De manière très simplifiée, on peut affirmer qu’une
entreprise est en difficulté financière lorsqu’elle ne dispose plus, à échéance
très courte, de la trésorerie nécessaire à la continuité de son exploitation.
L’origine de ces difficultés étant très souvent
l’insuffisance ou l’absence de financement du besoin en fonds de roulement
(BFR), qui peut provoquer la cessation de paiement.
La problématique de l’insuffisance de financement du
besoin en fonds de roulement poursuit le chef d’entreprise durant toute son
activité, et même après l’ouverture d’une procédure amiable ou collective.
Un constat : les chefs d’entreprise n’ont pas
assez conscience (certains pas du tout…) de l’importance du financement du besoin en fonds de roulement (BFR) de leur
entreprise.
«
93 % des défaillances qui concernent des TPE ont été provoquées faute d’avoir
correctement géré leur BFR » (Source : ALTARES, 2016).Nous pouvons ajouter
aux TPE de nombreuses PME, souvent concernées par le même problème. On peut rencontrer des entreprises sans immobilisation, mais toutes ont un
besoin en fonds de roulement !
Nous savons tous que le besoin en fonds de
roulement correspond en fait au décalage
qui existe entre, d’une part, les délais de réalisation des stocks et
d’encaissement des créances clients et, d’autre part, les délais de règlement
des fournisseurs, des salaires, des charges sociales, etc.
Le BFR est le besoin financier nécessité et engendré
par l’exécution des opérations renouvelables du cycle d’exploitation.
RAPPEL
Mais attention, ce n’est pas parce qu’un fonds de
roulement net comptable est positif que celui-ci est suffisant aux besoins de
l’entreprise.
Là est bien la différence entre fonds de roulement
et besoin en fonds de roulement.
Les entreprises qui présentent un fonds de roulement
comptable positif peuvent malgré tout rencontrer des problèmes de trésorerie si
le besoin en fonds de roulement est plus élevé que le fonds de roulement
comptable…
Attention au risque de liquidité lorsque le besoin
en fonds de roulement est plus important que le fonds de roulement.
Lien entre
le BFR et la cessation de paiement
Le risque de liquidité et de cessation de paiement apparaît dans une
entreprise lorsque le besoin en fonds de roulement excède le fonds de roulement
comptable, et dès lors que ce dépassement est (mal) financé par des capitaux
précaires…
Le BFR est un investissement en trésorerie nécessaire et indispensable
au fonctionnement de l’entreprise.
Il comprend deux parties :
• une partie stable qui doit être financée par
des capitaux permanents ;
• une partie variable et mouvante provoquée
par les variations des actifs disponibles et des passifs exigibles qui peut
être financée par des financements à court terme également variables, du type
escompte, Dailly, découvert bancaire, etc. Toutefois, ces types de financement
ne doivent pas prendre la place des capitaux permanents.
Consommateur de trésorerie, c’est lors de ses fluctuations que le risque
de liquidité et de cessation de paiement intervient.
En effet, ce sont les fluctuations du BFR, souvent en progression, et
imprévues, mal ou pas financées, qui sollicitent les disponibilités en
trésorerie de l’entreprise.
Ce sont souvent les variations de trésorerie engendrées par les
mouvances du BFR, qui provoquent la cessation de paiement.
Le manque de trésorerie et le refus des partenaires financiers devant la
demande provoquent la cessation de paiement… Partenaires financiers sur
lesquels l’entreprise compte peut-être un peu trop souvent…
« Dans le cimetière des entreprises, beaucoup portent sur leur
pierre tombale, l’épitaphe suivant :
“Tu avais tout le capital nécessaire pour financer tes investissements,
mais tu as oublié qu’il fallait aussi financer ton besoin en fonds de roulement
“BFR” et ta croissance”.
Cruel paradoxe : les entreprises dont les ventes croissent vite
sont celles qui risquent le plus de faire faillite. » (J.L
Michel)
En effet, on ne règle pas les problèmes de trésorerie en augmentant le
chiffre d’affaires !
Bien au contraire, l’augmentation du chiffre d’affaires augmentera les
besoins en fonds de roulement et les besoins de trésorerie ; mécanique
financière infernale et très dangereuse…
L’ordonnance de 2008 a assoupli le critère de cessation de paiement par
les réserves et les moratoires.
L’article L. 631-1 du Code de commerce, modifié par l’ordonnance de
2008, qui a repris la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de
cassation, permet désormais au débiteur :
• d’augmenter son actif disponible par les
réserves de crédit dont il dispose ;
• de diminuer son passif exigible des créances
pour lesquelles il a obtenu des moratoires et des délais de paiement.
Réserves de crédit et moratoires doivent permettre le paiement des
dettes par des moyens normaux, qui ne doivent pas être des moyens ruineux…
Les deux mesures ci-dessus contribuent à pallier l’insuffisance de
financement du besoin en fonds de roulement.
Cette aide des textes, certes bienvenue, ne peut toutefois être durable
et le débiteur en difficulté devra rapidement faire le choix d’une
restructuration financière :
• par l’apport de capitaux nouveaux (propres
ou empruntés) ;
• ou par le choix d’une procédure amiable ou
judiciaire (mandat ad hoc, conciliation ou sauvegarde).
Ces procédures auront un effet bénéfique en faveur du financement
nécessaire de son BFR.
Étant précisé qu’à défaut de pouvoir trouver des partenaires financiers
ou des apports nouveaux,
le chef d’entreprise n’aura plus que le recours à une procédure amiable ou
judiciaire, qui, reconnaissons-le, sera un bon moyen de restructuration
financière de ses dettes et de financement de son besoin en fonds de roulement.
À NOTER
Il convient de noter que lors de difficultés de
trésorerie, seuls les moratoires obtenus peuvent permettre au débiteur de
retarder la cessation de paiement pour solliciter rapidement auprès du tribunal
une sauvegarde, les réserves de crédit étant la plupart du temps épuisées.
À défaut, et si la cessation de paiement a plus de 45
jours, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire deviendra
obligatoire.
Actif
disponible, passif exigible et besoins en fonds de
roulement
Le besoin en fonds de roulement, conséquence de la confrontation entre l’actif
disponible et le passif exigible.
• Le fonds de roulement est une notion de haut de bilan.
• Le besoin en fonds de roulement est une notion de bas de bilan.
Actif disponible et passif exigible se trouvent dans
la partie basse du bilan (contrairement à l’actif immobilisé et aux capitaux
propres et dettes à moyen et long terme – passifs stables – qui figurent en
haut du bilan), et sont également des composantes du BFR.
L’appréciation de l’état de cessation de paiement
repose sur la comparaison entre l’actif disponible et le passif exigible, étant
précisé que les deux notions d’actif disponible et de passif exigible ne
doivent pas être appréciées en termes comptables, mais en termes de trésorerie.
Ils ne peuvent également être « chiffrés »
et déterminés par la simple lecture des comptes de bilan.
L’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du
5 juin 1987 (n° 87/1157) situe bien le problème :
« La cessation de paiement n’est pas une
notion comptable. C’est plutôt une notion de trésorerie dont aucune trace ne
figure au bilan, tels que des crédits temporaires de campagne, des découverts
passagers, et pour laquelle les échéances, tant de rentrées que de sorties de
trésorerie, sont primordiales. »
« Les postes de bilan n’ont pas pour fonction de rendre compte de cette
réalité. »
L’actif disponible est une composante de l’actif
circulant, et le passif exigible est, lui, compris dans le passif circulant
(dettes à court terme).
Actifs circulants et passifs circulants font partie
des flux du cycle d’exploitation de l’entreprise qui ont pour vocation de
générer des disponibilités.
Ces postes de bilan sont destinés à rester dans
l’entreprise, au plus, pour la durée de chaque cycle d’exploitation. D’où
l’appellation : « capitaux circulants ».
C’est ce cycle perpétuel qui permet à l’actif
disponible de couvrir le passif exigible.
Dans le cas où les flux d’exploitation ne permettent
plus à l’actif disponible de faire face au passif exigible : il y a
cessation de paiement.
Nous voyons apparaître dans ce dernier scénario un
déséquilibre financier dû à l’insuffisance de financement du besoin en fonds de
roulement.
Si l’entreprise ne trouve pas de partenaires financiers
pour couvrir ce déséquilibre financier, elle sera contrainte de déposer le
bilan…
Ce sont les disponibilités « gagnées »
par l’efficacité de l’exploitation courante de l’entreprise qui permettront à
l’actif disponible de régler le passif exigible.
Dès lors que le déséquilibre financier engendrera un
manque de trésorerie et une cessation de paiement de plus de 45 jours,
l’entreprise devra obligatoirement demander l’ouverture d’un redressement
judiciaire ou d’une liquidation judiciaire, si le redressement est impossible.
Accroissement
du BFR et cessation de paiement
Pour bien conduire sa croissance, l’entreprise doit
financer l’augmentation des BFR, dus à la progression de son chiffre
d’affaires, en priorité par l’accroissement de son autofinancement. En cas
d’insuffisance de financement dû à un autofinancement trop faible, il faut
prévoir de remplacer cette insuffisance par des capitaux permanents (stables)
supplémentaires :
• crédit à moyen terme ;
• apport en fonds propres ;
• apport en compte courant d’associés.
À défaut, l’insuffisance de capitaux ressortira en
découvert…
Le défaut de financement de l’accroissement du BFR
est souvent la première cause des difficultés financières de l’entreprise,
surtout lorsque les BFR augmentent plus rapidement que l’autofinancement dégagé
par la croissance.
C’est ce défaut de financement qui engendrera :
• le déséquilibre de la trésorerie ;
• des découverts bancaires en dépassement et augmentation permanents.
Provoquant :
• la rupture des concours bancaires, trop sollicités ;
• la cessation de paiement.
Le drame financier intervient en général lorsque le
chiffre d’affaires se développe sans rentabilité… ou avec une rentabilité trop
faible.
« Il ne suffit pas de faire du
chiffre d’affaires… il faut faire du bon
chiffre d’affaires ! »
Ressources
en fonds de roulement
Certaines entreprises n’ont non seulement pas de besoin en fonds de
roulement, mais dégagent par leur exploitation des ressources en fonds de roulement.
Il s’agit souvent des entreprises dites « grandes
surfaces » dont la caractéristique est d’encaisser rapidement,
comptant, les ventes réalisées (parfois plusieurs fois) et de payer leurs
fournisseurs dans un délai de 15, trente, voire 45 jours.
Le délai entre l’encaissement quasi immédiat des ventes
(qui comprend le prix d’achat + la marge) et le règlement décalé des
fournisseurs, dégage, dans ce type d’entreprise, une trésorerie confortable
appelée « ressources en fonds de roulement » financée par le
crédit fournisseurs.
Le risque de cessation de paiement dû au besoin en
fonds de roulement est pratiquement inexistant dans ce type d’activité.
Michel Di Martino,
Président du tribunal de commerce de Lons-Le-Saunier