L’Association française des juristes
d’entreprises (AFJE) a organisé son 7e campus. Une journée de
formation qui a réuni quatre cents participants et dont le thème était la
transition digitale. Les intervenants de la plénière d’ouverture, intitulée « Les directions juridiques face à la
transition digitale : s’adapter ou… ? », ont tenté de répondre à des questions comme
: « Quelles sont les
innovations qui changent la donne ? », « Comment la transition digitale
affecte-t-elle votre organisation, le business model de la direction juridique, votre offre de services
juridiques, vos relations avec les clients internes et externes de l’entreprise
? »
ou encore « Quels seront les métiers du juriste de demain ? »
Cette 7e édition du campus AFJE a commencé par une
clarification d’ordre sémantique : assiste-t-on à une ubérisation ou à une
transformation digitale ? Marc Mossé, vice-président de l’AFJE et
directeur juridique chez Microsoft, a expliqué que ce campus AFJE avait pour
ambition d’interroger le concept de transition digitale en tentant de
comprendre de quelle manière cela impacterait le métier de juriste à l’avenir, « ainsi
que sa portée en formation initiale et/ou continue », a-t-il ajouté.
Pour Olivier Chaduteau, associé fondateur du cabinet de conseil en
stratégie Day One, le juriste ne va pas être remplacé. La transformation
digitale ne doit pas être appréhendée seulement comme l’apparition de nouveaux
outils, mais doit s’inscrire dans ce que l’auteur de l’ouvrage « La
Direction juridique de demain » appelle « VTC », un
acronyme pour Valeur – Technologie –
Collaboratif. Dans ce cadre, il s’agit d’utiliser le digital pour optimiser
l’efficience de la direction juridique et de permettre aux juristes de se
focaliser sur la forte valeur ajoutée. Le « V » faisant
référence à la création, l’apport et la répartition de la production de valeur,
et le « C » au rôle pivot du juriste avec les financiers, les
directions fonctionnelles et les acteurs du business.
Un point de vue partagé par le directeur juridique d’IBM France, Bruno
Massot, qui considère que la mutation de « l’informatique
d’exécutif » à une digitalisation qui apporte une valeur ajoutée a
déjà eu lieu. « On voit déjà une mise en œuvre du domaine de l’analytic
(le big data) dans le juridique comme la compliance par exemple »,
précise-t-il. Concernant la blockchain, Bruno Massot est plus réservé. Selon
lui, « on n’en est pas encore là. C’est plus un support de l’activité
juridique qu’une transformation ». Il prend ensuite l’exemple des « chatbots »
(des robots agents conversationnels) qui répondent aux questions des clients
automatiquement et qui pourraient contextualiser une question afin d’éviter au
juriste de devoir en poser une multitude pour comprendre l’enjeu.
« Les différents mondes de
l’entreprise doivent se parler »
Pour tous les intervenants, la transformation digitale n’est pas un
danger pour la profession. Les craintes sont davantage de l’ordre du fantasme
que de la réalité, même future. L’information aura toujours besoin d’être
traitée par le juriste, car c’est lui qui détient l’esprit critique.
L’intelligence informatique ne peut pas remplacer le jugement de l’être humain.
Pour Anne-Valérie Attias-Assouline, présidente de PwC société d’avocats,
« l’intégration du digital est très inégale au sein des différentes
directions juridiques. Certaines se projettent dans l’analyse prédictive,
d’autres non. De ce point de vue les petites entreprises ont un avantage. Leur
taille leur permet d’être plus agiles ce qui n’est pas le cas des grandes
entreprises où cela prend plus de temps ». « Dans tous les
cas, il faut que la maturité des directions juridiques soit alignée sur celles
des directions des entreprises. Il est inutile d’aller plus vite, ça ne marche
pas. Mais on peut impulser », précise l’avocate. Pour mener à bien
cette transition digitale, Anne-Valérie Attias-Assouline estime que les
différents mondes de l’entreprise doivent se parler : ingénieurs,
juristes, marketing. Bruno Massot parle lui aussi de transversalité pour
vaincre un des grands obstacles de cette transition : « le
fonctionnement en silos ».
Le fonctionnement en silos, c’est justement ce qui avait été reproché
lors du Grenelle du droit à la filière juridique française. Marc Mossé n’a pas
manqué de faire le parallèle et propose ainsi de modifier la formation initiale
et continue en ajoutant de nouvelles matières comme le marketing ou
l’utilisation de data.
Victor Bretonnier