’est là que les ennuis commencent pour la délinquance ». 

Bérengère Margaritelli 

 

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