Le 10 décembre dernier, journée
internationale des droits de l’homme, la Commission nationale consultative des
droits de l’homme (CNCDH) a remis ses Prix des droits de l’homme de la
République française 2018. Le jury, présidé par Christine Lazerges, a décerné cinq
prix et cinq mentions spéciales mettant à l’honneur les défenseurs des droits, « ces femmes et ces hommes qui se mobilisent, au péril de leur vie,
pour les droits et libertés de chacun d’entre nous », précise
l’ancienne présidente.
Le 10 décembre 1948, les 58 États
membres qui constituaient alors l’Assemblée générale des Nations unies ont
adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris. 70 ans après, en cette journée internationale des droits de l’homme, la
CNCDH a choisi de distinguer plus particulièrement les défenseurs des droits à
travers la remise des Prix des droits de l’homme de la République française
2018. Cette reconnaissance, créée en 1988, vise à récompenser et à permettre
des actions qui promeuvent et protègent les droits de l’homme dans le monde.
L’ambassadeur pour les droits de l’homme, François
Croquette, présent lors de la cérémonie de remise, a salué le jury dans le
choix des lauréats. Cinq prix et cinq mentions spéciales sont ainsi venus
distinguer le parcours et l’engagement de ces personnes, défenseurs des droits :
« Les défenseurs des droits humains sont partout menacés. Des États
mènent contre les plus exposés d’entre eux de véritables campagnes de
dénigrement. Le Prix des droits de l’homme de la République française vise à
récompenser leur action en faveur des droits et de la paix » souligne
la Commission.
Les cinq lauréats du Prix des droits de
l’homme de la République française 2018
• Un avocat chinois – dont le nom n’a pas été divulgué –, militant pour les
droits de l’homme, a été récompensé à cette occasion. Interdit de sortie du
territoire depuis dix ans, celui-ci n’a pu être présent, mais ses mots de
remerciements ont été lus par la secrétaire générale, Magali Lafourcade. «
Ce défenseur des droits de l’homme est avocat, fondateur du collectif des
avocats chinois des droits de l’homme et consultant auprès du groupe d’entraide
des avocats contraints au chômage. Il a mis en place une plateforme des avocats
des droits civiques, et a contribué à la création de la ligue contre la torture
» précise la CNCDH.
• B’Tselem (le Centre d’information israëlien sur les droits de l’homme dans
les territoires occupés) et l’association Al Haq, en Israël-Cisjordanie, ont
reçu une récompense commune. B’Tselem s’engage pour mettre fin à l’occupation
israélienne, considérant « qu’il s’agit du seul moyen de créer un
avenir qui garantisse les droits de l’homme, la démocratie, la liberté et
l’égalité à tous, Palestiniens et Israéliens ». Son directeur
exécutif, Hagai El-Ad, présent lors de la cérémonie, s’est exprimé en ces
termes : « la réponse hystérique du gouvernement israélien
illustre la réalité de la propagande, des mensonges et des menaces auxquelles
B’Tselem est soumis ; nous agirons avec détermination pour mettre fin à
l’occupation ». Al-Haq – qui dispose d’un statut consultatif spécial
auprès du Conseil économique et social des Nations unies – est quant à elle une
organisation non gouvernementale palestinienne indépendante de défense des
droits de l’homme créée en 1979 « pour protéger et promouvoir les droits de
l’homme et la primauté du droit dans les territoires palestiniens
occupés ».
• Le Moviemiento nacional de victimas de Estado (Movice), en Colombie, a été
distingué « pour ses actions courageuses dans la lutte contre
l’impunité et la recherche de justice pour les victimes de crimes d’État en
Colombie, pendant le conflit armé. Le jury a notamment salué l’approche
constructive adoptée par Movice au cours du processus de paix, qui vise à
assurer la vérité et la justice aux victimes et à garantir la non-répétition,
éléments déterminants pour la mise en place d’une paix durable ».
Rocío Campos et Luz Marina Hache, familles de personnes disparues et
représentants du Mouvement, étaient présentes à cette occasion.
« En ce moment, la Colombie a un gouvernement qui, au niveau international,
s’engage dans des accords de paix uniquement pour obtenir des ressources
économiques, mais ses actions dans le pays sont loin de cette prétendue volonté
politique » ont-elles déploré.
Gautier Mignot, ambassadeur de France en Colombie, a
adressé aux victimes une lettre de félicitations : « cette
distinction est la reconnaissance du travail accompli par le Movice
depuis 2005, ainsi que par les nombreuses organisations de base qui composent
le mouvement sur tout le territoire national colombien, pour promouvoir les
droits des victimes de crimes de l’État, mettre fin à l’impunité et faire
connaître la vérité sur ces crimes. »
• Tournons la page Niger, coalition d’ONGs de la société civile, est engagée
contre la loi de Finances 2018 et pour la démocratie. Cette année, son coordinateur, Maïkoul Zodi, et
nombre de ses membres ont été condamnés à plusieurs mois en prison. Le jour de
la cérémonie, le 10 décembre,
se tenait leur procès en appel. Lui qui juge « grotesque de la part du
pouvoir nigérien d’avoir programmé ce procès le jour du 70e
anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme »
voit dans ce prix « un signal encore plus fort ». « Cela
récompense toutes nos activités de lutte contre l’injustice sociale, le
détournement de biens publics et la corruption » confiait-il au
Secours Catholique.
• Enfin, l’avocat biélorusse Leonid Sudalenko, responsable de la branche de
Gomel de l’association Justice, initiative qui offre une assistance juridique
aux victimes de violations des droits humains, a été distingué pour son
engagement dans la défense des droits humains. Spécialisé dans la préparation
de plaintes de particuliers devant le Comité des droits de l’Homme de l’ONU,
celui-ci milite également activement pour l’abolition de la peine de mort en
Biélorussie.
les mentions spéciales du jury
Les cinq mentions spéciales ont été décernées à :
• la Casa del migrante, au Mexique ;
• le Bureau pour le volontariat au service de
l’enfance et de la santé (BVES), en République démocratique du Congo ;
• l’Association pour les droits de l’homme et
l’univers carcéral (ADHUC), en République du Congo ;
• la Fondation Soukhoumi, en Géorgie ;
• Lenin Raghuvanshi, militante des droits des
Dalits d’Inde.
« Entre 2015 et 2017 au moins 1 019 défenseurs des droits humains ont été tués dans le
monde », précise Michel Forst, Rapporteur spécial des Nations unies sur la
situation des défenseurs des droits de l’Homme, dans une tribune à Mediapart.
« La situation n’a jamais été aussi grave », poursuit-il. Alors
que nous célébrions le 9 décembre dernier le 20e anniversaire de la
Déclaration des défenseurs des droits de l’homme, Michel Forst voit dans ces
événements « l’occasion [aussi] de s’interroger sur le bilan pouvant
être dressé 20 ans après l’adoption de la Déclaration.
A-t-elle réellement permis de protéger et garantir un environnement sûr aux
défenseurs pour qu’ils mènent leurs actions ? » s’est-t-il
demandé.
Constance
Périn