Alors qu’en 2016, le
taux de densité d’occupation des maisons d’arrêt s’élevait à 141 %, alors
que les établissements pénitentiaires sont actuellement confrontés à de graves
insuffisances de personnel et, à la vétusté des bâtiments, le Conseil national
des barreaux (CNB) a organisé le 26 avril dernier, en ses locaux, une formation intitulée « droit
pénitentiaire ». L’occasion de revenir
sur le sens à donner à la notion de peine. La prison est-elle toujours la
meilleure solution quand il s’agit de punir ? Ne peut-on envisager d’autres
alternatives à l’enfermement ?
« Le droit de l’aménagement des peines est un droit apaisé et
constructif », a affirmé en avant-propos Madame Clotilde Lepetit, présidente de la
commission Égalité du CNB. Car, au stade de l’exécution des peines, magistrats
et avocats ne sont plus dans une logique d’affrontement, mais de collaboration
en vue de ce qu’il y a de meilleur pour le détenu.
Le droit de l’aménagement des
peines : un droit nouveau
Il s’agit d’un droit très récent. En effet, c’est seulement par la loi
du 15 juin 2000?que s’est ouverte « la juridictionnalisation et
l’entrée des avocats dans le monde de l’aménagement des peines ». En
2004, ce droit s’est étendu. Cependant, selon Madame Lepetit, on n’en parle pas
encore assez, alors qu’il est le « lieu de l’individualisation ».
Citant Madame Isabelle Gorce, ex-directrice de l’administration pénitentiaire
et aujourd’hui présidente du TGI de Marseille, elle a affirmé : « la
prison n’est qu’un outil, ce n’est pas une fin en soi ».
Ce droit est d’autant plus important qu’actuellement, plus de
70 000?personnes sont enfermées dans nos prisons, que les
maisons d’arrêt sont surchargées, et que de ce fait, il semble primordial de
trouver d’autres alternatives à l’enfermement. Mais alors, quelles autres
solutions que la prison peut-on proposer au juge d’application des
peines ? Pour répondre à cette question, il convient d’abord de réfléchir
à la notion de peine.
Le sens de la peine
En France, quand une personne est condamnée, sa peine n’est pas fixe, a
rappelé Madame Virginie Bianchi, experte en droit pénitentiaire, près de la
commission Libertés et droits de l’homme du CNB. « Notre premier
devoir, comme défenseur, est de donner à la personne des pistes d’espoir »,
a-t-elle ajouté. Il existe en effet diverses possibilités pour réduire la peine
de prison d’un détenu. D’abord, les crédits de réduction de peine, qui peuvent
être accordés dès le départ et qui peuvent être considérés comme des à-valoir
sur bonne conduite. Les crédits supplémentaires de réduction de peine, ensuite,
sont examinés au fur et à mesure de l’exécution de la peine, le but étant de
poursuivre ses efforts tout au long de l’année.
Si le condamné s’est bien tenu et qu’aucun accident n’a été consigné,
la personne peut acquérir l’intégralité des réductions de peine. Madame
Bianchi a toutefois précisé qu’aujourd’hui, pour bénéficier d’aménagements
conséquents, on demande de plus en plus aux détenus d’apporter eux-mêmes des
preuves de leur bon comportement. Cette méthode ne leur est pas toujours
favorable, a-t-elle reconnu, mais d’un point de vue pédagogique, c’est beaucoup
plus formateur.
Afin de bien calculer les crédits de réduction de peine de son client,
l’avocat doit se référer en priorité à la fiche pénale de ce dernier, laquelle
doit être demandée au greffe. Sur cette fiche est référencé l’état exact de la
situation du condamné. C’est sur ce document qu’est inscrite, s’il y en a une,
la période de sûreté administrative ou prononcée du détenu. Parfois, il y a des
erreurs sur cette fiche. Par exemple, une période de sûreté est indiquée alors
qu’elle n’est pas nécessaire au vu de l’infraction commise. Il est donc
hautement conseillé à l’avocat de tout vérifier.
Comment les aménagements de peine
sont-ils accordés ?
D’abord, il faut savoir que pendant la période de sûreté, aucune
demande de réduction de peine ne sera accordée.
Pour les très longues peines (20-30 ans), on peut demander le
relèvement de la période de sûreté, mais il est judicieux, selon l’experte, de
ne pas le demander trop tôt, surtout si la période de sûreté a été « prononcée ».
En effet, contrairement à la période de sûreté administrative, la période de
sûreté « prononcée » indique qu’il existe un facteur de « dangerosité »
de la personne, laquelle exige que celle-ci soit tenue à l’écart de la société
au moins pendant une période définie. À terme, même si la demande de relèvement
est refusée, elle peut avoir une fonction pédagogique et fournir au détenu des
éléments pour comprendre pourquoi celle-ci ne lui a pas été accordée.
Pour accorder des diminutions de peine, le juge examine en priorité,
les « gages de réadaptation ». C’est ainsi davantage
l’évolution de la personnalité du détenu qui est prise en compte que sa bonne
conduite. Le rapport que le prisonnier entretient avec les faits qu’il a commis
est également essentiel. C’est pourquoi, concernant les demandes de relèvement
de peine, la plupart du temps, une expertise psychologique est sollicitée.
En général, quand une personne demande un aménagement de sa peine, une
audience est organisée. Cependant, en ce qui concerne les maisons d’arrêt, où
il y a un nombre trop important de prisonniers, cette audience ne peut être
planifiée. C’est donc « hors débat contradictoire » qu’il sera
décidé si une personne a droit ou non à une réduction de peine.
Des pratiques très diverses
Lors de cette formation, Jean-Claude Bouvier, vice-président chargé de
l’application des peines au TGI de Paris, a mis en évidence le fait que dans la
réalité, le droit de l’aménagement des peines est « bouillonnant ».
Il existe en effet des pratiques très différentes selon les services, et il est
parfois difficile de comprendre la finalité de chacun de ces dispositifs. Les
professionnels du droit ne donnent pas tous le même sens à la notion de peine,
et donc à l’aménagement de peine, ce qui, par conséquent, entraîne des
applications très différentes. Pour certains, l’aménagement de peine vise à
récompenser le bon comportement des prisonniers ; pour d’autres, elle a
pour objectif de préparer et d’assurer la transition vers la sortie de prison.
Pour illustrer ses propos, Monsieur Bouvier a donné l’exemple de la
cour d’appel de Paris qui a « une interprétation très restrictive de
l’aménagement des peines », et ce, malgré la surpopulation de certains
établissements pénitentiaires sur son territoire. Cette réalité devrait être un
critère d’incitation à l’aménagement de peine, mais la cour d’appel de Paris en
fait fi. (…)
Maria-Angélica Bailly
Retrouvez
la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 37 du 10 mai
2017
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