Présider la cour d’appel de Saint-Denis prédestinerait-il
à présider celle de Bordeaux ? C’est en tout cas le hasard voulu par
l’installation de Gracieuse Lacoste, le 4 juin dernier. Succédant de nouveau à Dominique
Ferrière après plusieurs années à la tête de l’institution regroupant les
juridictions de Mayotte et de la Réunion, tout comme ce dernier avant elle, la
magistrate a ainsi pris officiellement à son tour les rênes de la juridiction
bordelaise, à deux pas de l’École nationale de la magistrature – un retour aux sources,
en somme. Lors de son discours d’audience solennelle, la Première présidente
fraîchement établie a fait état d’une justice en proie aux mutations de la société,
n’oubliant pas de souligner au passage la difficulté de dire le droit : «
Rendre la justice dans un monde complexe reste notre lot quotidien. Nos
juridictions sont des lieux de tensions et de conflits où sont évoqués
des événements, parfois dramatiques, des questions juridiques, parfois
dans le silence de la loi, alors que les magistrats du siège ne
peuvent jamais refuser de statuer », a-t-elle ainsi pointé.
Et d’affirmer : « La fonction de
juger, dont l’institution judiciaire n’a pas le monopole, est
essentielle dans un État de droit, car elle permet tout simplement de
vivre ensemble. Ce rôle éminent justifie que nous fassions preuve d’ouverture
de nos juridictions sur la société mais aussi que nous partagions une
réflexion régulière avec les autres ordres de juridiction, [et] je m’y
emploierai. » Une mission à concilier avec la prochaine mise en œuvre de la
loi de programmation et de réforme de la justice, dont la perspective fait
frémir bien des magistrats. Si elle ne pouvait guère faire l’impasse sur le
volet de la « justice numérique » – une expression décidément très à la
mode –, face à la justice prédictive et aux algorithmes, Gracieuse Lacoste s’est
avancée prudemment. Certes, la justice doit s’approprier les évolutions
techniques, mais, la juge en est convaincue, le numérique n’est qu’un outil de simplification
et ne doit pas devenir davantage que cela. La nouvelle Première présidente l’a
assuré : il est possible de « passer à la justice numérique en
évitant la fracture numérique ». « Nous devons accepter de changer nos
méthodes de travail, veiller à conserver une vraie collégialité et
travailler en équipe avec ces nouveaux métiers qui ont fait irruption
dans le monde de la justice ».
Bérengère
Margaritelli