Dans son rapport annuel 2018, rendu public en
mars dernier, le Défenseur des droits pointe une hausse des réclamations,
particulièrement à l’égard des services publics.
Le Défenseur des droits a rendu public son rapport d’activité annuel :
en 2018, l’institution a reçu 95 836 dossiers de réclamations, en
augmentation de plus de 6 % par rapport à 2017, et de 13 % sur les
deux dernières années.
Si le nombre
de réclamations s’avère en hausse dans l’ensemble de ses domaines de
compétence, point saillant, c’est en matière de défense des droits des usagers
des services publics que les chiffres sont les plus éloquents. En effet, le
rapport souligne que 94 % des réclamations adressées aux délégués du
Défenseur des droits « soulèvent une difficulté dans la relation des
usagères et usagers avec les services publics », soit une hausse de
10 % par rapport à l’année précédente, notamment en matière de protection
sociale, circulation, droit des étrangers ou fiscalité.
Une situation dont s’est alarmé Jacques Toubon, qui a rappelé lors de
la conférence de presse présentant ce nouveau rapport, le 12 mars dernier,
que « L’accès au service public et l’accès au droit par les
services publics doit être assuré pour tous ». « C’est le nœud même
de notre travail, a-t-il martelé. La République ne peut pas accepter de
faire des laissés-pour-compte de l’action administrative et de l’action des
services publics. »
L’institution
indique en effet que les services publics sont censés jouer « un rôle
essentiel d’intégration civique et sociale », mais identifie plusieurs
obstacles. « La réduction du périmètre des services publics, leur
privatisation progressive, leur dématérialisation, la complexité des
dispositifs, l’éloignement du contact humain ainsi que la restriction des
moyens budgétaires qui leur sont alloués contribuent à créer un sentiment
diffus et dangereux de rupture entre les usagers, notamment précaires, et les
services publics », alerte-t-elle.
La
dématérialisation et le « silence des administrations » dans
le viseur
Sur la
dématérialisation des démarches administratives en particulier, le Défenseur
des droits regrette entre autres que « lorsqu’un service est dématérialisé
trop rapidement, les problèmes techniques ne sont pas suffisamment appréhendés
en amont, ce qui se répercute sur les usagers confrontés à des situations de
non accès aux droit ».
Ainsi, illustre le rapport, lorsque l’Agence nationale des titres sécurisés
(ANTS) a été chargée de délivrer les permis de conduire et les certificats
d’immatriculation à la suite de la suppression des guichets dans les
préfectures, prévue par le Plan Préfectures Nouvelle Génération (PPNG), « des
milliers de personnes ont saisi le Défenseur des droits à cause de blocages
informatiques, de difficultés à joindre les services ou à accéder aux points
numériques, de délais de traitement excessifs, etc. ». Le rapport
incrimine également la persistance des zones blanches et grises, indiquant que
plus de 7,5 millions de personnes sont privées, en France, d’une
couverture Internet de qualité ; mais aussi le manque de formation,
puisque presque une personne sur deux trouverait difficilement une information
administrative sur Internet. Des lacunes qui, selon lui, « contribuent
à un abandon des démarches administratives de la part d’une partie de la
population qui se trouve exclue de fait de l’accès à ses droits ».
Le Défenseur
des droits recommande donc de « conserver des lieux d’accueil physiques »
pour « garantir une présence humaine dans les relations des services
publics avec leurs usagers ». « J’encourage bien évidemment
les réformes et le progrès, mais ces derniers doivent atteindre un équilibre,
et doivent être faits en considération de ceux auxquels ils s’appliquent, et
non pas uniquement en fonction des impératifs budgétaires ou techniques des
services qui les mènent »,
a affirmé Jacques Toubon le 12 mars dernier.
Autre
difficulté rencontrée par les usagers, observe le rapport, celle de la non
réponse et l’inaccessibilité des administrations, car sur l’ensemble des
réclamations concernant les relations avec les services publics, plus de la
moitié concernait en 2018 l’absence de réponse, d’écoute et de prise en
considération des arguments avancés, des délais de réponse trop importants ou
une absence de réponse. « Ces situations entraînent bien souvent
l’abandon des démarches administratives, en particulier par les usagers les
plus précaires. Si des difficultés étaient déjà perceptibles avec les
préfectures, le service public de la justice et les petites communes rurales,
elles sont particulièrement prégnantes en ce qui concerne les organismes
sociaux », déplore le Défenseur des droits. Pour remédier au problème,
l’institution participe ainsi à un dispositif expérimental de médiation
préalable obligatoire, avant la saisine du juge administratif, pour certaines
décisions relatives aux droits sociaux (RSA, APL et prime exceptionnelle de fin
d’année), en test dans six départements. Le but : offrir à un public
précaire, pour lequel l’accès au juge est souvent difficile, « un
espace d’intervention rapide, en équité, permettant de renouer le dialogue et
propice à l’accès aux droits ».
Bérengère Margaritelli