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Bernard Cazeneuve, invité du Cercle du Harlay

Bernard Cazeneuve, invité du Cercle du Harlay
Publié le 04/04/2018 à 12:17

Accueilli par Danielle Monteaux, présidente du Cercle, et Jean Castelain, son fondateur, Bernard Cazeneuve s’est exprimé à la Maison de l’Amérique latine, le 13 février 2018, devant les membres réunis autour d’un dîner. Le Premier ministre a occupé la fonction cinq mois. C’est la plus courte durée d’exercice à ce poste depuis le commencement de la Ve République.


Pour Bernard Cazeneuve, c’est dans l’exercice de l’État que la passion de la politique s’exprime de la façon la plus grande et la plus belle. Il se décrit comme quelqu’un qui adhère à des valeurs qui n’ont plus cours. Et son comportement désuet en fait un personnage totalement « vintage ». Selon lui, lorsqu’un responsable vous introduit à une responsabilité éminente, vous lui devez la loyauté, au moins jusqu’à la fin de son mandat. Bien sûr, la trahison a toujours existé en politique, mais il ne faut pas non plus l’élever au niveau d’une vertu.


Fidèle jusqu’au bout à sa ligne de conduite assez peu partagée, il a, au lendemain des élections présidentielles, décidé de prendre de la distance et de se donner le temps de réfléchir. Il pense qu’il n’est pas primordial d’apporter la démonstration quotidienne qu’on est indispensable. Il faut juste savoir si on peut être utile. Cela demande sporadiquement de prendre le temps de la réflexion dans les moments difficiles.


La droite et la gauche existent encore dans le pays. On ne peut pas imputer à Emmanuel Macron ce qu’elles sont actuellement. Le président a certes atteint son objectif immédiat, mais l’histoire politique de notre pays s’inscrit sur du long terme. Rien n’est écrit d’avance.


Résolument européen, le Premier ministre estime que l’Union ne doit pas se traduire comme une fuite en avant dans des traités successifs, simplement parce qu’aller vers un processus d’intégration toujours plus vaste, sans que ce mouvement ne se concrétise par des projets, nous rendrait plus fort. Notre continent ne présente pas le même visage s’il lance un plan sur des sujets comme la transition énergétique, l’innovation technologique, la formation universitaire, les transports de demain, que s’il ratifie un énième traité illisible qui accroit un peu plus sa souveraineté. L’opinion publique, l’adhésion des électeurs dépendent de leur lecture de l’action menée par les 27.


La police de proximité se trouve dans la rue, au contact, pour que les citoyens aient un sentiment de sécurité. C’est un objectif louable qui demande des créations de postes et des équipements qu’il faut éviter de prendre à la police d’investigation. Depuis cinq ans, les moyens attribués ont été rehaussés.


La menace terroriste est toujours aussi élevée en France et en Europe. Le travail entrepris, à l’extérieur de nos frontières, pour démanteler les états-majors de Daesh en Irak et en Syrie, complique l’organisation de la planification d’attentat sur notre territoire. Néanmoins, endoctrinement et communautarisme n’y ont pas disparu, et l’absence de tragédie depuis quelques mois, n’en signifie pas la fin.


Bernard Cazeneuve raconte : « En 2014, nous avons pris des dispositions pour bloquer des sites qui appelaient au terrorisme. Certaines voix ont alors clamé qu’il s’agissait d’une atteinte à la neutralité du Net et à la liberté d’expression sur le Web. Pourtant, les mêmes personnes n’auraient pas accepté, par exemple, qu’un groupe de manifestants scande "mort aux juifs" dans les rues de Paris. Et donc, dans leur esprit, ce qui était inacceptable dans la rue, devenait subitement acceptable sur Internet. On ne peut pas l’admettre ».


La déclaration de l’état d’urgence s’est imposée suite à des tueries abjectes qui précédaient de peu la COP 21. Pour certains, c’est une atteinte à l’état de droit, c’est une façon honteuse d’évacuer le juge judiciaire des mesures et des contrôles de police administrative. Or, depuis l’arrêt Blanco de 1873, l’arrêt Benjamin de 1933, l’arrêt Canal de 1962, il est établi que le juge administratif est un juge de liberté autant que le juge judiciaire. Par ailleurs, égorger un prêtre à Saint-Étienne du Rouvray ; assaillir un supermarché casher ; attaquer des policiers municipaux ou des militaires qui incarnent l’État de droit ; assassiner des journalistes et des caricaturistes qui symbolisent la liberté d’expression jusqu’à l’impertinence ; faucher des promeneurs à Nice avec un poids lourd, toutes ces violences s’en prennent à nos libertés fondamentales. Il faut les défendre contre ces actes extrêmes.


La politique migratoire ne doit pas être instrumentalisée. Elle est humanitaire, il n’y a pas lieu de s’en glorifier. En cinq ans, le précédent gouvernement a doublé le nombre de places dans les centres d’accueil pour le porter à 80 000. Sans cet effort, la France ne pouvait pas assumer les demandes d’asile. Par ailleurs, il n’est pas souhaitable pour Bernard Cazeneuve d’incorporer dans les textes relatifs à l’asile, des éléments concernant le séjour, ni introduire dans les textes relatifs à la lutte anti-terroriste des dispositions touchant le droit des étrangers.

 


C2M


 


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