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Bernard Stirn, l’invité du Cercle des Constitutionnalistes

Bernard Stirn, l’invité du Cercle des Constitutionnalistes
Publié le 22/04/2018 à 09:30

Dominique Chagnollaud de Sabouret, président du Cercle des Constitutionnalistes a accueilli Bernard Stirn, président de la section du contentieux du Conseil d’État. L’invité a rappelé aux membres présents que nos Constitutions successives ont toujours mentionné le Conseil d’État avant d’évoquer trois points : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ; la publicité des avis sur les projets de loi ; la garantie et la protection des droits fondamentaux.

 


L’engouement pour la QPC ne faiblit pas, il s’accroît même. Le succès des débuts en 2010, 2011 (deux cents questions par an) a été suivi d’une légère baisse (cent soixante à cent quatre-vingt questions par an). Depuis deux ans, les demandes sont reparties à la hausse, jusqu’à atteindre un record (deux cent cinquante-huit questions en 2017). De même, les tribunaux administratifs ont reçu six cent quarante-sept QPC, record absolu. En plus de la quantité, la portée des questions s’élargit. Certes, les réponses ne font plus tomber des pans entiers de la législation, comme aux premiers jours (garde à vue, cristallisation des pensions…) Aujourd’hui, les interrogations ciblent avec précision des domaines pointus : fiscalité, rapports de l’État et des collectivités locales, droit de l’environnement, droits fondamentaux, etc. Pendant l’état d’urgence, toutes les QPC soulevées à propos de la loi 1955 ont été déférées au Conseil constitutionnel ; idem, depuis novembre 2017, avec l’application de la nouvelle loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. La vie des juridictions, le système juridictionnel font l’objet de QPC partagées avec la Cour de cassation. La réforme de 2008 a replacé la Constitution au cœur de la protection des droits fondamentaux. Elle a développé la culture constitutionnelle. Les barreaux se sont complètement appropriés la QPC.


Depuis 2015, les avis sur les projets de lois adoptés par le Conseil des ministres sont rendus publics. Pour Bernard Stirn, c’est une bonne réforme, une règle claire qui accentue la prise en compte des avis du Conseil d’État. Auparavant, l’avis était essentiellement un projet de texte renvoyé au gouvernement, muni d’une brève note en langage technique stipulant les désaccords persistants du Conseil d’État. Aujourd’hui, l’avis est quérable par quiconque sur Internet. Tous les parlementaires, les syndicats, les particuliers peuvent en prendre connaissance. Les avis du Conseil d’État sur les projets de lois impressionnent par leur longueur, mais il faut dire qu’ils reprennent le contenu du texte. Ils indiquent les points d’accord et de désaccord du Conseil avec les propositions. Une formulation lisible informe le citoyen néophyte. L’autorité des avis du Conseil d’État s’est accrue en raison de ce pragmatisme. Le gouvernement procède maintenant à bien plus de saisines rectificatives. Les remarques du Conseil sur la procédure, l’étude d’impact, le fond, la réflexion, reçoivent un écho dans l’opinion publique.


Les conseillers partagent avec les juridictions judiciaires des sujets tels que la procréation assistée, la gestation pour autrui, la nationalité des enfants nés de GPA. L’administration rend des décisions sur ces sujets très intimes, le garde des Sceaux prend des circulaires, mais c’est probablement sur les thèmes de la vie collective que la jurisprudence s’est le plus prononcée. Elle a traité de laïcité, de la place de la religion (crèche, burkini, port du foulard), de l’aide des collectivités locales aux lieux de culte. Dans le contexte actuel, ces débats occupent beaucoup d’espace médiatique, ainsi que ceux sur la place des étrangers (entrée, séjour, asile). L’état d’urgence a généré des discussions sur l’assignation à résidence, les perquisitions administratives, etc. Il n’existait quasiment pas de droit jurisprudentiel de l’état d’urgence avant 2015. Ces interrogations entièrement inédites connaissent un prolongement avec l’application de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans le contentieux du renseignement. La loi de 2015 en a attribué au Conseil d’État le premier et le dernier ressort. Cela a abouti à la création, au sein de la section du contentieux, d’une formation spécialisée qui suit des règles procédurales originales.


Les questions abordées touchent les libertés essentielles et la jurisprudence empreinte des chemins peu explorés. La procédure d’amicus curiae, créée en 2008?permet de solliciter des avis de personnalités extérieurs. La première utilisation s’est produite pour l’épineuse affaire Vincent Lambert. Le Conseil d’État a alors consulté l’Académie de médecine, le Conseil national de l’ordre des médecins, le Comité national d’éthique et l’auteur de la loi, Jean Léonetti. L’amicus curiae autorise des collaborations de haute qualité et nourrit une pensée plus ouverte.


C2M


 


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