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Concours de plaidoiries 2019 du Mémorial de Caen - « Liberté, liberté chérie »

Concours de plaidoiries 2019 du Mémorial de Caen - « Liberté, liberté chérie »
Publié le 13/02/2019 à 14:11

Un vent de liberté a soufflé sur Caen en ce dernier week-end de janvier, grâce à la vague de robes noires présente du 25 au 27 janvier derniers dans la ville portuaire de Normandie. Le cap à suivre : la défense des droits de l’homme. En effet, chaque année sont organisés au Mémorial de Caen trois concours – le Concours des lycéens, le Concours des élèves-avocats et le Concours des avocats –, durant lesquels chacun exprime son « indignation face à l’inacceptable ». Toutes voiles dehors, ils étaient nombreux à déclamer avec ardeur leur plaidoirie, face à des présidents de jury prestigieux. 


 


« Nous sommes les avocats. Ceux qui parlent. À des murs ou dans le désert, mais écoutez-nous bien, car nous rappelons la base essentielle, le leitmotiv incessant pour crier toujours que la liberté n’est pas négociable. Nous parlons pour tous ceux qui sont menacés. » C’est ainsi que s’est exprimée la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl, le 27 janvier dernier, en introduction du concours de plaidoiries des avocats qu’elle présidait cette année, lequel fêtait son trentième anniversaire. Pour l’occasion, les trois représentants des institutions des avocats étaient réunis au mémorial de Caen, une première depuis sa création.


 


22e édition du concours de plaidoiries des lycéens


Débutant par les plus « novices », ce sont les lycéens qui ont ouvert le concours, le vendredi 25 janvier. 14 équipes ont participé à la 22e édition de ce concours, sélectionnées sur les 1 200 vidéos de présentation envoyées aux organisateurs. Devant près de 3 000 personnes, les candidats avaient huit minutes pour convaincre le jury, un exercice qui aura peut-être fait naître chez certains une vocation. Présidé par le dessinateur Philippe Geluck – auteur notamment du Chat –, le jury, composé de personnalités juridiques et médiatiques, a décerné le 1er prix, Prix de la Région Normandie et du Mémorial de Caen, à Valérie Tete, élève au lycée Chateaubriand à Rennes, pour sa plaidoirie « Nos enfants ne sont pas des sorciers ! », laquelle a également reçu le Prix du jury lycéen. Le Prix de l’engagement citoyen (offert par la MGEN) a distingué les travaux d’Abdallah Charki, « Pleure en silence », lycéen à Pithiviers ; le Prix Amnesty International a récompensé Amélie Cassagne, d’Avignon, pour sa plaidoirie « L’Art d’être censuré » ; et enfin, le Prix Reporters sans frontière reconnaît la qualité de la plaidoirie d’Elena Hourdin Solovieff (Vincennes) intitulée « Les femmes invincibles ».



 



9e édition du Concours de plaidoiries des élèves-avocats


Le samedi 26, c’était au tour des élèves-avocats de défendre des cas réels d’atteinte aux droits de l’homme. Devant près de 2 000 personnes, les 11 candidats – venus des 11 écoles d’avocats de France – ont abordé avec ferveur les injustices qui les ont sensibilisés. Le jury, présidé par Maître Henri Leclerc, avocat au barreau de Paris, a remis le Grand prix du Mémorial de Caen, décerné par l’Association des écoles d’avocats ( et une dotation de 2 500 euros), à Sarah Nabet, élève à l’École des avocats de Toulouse, pour sa plaidoirie « Liberté oubliée », un texte consacré à la défense de Michel Cardon, condamné à perpétuité sans période de sûreté après un cambriolage. « La plaidoirie aura pour but de porter sa voix et de défendre l’automaticité du réexamen régulier de la situation pénitentiaire de chaque détenu, l’abolition de la perpétuité et l’évolution vers des peines plus justes, plus proportionnées et plus sensées » avait signalé son auteure, pour qui les mots de Maître Leclerc prononcés ce jour font échos : « J’ai toujours cru que la défense des droits de l’homme était essentielle. Mais je crois aussi que la défense de l’homme est essentielle. Nous sommes celui qui reste. Nous disons et avons à dire que tout homme aussi bas qu’il soit est un frère humain » a-t-il déclaré.


Les deux autres prix (le Prix des Libertés et de la Paix, décerné par le conseil d’administration des écoles d’avocats – 1 500 euros, et le Prix des droits de l’homme, remis par les présidents des écoles d’avocats – 750 euros)  – ont respectivement été décernés à Tristan Deslogis, de l’École des avocats de Montpellier pour « Pas d’arc-en-ciel sur Tunis », une plaidoirie consacrée à Hedi Sahly, Tunisien persécuté en raison de son orientation sexuelle, et à Thibault Campagne, élève-avocat à l’École des avocats de Lille, pour sa plaidoirie « Le viol pour toute Justice », défendant Azra, une jeune pakistanaise de 16 ans, condamnée par la justice de son village à subir le viol, « en répression du viol commis par son frère ».


Le lendemain, c’était enfin au tour de leurs aînés de prendre la parole.


 


30e édition du concours international de plaidoiries des avocats


« Il y a 30 ans, trois avocats du barreau de Caen ont eu l’idée géniale de créer un concours de plaidoirie dédié aux droits de l’homme. 30 ans après nous sommes encore tous là pour le célébrer » a expliqué la présidente du Conseil national des barreaux, Maître Christiane Féral-Schuhl, en préambule de son discours. Celle qui n’a pas manqué de « saluer le courage des avocats qui n’ont pas hésité à prendre la parole pour défendre, affronter cette folie du monde à laquelle on a très souvent le sentiment d’être confrontés » a rappelé, à cette occasion, l’importance de la liberté, notamment au sein du processus de paix : « La paix sans la liberté est une illusion. La paix à tout prix, contre la liberté, c’est la paix aujourd’hui, mais la guerre assurée demain. » Le concours – qui a attiré pas moins de 290 avocats depuis sa création – était cette année consacré aux libertés fondamentales, en référence à la prochaine exposition proposée par le Mémorial de Caen, « Rockwell, Roosevelt & The four Freedoms », dédiée au peintre et illustrateur américain Norman Rockwell, visible en juin prochain.


« Oui je me sens libre. Un sentiment que peuvent ressentir peu de gens aujourd’hui dans le monde. Nous avons tous oublié le goût de la liberté. La joie enivrante d’être libre. Parce que nous consommons plus nos libertés que nous ne les vivons » a clamé la présidente du CNB et présidente du jury, avant de laisser la parole aux 10 finalistes, sélectionnés sur les 80 plaidoiries reçues, en provenance de 27 pays. Devant un public de 3 000 personnes, les candidats avocats ont défendu des cas réels d’atteinte aux droits de l’homme. Étienne Mangeot, avocat au barreau de Metz, a, à cette occasion, remporté pas moins de trois prix !



" J’ai choisi de défendre un homme que nous avons toutes les raisons de profondément détester. "



Le Mémorial et la ville de Caen lui ont décerné le prix éponyme (8 000 euros), le barreau de Caen, de Paris, la Conférence des Bâtonniers et le Conseil national des barreaux lui ont décerné le Prix du public (4 00 euros), puis il a reçu le Prix du 30e anniversaire – Prix du barreau de Caen (1 500 euros, lequel donne accès au concours de plaidoirie Louis Delamare, au Liban), décerné par le jury jeune Barreau – un jury de 30 avocats âgés de 30 ans – pour la défense d’Adrien Guihal, terroriste qui a revendiqué les attentats de Nice et de Magnanville en 2016 : « J’ai choisi de défendre un homme que nous avons toutes les raisons de profondément détester. En somme, j’ai choisi de défendre un homme pour lequel la tentation de renoncer à l’universalisme des libertés fondamentales est immense » explique son auteur. « Peut-on envisager des libertés fondamentales à géométrie variable ? » questionne-t-il à travers sa plaidoirie, que nous choisissons de publier ici.


Le Prix du Barreau, décerné par le barreau de Caen, le barreau de Paris, la Conférence des Bâtonniers et le Conseil national des barreaux (4 000 euros), a, quant à lui, été remis à Alexandra Staritzky, avocate au barreau de Paris, pour sa plaidoirie intitulée « Les viols de Fatéma, arme de destruction massive du peuple Rohingya ». « Fatéma appartient à l’ethnie des Rohingyas. Cette population vivait en Birmanie où elle a toujours été persécutée, avant de faire l’objet de massacres au cours de l’été 2017, la conduisant à fuir au Bangladesh » explique son auteure, qui a choisi de traiter ce sujet, alertée par « le traitement des femmes durant ce conflit, et plus largement, sur la notion de "viol de guerre" ». En parallèle, à l’occasion des 30 ans du Concours des avocats, une exposition gratuite prêtée par le Conseil national des barreaux, « Robe around the world », donnait à voir des robes d’avocats du monde entier. Une belle image illustrant l’universalité de la profession, de la défense et des libertés fondamentales.





 


Constance Périn


 


 


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