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Bâtonnat de Paris 2022 : Entretien avec les candidats Julie Couturier et Vincent Nioré

Bâtonnat de Paris 2022 : Entretien avec les candidats Julie Couturier et Vincent Nioré
Publié le 23/11/2020 à 10:34

Julie Couturier et Vincent Nioré sont candidats aux fonctions de bâtonnière et de vice-bâtonnier du barreau de Paris aux prochaines élections du 24 novembre 2020. Le JSS leur ouvre ses colonnes, l’occasion de présenter leur programme, mais aussi de les interroger sur l’actualité qui a marqué la profession. Entretien



Pourquoi avez-vous choisi d’être candidat au bâtonnat du barreau de Paris ?


Notre candidature s’inscrit dans le sillage de nos engagements syndicaux, associatifs et ordinaux de longue date au service de nos confrères.


Si nous avons des tempéraments différents, nous sommes complémentaires dans nos parcours.


Nous nous sommes rencontrés au conseil de l’Ordre, après quoi, Vincent a accompli deux mandats au CNB. Nous sommes aujourd’hui préoccupés à double titre :


en premier lieu, par la crise que traverse le barreau : les avocats sont de moins en moins considérés, de plus en plus attaqués et menacés dans leur existence même, dans un contexte d’affaiblissement de l’institution judiciaire dans son ensemble ;


en second lieu, par la détérioration de la situation économique des avocats, quel que soit leur mode d’exercice : ceux qui exercent à titre individuel ont été fragilisés par la grève contre l’inacceptable réforme des retraites puis par la crise sanitaire. Les cabinets structurés, qu’ils soient français ou internationaux, sont également touchés, tout simplement parce que leurs clients le sont aussi.


Face à ce constat, nous avons la vision d’un bâtonnier confident de ses confrères, protecteur des droits de la défense et du secret professionnel, notamment en matière de conseil. Nous n’avons pas besoin d’un bâtonnier « père fouettard ».


En cette période troublée, les avocats ont, avant tout, besoin d’être protégés, défendus.


Nous devons rassembler les avocats, aider les plus fragiles et permettre à tous de se développer.


 


Si vous êtes élus, quelles seraient les priorités de votre mandat ?


Les mois que nous venons de traverser nous ont appris qu’il fallait être prudents et humbles avec les projections à long terme.


Cela dit, nous pensons que les préoccupations de nos confrères seront essentiellement économiques et nous serons prêts à mettre en œuvre des mesures de soutien économique et social.


Nous voulons accélérer la transformation de la profession, en offrant aux avocats parisiens des solutions pratiques devant permettre d’affronter nos nouvelles conditions d’exercice.


Enfin, notre attention ira plus particulièrement aux jeunes avocates et aux jeunes avocats, car ils sont les forces vives du Barreau.


 


En cette période de crise, comment accompagneriez-vous la relance des activités économiques des cabinets d’avocats ?


Nous savons l’urgence et nous ne voulons pas attendre pour venir en aide à nos confrères.


Si nous sommes élus, nous y travaillerons dès notre élection et profiterons de l’année 2021 pour construire un plan de soutien économique et social qui sera dévoilé au cours du second semestre 2021, afin de répondre aux difficultés de notre Barreau dans toute sa diversité.


Enfin, il nous semble essentiel d’approfondir la réflexion sur la nécessaire adaptation de notre déontologie au développement de nos cabinets, dans le respect des valeurs de notre serment.


 


La mutation numérique est déjà en marche. Comment envisagez-vous d’accompagner le déploiement du digital au sein des cabinets ?


L’Ordre doit faciliter le déploiement du numérique au sein des cabinets, en accompagnant tous les confrères quels que soient leur maturité numérique et leurs modes d’exercice.


C’est pour cette raison que nous proposons la création d’un cycle de formation continue pour transmettre à tous les avocats du barreau de Paris les compétences techniques nécessaires sur des sujets numériques aussi fondamentaux que le legal design, la cybersécurité, le marketing digital et l’automatisation des procédures.


Nous voulons aussi créer un fonds d'investissement du barreau de Paris, qui aura pour mission d’accompagner le développement de projets existants ou à venir, servant de manière directe les intérêts des avocats parisiens.



  

« En cette période troublée, les avocats ont, avant tout, besoin d’être protégés, défendus. »


 



Comment compteriez-vous agir en faveur de la parité et de la diversité ?


Nous rappelons que le principe d’égalité et de non-discrimination fait dorénavant partie de nos principes essentiels au même titre que les principes de délicatesse, d’honneur ou encore de dignité, et nous aurons à cœur de le faire respecter tant nous sommes convaincus que le Barreau est riche de sa diversité.


Pourtant, en fait, trop d’inégalités persistent.


Nous souhaitons notamment promouvoir l’effectivité du congé parentalité, de quatre semaines à Paris, qui est un facteur d’égalité car tant que la charge professionnelle de la parentalité pèsera exclusivement sur les femmes, nous n’arriverons pas à faire exploser le plafond de verre.


Par ailleurs, trop souvent encore, des avocates, des avocats et des stagiaires sont victimes, dans les cabinets parisiens, de faits de harcèlement moral ou sexuel et de discriminations.


Heureusement, la parole s’est libérée et l’Ordre a pris la mesure de ces problématiques, mais il faut encore faire évoluer les mentalités et poursuivre le travail engagé, notamment par une politique de « tolérance zéro » face au harcèlement et aux discriminations, par une communication ordinale forte sur les recours possibles et par une généralisation des campagnes de prévention et de cycles de formation initiale et continue.


Nous voulons ainsi organiser des formations sur la négociation des rémunérations, qui permettront de lutter contre les biais inconscients et les phénomènes d’autolimitation.


Enfin, nous mettrons en place une permanence hebdomadaire tenue par la bâtonnière, première confidente de ses confrères, qui les recevra individuellement et confidentiellement afin de recueillir leur parole et de les conseiller.


 


Quels sont les changements que vous souhaitez apporter à l’Ordre ?


Il est exclu d’emprunter la posture selon laquelle il faudrait renverser la table et tout casser.


En effet, l’Ordre de Paris a entamé, depuis plusieurs années, sa modernisation, notamment par la certification ISO 9001 d’un grand nombre de ses services et par la mise en place d’appels à candidatures pour le recrutement des avocats missionnés par l’Ordre.


Pour autant, la perception de l’Ordre par les avocats reste négative.


L’Ordre doit, comme toute entreprise moderne, parfaire sa transformation et continuer à dissiper toutes les zones d’ombre qui pourraient encore subsister en édictant des règles claires et des process simples, lisibles, librement vérifiables à tout moment, directement tant par le conseil de l’Ordre que par les avocats eux-mêmes.


En effet, nos confrères ont le droit de savoir l’usage qui est fait de leurs cotisations. Oui, l’argent des avocats, ne l’oublions jamais, est de l’argent public !


 


Quel regard portez-vous sur la réforme des retraites ?


Notre régime de retraites est un régime autonome, équilibré et pérenne pour plusieurs décennies.


C’est la raison pour laquelle nous avons, avec l’ensemble de nos confrères, participé aux manifestations du début de l’année jusqu’au blocage du tribunal judiciaire.


Nous espérons que, face à un changement de priorités compte tenu de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, le gouvernement aura la sagesse de ne pas remettre ce funeste projet à l’ordre du jour.


Si tel était le cas, nous continuerions à nous battre avec les autres instances de la profession pour sauver l’autonomie de notre régime, notre intransigeance dans le combat n’étant évidemment pas exclusive d’un dialogue avec les pouvoirs publics.


 


Quel regard portez-vous sur la nomination d’un avocat à la tête de la Chancellerie, et de la nomination d’une avocate à la direction de l’ENM ?


Nous portons naturellement un regard bienveillant sur la nomination d’un avocat à la tête de la Chancellerie et d’une avocate à la direction de l’ENM.


Cela dit, il nous a semblé que ces nominations, plutôt que d’apaiser les relations entre avocats et magistrats, en ont ravivé les tensions.


Nous avons au cœur de notre engagement la volonté d’œuvrer en faveur d’une amélioration de ces relations. C’est d’ailleurs parce que nous sommes convaincus que le dialogue entre avocats et magistrats est essentiel que nous avons organisé, le 27 octobre dernier, une conférence sur ce sujet. 


Lors de cette conférence, l’enjeu que représente la formation a été souligné par chacun des intervenants. Nous comptons profiter de la présence d’une avocate à la tête de l’ENM pour développer et démocratiser les cycles de formation avocats/magistrats et les partenariats entre l’EFB et l’ENM afin d’installer, dès la formation initiale, un socle de valeurs communes dans le respect mutuel et la compréhension des spécificités de chacun.


C’est aussi pour cette raison que nous appelons de nos vœux la création d’un poste d’ambassadeur permanent de la profession d’avocat auprès de la Chancellerie, chargé des relations avocats/magistrats/greffiers/personnels de justice, et qui apportera aussi sa contribution à l’élaboration des textes émanant du gouvernement en matière judiciaire et juridique.


 


Pour finir, en quelques mots, quelle serait selon vous votre plus-value pour le Barreau ?


Notre plus-value, c’est l’énergie que nous mettrons pour porter une voix forte et singulière, celle d’un bâtonnier confident de ses confrères, protecteur des droits de la défense et du secret professionnel, notamment en matière de conseil.


Nous partageons le même amour des avocats, les mêmes valeurs de bienveillance, de solidarité, d’empathie et le sens du collectif.


Nous travaillerons dans le dialogue et la concertation, en équipe, car ce qui nous anime, ce n’est pas la verticalité de la fonction, c’est la relation à l’autre.


 


Propos recueillis par Constance Périn


 





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