Le 13 septembre 2017 à Lima (Pérou), la candidature de la
ville de Paris pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été
de 2024 a été retenue. La ville de Paris a enfin obtenu la possibilité
d’organiser les Jeux, environ cent ans après la première édition des Jeux
organisée sur le sol français. Afin de mieux préparer cet événement longuement attendu, le
gouvernement français a présenté un projet de loi, le 15 novembre 2017, pour
respecter les engagements souscrits en phase de candidature envers le Comité
International Olympique (CIO) et le Comité International Paralympique (CIP).
Après de nombreux ajouts et corrections, la loi a enfin été adoptée : Richard Milchior, avocat associé chez Granrut Avocats, nous livre son commentaire.
Les JO 2024, événement d’envergure planétaire, auront un
impact sur la propriété intellectuelle. La loi n° 2018-202 du 26 mars 2018
relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a été
adoptée et promulguée par le Président de la République. Elle est entrée en
vigueur le 28 mars 2018. Cette loi est composée de 30articles organisés en
4titres : dispositions relatives aux stipulations du contrat de ville hôte
(titre I), dispositions relatives à l’aménagement, à l’urbanisme, à
l’environnement, au logement et au transport (titre II), dispositions relatives
à la sécurité (titre III) et les dispositions relatives à l’éthique et à
l’intégrité (titre IV).
Cette loi ambitionne de « garantir les conditions d’une préparation optimale et d’une gestion
maîtrisée, conformément aux ambitions fixées en phase de candidature, en
livrant à bonne date les infrastructures et équipements nécessaires à
l’organisation des Jeux » (Compte-rendu du Conseil des ministres du
15novembre 2017). Le titre I regroupe les articles 3, 4 et 5 qui intéressent la
propriété intellectuelle.
L’article 3 porte sur les propriétés intellectuelles des
comités nationaux olympiques et paralympiques et sportifs français. En effet,
l’article 3 rappelle que les comités nationaux olympique et paralympique et
sportifs français sont, en vertu de l’article L. 141-5 du Code du sport, les
propriétaires respectifs des emblèmes olympiques et paralympiques nationaux et
sont les dépositaires notamment : des emblèmes, du drapeau, de la devise et du
symbole olympiques et paralympiques, de l’hymne olympique et paralympique, de
la mascotte, du slogan et des affiches des jeux olympiques et paralympiques, du
millésime des éditions des jeux « ville + année » ainsi que de nombreux termes
tels que « jeux olympiques », « olympisme », « olympiade » ou du sigle « JO »
pour le premier et les termes « jeux paralympiques », « paralympique », «
paralympiade » et du sigle « JP » pour le second.
Tous ces éléments de propriété intellectuelle sont protégés,
comme les marques, par les articles L. 716-9 à L. 716-13 du Code de la
propriété intellectuelle. Cela signifie qu’en cas de contrefaçon par
reproduction, imitation, apposition, suppression ou modification non autorisée
par un de ces comités, le contrefacteur risque de trois à quatre ans de prison
et de 300 000 à 400 000 euros d’amende. Les tribunaux peuvent en outre le
condamner à retirer à ses frais les marchandises contrefaisantes présentes sur
le marché. De même, lorsqu’un établissement aura servi à commettre ces
infractions, les tribunaux pourront également prononcer sa fermeture totale ou
partielle, définitive ou temporaire pour une durée maximale de cinq ans.
L’article 3 répond à une demande constante des autorités
olympiques et paralympiques, qui souhaitent se prémunir au maximum des actes de
parasitisme économique et conserver la jouissance des droits afférents à
l’ensemble des marques dont elles sont propriétaires (Examen du projet de loi
relatif à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 par le
Sénat).
Le Royaume-Uni avait procédé de la même manière en amendant
par la loi olympique (London Olympic Games and Paralympic Games Act) de 2006,
la loi de 1995 protégeant les symboles olympiques (Olympic Symbols etc.
Protection Act de 1995) en vue de l’organisation des Jeux Olympiques et
Paralympiques de 2012.
Le dispositif contraignant applicable prend tout son sens,
dans la mesure où les comités nationaux olympiques sont, en vertu des textes
d’application des règles 7 à 14 de la Charte olympique, responsables envers le
Comité International Olympique du respect dans leur pays des règles relatives
aux droits sur les Jeux Olympiques et les propriétés olympiques. On peut supposer
que le comité national paralympique et sportif français est lui aussi soumis à
ces règles.
L’article 3 fait référence aux dispositions du Code de la
propriété intellectuelle relatives à la responsabilité pénale prévue en cas de
contrefaçon de marque. En revanche, il ne fait aucune référence explicite à la
responsabilité civile ou à une échelle des montants que les comités nationaux
olympique et paralympique et sportifs français pourraient demander à titre de
réparation. L’article4 porte sur les dérogations aux règles de publicité au
bénéfice de la promotion des « marques » olympiques et paralympiques et de
celles relatives à l’édition de 2024.
L’article 4 énonce que, jusqu’au quinzième jour suivant la
cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques de 2024, les dispositifs et
matériels (dispositifs qui soutiennent les drapeaux olympiques et ceux du
Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, dont le sigle est
COJOP, au-dessus d’un site de compétition par exemple) utilisés pour les
besoins d’affichages promotionnels et de publicité des propriétés olympiques
seront exemptés d’un certain nombre de règles contraignantes, qui s’appliquent
normalement en-dehors de la période des jeux.
L'article autorise ainsi la publicité à des emplacements
habituellement soumis à une interdiction. On peut estimer que cette période
dérogatoire durera environ deux mois et demi ou un peu plus. Il faut compter la
période d’installation des dispositifs, la durée des jeux y compris la période
entre les Jeux Olympiques et Paralympiques environ quarante jours et le délai
de quinze jours à compter de la date de clôture des Jeux Paralympiques de 2024.
Ces dispositifs (panneaux…) pourront être mis en place notamment aux abords des
monuments historiques, dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables,
dans les parcs naturels et régionaux, dans les sites inscrits, sur les
arbres... Ils seront également exemptés de toute réglementation plus
restrictive dans les villes s’agissant de l’emplacement, la densité, la surface
ou la hauteur de la publicité par exemple.
Néanmoins, toute installation, remplacement ou modification
de ce type restera subordonnée à une déclaration préalable auprès de l’autorité
de police compétente (maire ou préfet) en matière de publicité. Enfin, ces
dispositifs devront s’insérer dans le cadre architectural et paysager dans
lequel ils seront implantés. Ils devront réduire leur impact sur le cadre de
vie environnant et garantir la sécurité des personnes et des biens.
De même, il est prévu dans le II que jusqu’au quinzième jour
suivant la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques de 2024, les enseignes
et préenseignes comportant les éléments olympiques protégés, seront apposées
selon des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Les enseignes ne
pourront être apposées sur des immeubles que pour indiquer des opérations
exceptionnelles qui y auront lieu ou des activités qui s’y exerceront et pour
indiquer des manifestations culturelles ou touristiques qui y auront lieu. Les
préenseignes pourront être fixées hors agglomération pour indiquer notamment
des activités économiques ou culturelles liées à la région et à titre
temporaire pour indiquer des manifestations exceptionnelles.
L’article 5 porte sur la dérogation aux règles de publicité
au profit de la publicité faite pour les partenaires marketing. En effet,
l’article 5 permet, du trentième jour précédant celui de la cérémonie
d’ouverture des Jeux Olympiques au quinzième jour suivant la date de la
cérémonie de la clôture des Jeux Paralympiques de 2024, que la publicité faite
au profit des partenaires de marketing olympique du CIO et du COJOP soit
autorisée dans un périmètre de 500 mètres autour de chaque site lié à
l’organisation des Jeux.
Ainsi, l’article 5 lève les interdictions relatives à la
publicité ainsi que les réglementations plus strictes qui découleraient d’un
règlement local de publicité. Pendant cette période, la publicité faite au
profit des partenaires de marketing olympique pourra elle aussi être apposée
sur des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur
les monuments naturels, les immeubles présentant un caractère esthétique,
historique ou pittoresque ou dans les périmètres de ces monuments et sites
patrimoniaux remarquables. Les sites concernés auront été préalablement choisis
conjointement par les ministres chargés de l’environnement et des sports.
Une liste exhaustive des sites sélectionnés est attendue
pour juin 2018. Certains sites historiques seront utilisés au titre d’enceintes
sportives, tels que le Champ de Mars, sur lequel se déroulera, dans une
structure temporaire construite pour l’occasion, l’épreuve de beach-volley ; le
Grand Palais où se tiendront les épreuves d’escrime et de taekwondo, ou encore
la Tour Eiffel, au pied de laquelle se dérouleront les épreuves de natation en
eau libre et une partie des épreuves de triathlon, par exemple (examen du
projet de loi relatif à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de
2024 par le Sénat).
En revanche, on peut en déduire que les interdictions de
publicité dans les cœurs des parcs nationaux, les réserves naturelles, les
parcs naturels régionaux et sur les arbres ne seront pas levées. On peut
également supposer mais cela n’est pas clairement indiqué que les dispositifs
seront toujours soumis à une autorisation préalable auprès des autorités de
police compétentes (maire, préfet). Ce régime dérogatoire de publicité devrait
durer environ trois mois en comptant le temps d’installation des dispositifs
publicitaires avant le trentième jour précédent celui de la cérémonie
d’ouverture des Jeux Olympiques, le temps de la durée des jeux soit environ
trente jours et les quinze derniers jours suivant la date de la cérémonie de
clôture des Jeux Paralympiques.
Les dispositions des articles 4 et 5 semblent temporaires,
puisqu’elles concernent la période des Jeux, alors que les dispositions de
l’article 3 semblent au contraire définitives. Aucune période spécifique n’est
prévue pour leur application. En effet, le caractère exceptionnel que
représente l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de
2024 semble occasionner une dérogation tout aussi exceptionnelle aux règles
strictes régissant habituellement la publicité. Le législateur semble ici
favoriser les jeux de la publicité dérégulée afin que les collectivités territoriales
et l’État français bénéficient des recettes importantes liées à l’événement.
Par ailleurs, cette loi ne mentionne pas la question des procédures
envisageables durant la période des Jeux. Le manque d’indication sur ce sujet
conduira sans doute à une certaine confusion.
En effet, en cas de saisine des juridictions en référé, il
leur sera difficile de rendre pléthore de décisions sur une période de dix-sept
jours pour les Jeux Olympiques et seulement douze jours pour les Jeux
Paralympiques. On peut alors supposer que ces questions seront fixées
ultérieurement par décret en Conseil d’État. Il serait possible de s’inspirer
des procédures exceptionnelles mises en place en Espagne lors de la conférence
mondiale sur les télécommunications mobiles à Barcelone.
Enfin, le demandeur à un titre de propriété intellectuelle
devra être extrêmement vigilant afin de ne pas contrefaire une des nombreuses
propriétés olympiques, car en cas de contrefaçon il sera soumis au droit commun
des marques et sera passible de sanctions pénales.
De plus, on comprend ici que les comités nationaux
olympiques, paralympiques et sportifs français ainsi que les partenaires
marketing de l’événement bénéficieront d’une exposition extraordinaire afin de
promouvoir leurs marques. Que dire des annonceurs qui ne sont pas des
partenaires marketing de l’événement ? Cela ne risque-t-il pas de créer une
sorte de déséquilibre entre les annonceurs qui disposent de moyens financiers
conséquents et les autres moins bien dotés?
Richard Milchior, Avocat associé, Granrut Avocats