Entendu mardi par la
commission des lois du Sénat sur son plan d’action pour une justice plus rapide
et plus efficace, le garde des Sceaux a appelé à ouvrir et professionnaliser le
recrutement des magistrats, à mettre en place des priorités d’affectation et à
instaurer un troisième grade. En sus, le ministre estime que la modernisation
de la magistrature passe par la restructuration du Code de procédure pénale,
qui doit être « plus lisible ».
Dans la continuité des États
généraux de la justice et à la suite du Conseil des ministres du 3 mai dernier,
le ministre de la Justice et garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti s’est rendu
au Sénat ce 23 mai, afin de faire part à la commission des Lois des
propositions de textes et préconisations en faveur de son plan d’action présenté le 5 janvier 2023.
Si le ministre a rappelé les
moyens engagés dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation
du ministère de la Justice 2023-2027, avec une hausse « historique »
des moyens alloués à la justice et la volonté de simplifier la procédure pénale
de la justice commerciale, il a également évoqué les actions à mener dans le
cadre du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la
responsabilité du corps judiciaire, projet qui vient compléter la loi de
programmation.
Faciliter l’accès au
recrutement des magistrats pour atteindre les 1 500 annoncés
Le plan d’action présenté en
début d’année rend compte de la volonté de moderniser les ressources humaines,
autrement dit de réformer le statut de la magistrature, un « chantier
majeur » porté par le projet de loi organique, explique le ministre de
la Justice, qu’il qualifie également de « plus grande réforme de
l’ordonnance statutaire depuis plus de 20 ans ». Une réforme qui n’est
toutefois pas au goût du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), comme le
souligne un article paru dans les Echos le 28 avril dernier.
Le garde des Sceaux l’a redit,
il faut embaucher plus. Mais pour atteindre les 1 500 magistrats annoncés
en début d’année, il faut selon lui faciliter l’accès à la magistrature. Il a
ainsi proposé à ce titre une ouverture des recrutements qui simplifierait les
différentes voies d’accès, pour les avocats notamment, mais aussi de
professionnaliser le recrutement par l’instauration d’un jury de professionnels.
« Le maintien du principe du concours républicain nous garantira l’excellence
du niveau de recrutement », a tenu à rassurer le ministre, qui préconise
par ailleurs la création de postes de magistrats en service extraordinaire.
Éric Dupond-Moretti a
également réclamé devant la commission des Lois une simplification des voies
d’accès à la magistrature en interne, notamment pour les personnes ayant une expérience professionnelle antérieure qui voudraient se reconvertir (comme, par exemple, des avocats désireux de devenir juges).
Mais recruter des magistrats
est une chose, les garder en fonction en est une autre. Pour cela, le ministre a
défendu un assouplissement des règles ayant trait aux ressources humaines à
titre temporaire, ainsi qu’une simplification des règles de GRH en pérennisant
les brigades de soutien de magistrats et de greffiers, et en mettant en place des priorités d’affectation des
magistrats qui ont accepté de partir dans des territoires peu attractifs. Il
s’est également prononcé pour la création d’un troisième grade pour garder des
magistrats d’expérience en première instance afin de l’améliorer, conformément au
rapport Sauvé.
Décomplexifier certaines
procédures
Moderniser la magistrature
passe par une refonte des textes. C’est en tout cas ce que pense le ministre,
qui a estimé que pour se doter d’une justice « plus rapide et plus
efficace », il faut simplifier un certain nombre de procédures,
civiles comme pénales, qui selon lui sont « un facteur de complexité
pour les non professionnels et d’éloignement entre le citoyen et notre justice ».
Le troisième chantier de
réforme porte ainsi sur la restructuration du Code de procédure pénale, afin de
le rendre plus lisible pour les professionnels, en réécrivant notamment des
articles rédigés par des renvois successifs à d’autres articles, et ce afin d’éviter
des erreurs procédurales. Et pour garantir qu’elle se fera bien à droit constant,
un groupe de liaison avec l’ensemble des groupes parlementaires et les deux
présidents des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat a été mis
en place.
En matière civile, le
ministre aspire à une réforme de niveau réglementaire et entend ainsi simplifier
la procédure d’appel en réformant le décret Magendie. Mais Éric Dupond-Moretti souhaite
surtout une révolution de l’amiable, « qui se fait tant attendre »,
et a indiqué qu’il comptait faire parvenir au Parlement dans le courant de la
semaine les projets de décrets relatifs à la mise en place de la césure et de
l’audience de règlement amiables.
En outre, parmi la série de mesures
proposées, le ministre a mentionné celle relative à la dématérialisation des
déclarations de créances dans le cas de procédure collective. Il entend mettre
en place une nouvelle plateforme qui permettra un « suivi
complet de la procédure », et avec un coût « extrêmement
réduit pour le justiciable », a-t-il précisé. De plus, cette
plateforme accompagnera la nouvelle profession de commissaire de justice
de par sa prise en charge, sous contrôle d’un juge, des saisies de
rémunération, qui de surcroit allégera le travail des greffiers.
Le ministre a par ailleurs
évoqué l’accompagnement des autres professions règlementées du droit dans leur
modernisation, avec notamment une réforme de la profession d’avocat, et le
rétablissement de la base légale permettant aux greffiers des tribunaux de
commerce de percevoir des honoraires libres, supprimée par erreur en 2016.
Allison
Vaslin