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Cercle des constitutionnalistes : regard sur la principauté de Monaco

Cercle des constitutionnalistes : regard sur la principauté de Monaco
Publié le 24/01/2020 à 10:20

Christophe Steiner, ambassadeur de la principauté de Monaco auprès de la France, Andorre, l’organisation mondiale de la francophonie et le bureau international des expositions, a répondu présent, le 11 décembre 2019, à l’invitation de Dominique Chagnollaud de Sabouret, président du Cercle des constitutionnalistes. Son Excellence nous parle d’histoire et de Constitution.




Le lien entre Monaco et la France est très particulier. Le prince Albert revient de temps en temps sur les terres de ses ancêtres pour partie Français. Il perpétue une politique soucieuse du maintien de l’aura populaire du rocher parfois liée à des régions éloignée. En effet, la famille Grimaldi, de noblesse ancienne et très titrée, est riche d’une histoire aux connexions géographiques multiples. Au XIXe siècle, Monaco était une terre enclavée et pauvre. Le chemin de fer a résolu le premier problème et François Blanc, instigateur du casino de Monte-Carlo (à une époque où ils sont interdits partout en Europe) a résolu le second. Un article du traité de Versailles concernait Monaco : si la famille souveraine n’avait pas de descendance, son territoire serait rattaché à la France et deviendrait un de ses départements. Cette précision a été demandée par les Français qui ne voulaient surtout pas, au sortir de la guerre, que la branche allemande de la famille Grimaldi puisse accéder à la tête de la principauté.


En 1998, Michel Lévêque, ministre d’État (Premier ministre) de la principauté, propose au président du Conseil national (Assemblée nationale) l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe. Le rapport qui statue sur la candidature demande alors que le pays soit divisé en quatre circonscriptions, et qu’un régime parlementaire soit instauré parmi d’autres requêtes inacceptables pour le pouvoir en place. Avec une population de 38 000 habitants et 50 000 travailleurs frontaliers sur un espace de 2 km², les attentes du Conseil de l’Europe ont poussé les Monégasques à prendre du recul : leur territoire est beau, propre, les nationaux heureux, le chômage anecdotique, est-il bien utile d’intégrer ce groupe de nations ? Finalement oui, car c’est un passage obligatoire pour rejoindre l’Union européenne (UE). En conséquence, les négociations pour l’adhésion, les modifications constitutionnelles, celles de la loi électorale ont été menées pour aboutir in fine à l’accueil de Monaco comme 46e État membre du conseil le 5 octobre 2004.


Plus récemment, l’Union européenne et Saint-Marin, Andorre ainsi que Monaco se sont rapprochés pour engager des négociations, non pas pour rejoindre l’UE, mais en vue de définir des accords de branche, plutôt désignés comme des partenariats. Le même processus est en cours avec la Suisse. La Constitution monégasque garantit des priorités à ses ressortissants comme par exemple l’emploi. La principauté accueille une alliance historique entre son peuple et la famille régnante. Les pourparlers avec l’UE entamés depuis plus de quatre ans impliquaient initialement les trois petits états. Saint-Marin, aujourd’hui dans une situation économique délicate est prêt à signer sans délai.
Les choses sont différentes pour Andorre et Monaco.


Leurs marchés sont ouverts à toute l’Europe, mais la réciproque est fausse. Les industries pharmaceutiques de la principauté, par exemple, vendaient leurs produits sans problème en Europe tant que l’Agence de contrôle du médicament se situait en France. Du moment où cette agence s’est installée à Londres, la porte s’est fermée aux laboratoires monégasques. Faut-il y voir un lien avec un désir européen d’ingérence dans une politique fiscale souveraine indépendante ? Le problème est le même pour l’exportation de nourriture, les transports, les services financiers, etc. Pour Christophe Steiner, l’Europe abolit des frontières extérieures mais en crée à l’intérieur. En conséquence, une proportion importante de la population monégasque ne souhaite pas rejoindre l’UE. Toutes les professions réglementées (architecte, avocat, dentiste…) sont réservées aux Monégasques sur leur territoire du fait qu’ils sont minoritaires dans leur propre pays. Ils bénéficient également d’aides sociales car, avec un prix du m² pouvant aller jusqu’à 120 000 euros, beaucoup ont du mal à se loger. De plus, les ressortissants de la principauté peuvent contracter un bail emphytéotique avantageux. Malheureusement, la population croît plus vite que le parc d’habitations.


Les conseillers du gouvernement (ministres) assistent le ministre d’État. Comme le directeur des services judiciaires (garde des Sceaux), le directeur de la sûreté publique, ils sont nommés par le prince. Les traités bilatéraux de 1930 entre la France et Monaco réservent certains emplois publics de la principauté à des Français, notamment celui de ministre d’État. Il n’y a ainsi jamais eu de ministre d’État monégasque à Monaco. Le principe est le même pour le directeur des services judiciaires, le directeur de la police, les conseillers du gouvernement. Aucune de ces personnes n’émanent du Conseil national. Elles n’ont pas de mise en responsabilité ni de motion de censure. Le Conseil national est élu au suffrage universel par tous les électeurs monégasques, il est constitutionnellement co-législateur avec le prince. Une proposition de loi peut être rédigée par le Conseil national, débattue, amenée en séance publique. Votée, elle est soumise au gouvernement qui dispose de six mois pour l’accepter ou la refuser. Le gouvernement doit motiver en séance publique les cas de refus. Le système est monocaméral, mais le gouvernement exerce une fonction de seconde chambre. Il peut amender le texte et le redéposer pour un nouveau cycle.


 


C2M


 


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