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Conseil national des barreaux - Droit pénitentiaire

Conseil national des barreaux - Droit pénitentiaire
Publié le 11/05/2017 à 16:14

Alors qu’en 2016, le taux de densité d’occupation des maisons d’arrêt s’élevait à 141 %, alors que les établissements pénitentiaires sont actuellement confrontés à de graves insuffisances de personnel et, à la vétusté des bâtiments, le Conseil national des barreaux (CNB) a organisé le 26 avril dernier, en ses locaux, une formation intitulée « droit pénitentiaire ». L’occasion de revenir sur le sens à donner à la notion de peine. La prison est-elle toujours la meilleure solution quand il s’agit de punir ? Ne peut-on envisager d’autres alternatives à l’enfermement ?


 « Le droit de l’aménagement des peines est un droit apaisé et constructif », a affirmé en avant-propos Madame Clotilde Lepetit, présidente de la commission Égalité du CNB. Car, au stade de l’exécution des peines, magistrats et avocats ne sont plus dans une logique d’affrontement, mais de collaboration en vue de ce qu’il y a de meilleur pour le détenu.


 Le droit de l’aménagement des peines : un droit nouveau


Il s’agit d’un droit très récent. En effet, c’est seulement par la loi du 15 juin 2000?que s’est ouverte « la juridictionnalisation et l’entrée des avocats dans le monde de l’aménagement des peines ». En 2004, ce droit s’est étendu. Cependant, selon Madame Lepetit, on n’en parle pas encore assez, alors qu’il est le « lieu de l’individualisation ». Citant Madame Isabelle Gorce, ex-directrice de l’administration pénitentiaire et aujourd’hui présidente du TGI de Marseille, elle a affirmé : « la prison n’est qu’un outil, ce n’est pas une fin en soi ».


Ce droit est d’autant plus important qu’actuellement, plus de 70 000?personnes sont enfermées dans nos prisons, que les maisons d’arrêt sont surchargées, et que de ce fait, il semble primordial de trouver d’autres alternatives à l’enfermement. Mais alors, quelles autres solutions que la prison peut-on proposer au juge d’application des peines ? Pour répondre à cette question, il convient d’abord de réfléchir à la notion de peine.


Le sens de la peine


En France, quand une personne est condamnée, sa peine n’est pas fixe, a rappelé Madame Virginie Bianchi, experte en droit pénitentiaire, près de la commission Libertés et droits de l’homme du CNB. « Notre premier devoir, comme défenseur, est de donner à la personne des pistes d’espoir », a-t-elle ajouté. Il existe en effet diverses possibilités pour réduire la peine de prison d’un détenu. D’abord, les crédits de réduction de peine, qui peuvent être accordés dès le départ et qui peuvent être considérés comme des à-valoir sur bonne conduite. Les crédits supplémentaires de réduction de peine, ensuite, sont examinés au fur et à mesure de l’exécution de la peine, le but étant de poursuivre ses efforts tout au long de l’année.


Si le condamné s’est bien tenu et qu’aucun accident n’a été consigné, la personne peut acquérir l’intégralité des réductions de peine. Madame Bianchi a toutefois précisé qu’aujourd’hui, pour bénéficier d’aménagements conséquents, on demande de plus en plus aux détenus d’apporter eux-mêmes des preuves de leur bon comportement. Cette méthode ne leur est pas toujours favorable, a-t-elle reconnu, mais d’un point de vue pédagogique, c’est beaucoup plus formateur.


Afin de bien calculer les crédits de réduction de peine de son client, l’avocat doit se référer en priorité à la fiche pénale de ce dernier, laquelle doit être demandée au greffe. Sur cette fiche est référencé l’état exact de la situation du condamné. C’est sur ce document qu’est inscrite, s’il y en a une, la période de sûreté administrative ou prononcée du détenu. Parfois, il y a des erreurs sur cette fiche. Par exemple, une période de sûreté est indiquée alors qu’elle n’est pas nécessaire au vu de l’infraction commise. Il est donc hautement conseillé à l’avocat de tout vérifier.


Comment les aménagements de peine sont-ils accordés ?


D’abord, il faut savoir que pendant la période de sûreté, aucune demande de réduction de peine ne sera accordée.


Pour les très longues peines (20-30 ans), on peut demander le relèvement de la période de sûreté, mais il est judicieux, selon l’experte, de ne pas le demander trop tôt, surtout si la période de sûreté a été « prononcée ». En effet, contrairement à la période de sûreté administrative, la période de sûreté « prononcée » indique qu’il existe un facteur de « dangerosité » de la personne, laquelle exige que celle-ci soit tenue à l’écart de la société au moins pendant une période définie. À terme, même si la demande de relèvement est refusée, elle peut avoir une fonction pédagogique et fournir au détenu des éléments pour comprendre pourquoi celle-ci ne lui a pas été accordée.


Pour accorder des diminutions de peine, le juge examine en priorité, les « gages de réadaptation ». C’est ainsi davantage l’évolution de la personnalité du détenu qui est prise en compte que sa bonne conduite. Le rapport que le prisonnier entretient avec les faits qu’il a commis est également essentiel. C’est pourquoi, concernant les demandes de relèvement de peine, la plupart du temps, une expertise psychologique est sollicitée.


En général, quand une personne demande un aménagement de sa peine, une audience est organisée. Cependant, en ce qui concerne les maisons d’arrêt, où il y a un nombre trop important de prisonniers, cette audience ne peut être planifiée. C’est donc « hors débat contradictoire » qu’il sera décidé si une personne a droit ou non à une réduction de peine.


Des pratiques très diverses


Lors de cette formation, Jean-Claude Bouvier, vice-président chargé de l’application des peines au TGI de Paris, a mis en évidence le fait que dans la réalité, le droit de l’aménagement des peines est « bouillonnant ». Il existe en effet des pratiques très différentes selon les services, et il est parfois difficile de comprendre la finalité de chacun de ces dispositifs. Les professionnels du droit ne donnent pas tous le même sens à la notion de peine, et donc à l’aménagement de peine, ce qui, par conséquent, entraîne des applications très différentes. Pour certains, l’aménagement de peine vise à récompenser le bon comportement des prisonniers ; pour d’autres, elle a pour objectif de préparer et d’assurer la transition vers la sortie de prison.

Pour illustrer ses propos, Monsieur Bouvier a donné l’exemple de la cour d’appel de Paris qui a « une interprétation très restrictive de l’aménagement des peines », et ce, malgré la surpopulation de certains établissements pénitentiaires sur son territoire. Cette réalité devrait être un critère d’incitation à l’aménagement de peine, mais la cour d’appel de Paris en fait fi. (…)

Maria-Angélica Bailly





Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 37 du 10 mai 2017


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