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Club patrimoine - Bilan patrimonial : applications pratiques

Club patrimoine - Bilan patrimonial : applications pratiques
Publié le 21/09/2017 à 09:49

Laurent Benoudiz, président de l’ordre des experts-comptables Paris Île-de-France a introduit cette conférence, animée par Martial Asnar, directeur technique FVI Patrimoine & Entreprise et Serge Anouchian, expert-comptable, commissaire aux comptes et président du club patrimoine, groupe de partage et de rencontre des professionnels franciliens.



L’environnement


Les experts-comptables occupent une position privilégiée pour mener à bien les missions de bilan patrimonial qui, parfois, s’avèrent compliquées. Cette tâche qui consiste à dresser un panorama à un instant précis, englobe beaucoup de techniques. Elle touche aux aspects juridiques, financiers et invite à la collaboration avec un réseau de compétences pluridisciplinaires.


Dans l’esprit français, le détenteur temporaire d’un patrimoine souhaite l’améliorer, l’enrichir, l’optimiser puis le transmettre. Serge Anouchian, mi-blasé, mi-espiègle, énonce sa définition du problème : « la gestion de patrimoine consiste à prendre des décisions à froid, pendant qu’on est encore chaud, plutôt que de faire prendre des décisions à chaud, alors qu’on est déjà froid ». Ceci pour insister sur le fait que la meilleure façon de réduire les coûts de transmission consiste à anticiper longtemps à l’avance, en suivant une stratégie.


Il importe de tenir compte d’un certain nombre d’éléments : l’espérance de vie rallonge régulièrement, l’âge moyen d’entrée dans la vie active augmente. Se constituer une retraite ou un patrimoine devient plus difficile. De plus, recomposition familiale et mœurs modernes rendent les relations d’aujourd’hui plus complexes qu’autrefois. En France, la confiance dans le système social prévaut, chacun estime que sa retraite, sa prévoyance et sa couverture maladie seront nécessairement assurées. Aussi, la gestion active de patrimoine est-elle souvent délaissée dans notre pays contrairement à l’attitude observée chez les Anglo-Saxons. Enfin, les Français sont très mobiles à l’international, attirés par un autre système éducatif, la liberté d’entreprendre, une stabilité législative, ou encore la fiscalité.


Dans une gestion qui dure longtemps, plusieurs points revêtent une importance capitale : d’abord la notion civile patrimoniale, parce que le législateur modifie rarement ce pan du droit (donc fiable) ; ensuite, évidemment, les choix faits en fonction de l’environnement économique ; et enfin l’aspect fiscal dont les variations permanentes rendent difficile toute construction pérenne.


Sur ce marché, les experts-comptables ont quelques atouts. Indépendance, déontologie, formation, expérience des entrepreneurs motivent la confiance des particuliers. De plus, ils accompagnent le même client pendant des années, donc, défendre ses intérêts à longs termes, sans chercher à faire un bénéfice immédiat sur le placement d’un produit bien commissionné, est profitable à des relations de longues durées pour les cabinets. Mais, les professionnels ont aussi des défauts. Ils doivent s’améliorer quant à leur disponibilité, leur réactivité, leur réticence à déléguer des tâches, et ils doivent apprendre à se vendre. La gestion patrimoniale réclame également une empathie avec le client, de la curiosité et des formations juridiques complémentaires (régimes matrimoniaux, succession).


Méthode


Pour Martial Asnar une mission de gestion de patrimoine suit toujours à peu près les mêmes cheminements et soulève les mêmes questions. Il est impossible de tout résoudre ; il faut l’accepter en préambule.


Au commencement du traitement d’un dossier il est essentiel de cerner les attentes du client. Puis il faut recueillir des informations patrimoniales, à savoir, civiles, sociales, fiscales, économiques, familiales, etc. Et suite à une phase d’analyse, la valeur ajoutée de l’intervention de l’expert-comptable se matérialisera par des conseils et des propositions de remèdes aux problèmes rencontrés. Son rôle consiste à mettre en place des solutions sans chercher à vendre un produit spécifique, à la différence des sociétés de conseil en gestion de patrimoine, des banques ou des compagnies d’assurances.


Concernant les intentions du client, il faut le laisser parler et lui poser des questions ouvertes sur sa vie. Les informations communiquées révèlent son état d’esprit. Deux personnes aux initiales similaires présenteront des idées diamétralement opposées. Lorsqu’on dresse la liste des objectifs cités, on constate que certains reviennent de façon assez récurrente : protéger son conjoint en cas de décès ou d’incapacité ; améliorer les revenus ; sécuriser son patrimoine ; réduire la pression fiscale ; préparer la retraite ; transmettre à ses enfants.


Pour échafauder une réponse adaptée, il faut considérer certaines informations capitales. On peut les classer en catégories :


constitution du foyer et de la famille (mariage, concubinage, pacs), enfants de différents lits (source éventuelle de conflits), enfant incapable (suggérant une aide spécifique) ;


régime matrimonial et dispositions futures (testament, donation, etc.) ;


actifs ;


passifs ;


patrimoine professionnel (qui représente en général l’essentiel) ;


compte de résultat (revenus, charges, train de vie) ;


calamités potentielles (divorce, maladie, invalidité, décès) ;


revenus différés (retraite professionnelle, complémentaire, investissement immobilier, assurance-vie…).


La mission de conseil patrimonial demande de modéliser des hypothèses et de prévoir les réactions à leur appliquer. Elle génère une multitude de questions. Dans une situation établie et bien gérée, si un événement nouveau la modifie, quelle serait la nouvelle position pertinente ?


Prenons l’exemple d’un entrepreneur marié sous le régime de la communauté légale ayant deux enfants majeurs étudiants. Son épouse n’a pas d’activité. L’expert-comptable peut aborder beaucoup de sujets :


Le régime de la communauté est-il le plus adéquat ?


Le dirigeant possède-t-il un bien immobilier à usage professionnel ?


Quel serait le produit de cession net (après impôts) de sa société ?


Le patrimoine peut-il être restructuré facilement ou, au contraire, est-il figé ?


Un apport familial (héritage), qui l’enrichirait, aurait quelles conséquences fiscales ?


Les enfants reprendront-ils l’entreprise ?


En cas de disparition du dirigeant, comment et à quelle vitesse sa société sera-t-elle reprise en main ?


À la retraite, le chef d’entreprise souhaite-t-il conserver son train de vie, acceptera-t-il des concessions ?


Quelles est le ratio entre ses sources de revenus (salaire, dividende, investissement) ?


Comment ses revenus et ses impôts vont-ils évoluer au moment de quitter la vie active ?


A-t-il pensé au financement de la fiscalité en cas de décès ou ses ayants droit peuvent-ils assumer les droits de succession ?


Y a-t-il suffisamment de liquidités disponibles rapidement ?


Quels sont les implications du décès de Monsieur, et de celui de Madame ?


Tous ces éléments sont à considérer pour offrir aux clients un projet qui respecte au mieux leurs objectifs.


Serge Anouchian explique que le bilan patrimonial est une chose personnelle qui suscite la fidélité des clients. Et les cabinets d’expertise-comptable disposent de tous les outils pour mener à bien ce service à hautes conséquences éventuelles :


Bilan fiscal et bilan de ressources/dépenses (ou compte d’exploitation) donnent une image réaliste du train de vie et de la capacité d’investissement du client. Lui-même ayant souvent une représentation totalement fausse de ces deux montants indispensables à toute analyse de patrimoine.


Le bilan prévoyance dresse les conséquences d’une incapacité, voire du décès. Il se fonde sur les contrats de prévoyance collective ou individuelle et sur un questionnement dénué de tabou.


Le bilan retraite est très rapide à réaliser. Son calcul réel, très éloigné de l’imagination du client a, en général, un fort impact sur ce dernier.


Le bilan familial se penche sur le régime matrimonial et sur les liens courants et passés. Il demande des compétences juridiques pour maîtriser les implications futures dans les hypothèses de veuvage, de divorce, de famille recomposée, etc.


Pour tous ces chiffres, un bon logiciel est indispensable. De calcul, de simulation ou complet, il permet de faire des projections quantifiées, et d’arbitrer des décisions.


Comme pour la gestion d’une entreprise, la gestion patrimoniale se base pour partie sur l’analyse de chiffres (bilans, comptes de résultat) et pour le reste essentiellement sur du bon sens. L’expert-comptable fait des propositions d’ordre organisationnel, il ne vend pas de produit. Néanmoins, il a forcément l’habitude d’un cabinet de conseil en gestion de patrimoine, d’une banque et d’une compagnie d’assurance.


Par ailleurs, cela peut paraître décevant, voire fastidieux, mais une étude n’est pas définitive.
Au contraire, il est nécessaire de la refaire tous les ans ou à chaque fois que la loi ou la situation de l’individu change. Il est indiqué, pour l’expert-comptable de mettre en œuvre une mission périodique d’analyse et de constat patrimonial, de surveiller l’évolution des attentes du client qui se transforment avec l’âge. Il s’agit aussi de confirmer l’adéquation à long terme des solutions adoptées ou, si nécessaire, de les réorienter.


Pour beaucoup de cabinets, les conseils prodigués font partie des connaissances basiques et demander une rémunération pose problème. Or, il est tout à fait possible de facturer des missions de suivi épisodiques pour un montant de l’ordre de 1 000 euros.


Dans un pays où les règles fiscales et sociales mutent perpétuellement, s’engager dans un processus d’investissement patrimonial demande du courage. Et pour éviter les désillusions, il semble judicieux de privilégier, en ce domaine, les mécanismes réversibles.


Le bilan patrimonial s’apparente à une photo, un constat. Le conseil patrimonial, lui, vise à transformer l’existant pour qu’il tende vers le futur rêvé, c’est-à-dire, atteindre ce que le client voudrait.



C2M


 


 


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