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Demain, le territoire : accompagner la mutation (114è congrès des notaires de France)

Demain, le territoire : accompagner la mutation (114è congrès des notaires de France)
Publié le 21/05/2018 à 10:00


Pour leur 114e congrès, les notaires se sont donné rendez-vous autour du territoire - thème central de cette nouvelle édition cannoise - du 27 au 30 mai. Quatre commissions, quatre axes d’étude. L’agriculture, l’énergie, la ville mais aussi le financement seront au cœur des questionnements et des pistes envisagées par la profession. Car, face aux nouveaux enjeux d’un territoire en pleine mutation : nourrir, loger, chauffer une population grandissante dans un espace contraint, un accompagnement juridique et fiscal s’impose. Pour la première fois, une série de dix-neuf propositions a été rendue publique en amont du congrès. Une façon d’interpeller les citoyens, mais aussi d’allécher les professionnels qui seront cette année encore près de quatre mille à participer à l’événement.


 

Et si nous avions tous un rôle à jouer dans le développement de notre territoire ? Alors que les enjeux qui lui sont liés sont vivement questionnés aujourd’hui par ses différents acteurs, le ministère de la Cohésion des territoires et le ministère de la Transition écologique et solidaire ont lancé une consultation en ligne le 2 mai dernier, afin de construire un « livret citoyen » des villes et des territoires de demain. Le but : identifier, du point de vue des citoyens, les caractéristiques que devront présenter les villes et territoires du futur, et recueillir leurs propositions pour les faire émerger. À côté des particuliers, les professionnels eux aussi se mobilisent. Le Congrès des notaires se réunira ainsi à Cannes du 27 au 30 mai prochains pour tenter d’apporter des solutions aux problématiques qui quadrillent le territoire : « Nourrir l’humanité, produire de façon durable et responsable, construire la ville de demain, endiguer le déclin des territoires ruraux, et financer efficacement ces projets : ces questions, nous les abordons d’une manière renouvelée, technique et précise, en juristes de proximité, "médecins de famille" du droit des particuliers, autant qu’en spécialistes du droit immobilier ou fiscal, pour contribuer à identifier les outils propres à faciliter la vie des citoyens », assure le président du congrès, Emmanuel Clerget. Ce dernier en est convaincu : le sujet du territoire est « prospectif, il embrasse et définit frontières, modes de vie et aspirations ». Avec cette 114e édition sobrement - mais audacieusement - intitulée « Demain, le territoire », le notariat souhaite prouver qu’il aspire lui aussi à trouver sa place dans un monde en mutation, et à éclairer ses contemporains sur cette thématique dont on pourrait le croire, à tort, éloigné.

Un territoire dont la prégnance s’impose par l’intensité de ses métamorphoses, mais encore un territoire de plus en plus polysémique, au gré de la multiplication de ses angles d’approche. Si la notion a d’abord été étudiée chez les animaux - et plus particulièrement les oiseaux - au début du XXe siècle, les recherches sur le concept tel que perçu par l’homme ont seulement émergé dans les années 1960. L’enseignante-chercheuse Georgia Kourtessi-Philippakis l’a d’ailleurs fait observer dans ses travaux : les études sur la notion de territoire ont longtemps subi les conséquences de la division classique du monde du savoir en deux parties : les sciences, d’une part, et les humanités, d’autre part. Ce n’est que depuis récemment que de nombreuses disciplines - l’anthropologie, la géographie, la sociologie, la psychologie, la science, la politique, l’économie - s’en sont saisies. Au tour désormais des notaires d’en faire de même.


Quatre commissions pour améliorer le droit


Le 27, donc, le congrès tout entier scrutera notre territoire. Il y a quelques mois, rappelons-nous, c’est sur la question du notaire au cœur des mutations de la société (accompagnée de ses hashtags #famille, #solidarité, #numérique) que le congrès s’était penché, à Lille.


Ce temps de rassemblement, né à Grenoble en 1891 et organisé chaque année dans une ville différente, se veut un rendez-vous incontournable pour entretenir un lien entre les notaires et les pouvoirs publics, et prendre le pouls de la politique en matière de justice et d’accès au droit. Au-delà, le congrès vise des résultats concrets. En vue de chaque édition, le résultat du travail de recherche effectué pendant deux ans prend corps : un ouvrage plutôt replet vient dresser un bilan du droit applicable au thème choisi, tandis qu’une série de propositions d’amélioration du droit et de la pratique professionnelle est soumise au vote des notaires, avant d’être relayée auprès des pouvoirs publics. Près d’une centaine de lois, de décrets et d’ordonnances ont ainsi été inspirés ou enrichis de propositions émanant de ces manifestations. À ce titre, la réforme du Pacs, en 2006, est issue d’une proposition du 100e congrès. Neuf ans plus tard, la proposition sur l’insaisissabilité automatique de la résidence principale a conduit à l’article 206 de la loi Macron du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Tournés vers les mutations et les besoins du monde contemporain, les thèmes étudiés par le collège de notaires nourrissent l’ambition de se transformer en pistes concrètes d’amélioration du droit pour le législateur. Cette année, quatre commissions composées d’un président et d’un rapporteur, consacrées respectivement à l’agriculture, à l’énergie, à la ville et au financement, ont travaillé dix-huit mois à la réalisation de leur rapport, avant de passer six mois à en extraire les principales propositions, pour, bientôt, les présenter à la profession.



Demain, l’agriculture…



De vingt millions en 1900, les agriculteurs sont passés à six cent mille aujourd’hui. S’ils représentent moins de 3 % de la  population, leur productivité, à l’inverse, a explosé – et pour cause : ils nourrissent soixante-six millions de Français. Non sans conséquences : décupler les rendements s’est fait au détriment de l’environnement et de la qualité des produits.


Le thème de l’agriculture envisagé par les notaires pose la question de la valeur collective et du bien commun, alors que le Parlement prépare justement une loi sur le foncier agricole. À qui appartient la terre ? Comment la rendre prospère en respectant les sols ? Pour mieux comprendre ces problématiques, l’équipe du congrès s’est entourée d’exploitants, propriétaires, élus locaux et représentants des syndicats. Adoptant une approche systémique, sans négliger les particularismes locaux, elle s’est attelée à des sujets tels que le portage foncier ou encore le décryptage juridique des aides, dont elle rendra compte dès le 27 mai prochain. Le congrès évoquera en outre la multiplicité des modèles à favoriser, de la ferme céréalière à la permaculture, en passant par les structures familiales et les coopératives - des modèles qui doivent coexister.


Par ailleurs, en ouverture de la commission, Pierre Rabhi, paysan et écrivain pionnier de l’agriculture écologique en France, défendra un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre, qu’il prône depuis des années, et  invitera son auditoire à inaugurer une nouvelle éthique de vie en appliquant ce qu’il appelle une « sobriété heureuse ».

 


Propositions autour de l’avenir de nos terres nourricières



  • Proposition n° 1 : évolution de la définition de l’activité agricole.

  • Proposition n° 2 : création d’un groupement foncier agricole dédié à la protection du territoire rural.

  • Proposition n° 3 : élargissement des bénéficiaires de la subrogation dans l’exercice du droit de préemption du fermier.

  • Proposition n° 4 : libéralisation encadrée de la cessibilité des baux soumis au statut de fermage.

  • Proposition n° 5 : transformation des modes de régulation de l’appropriation et de l’usage des terres agricoles.


 


Demain, l’énergie...



De plus en plus tournée vers l’éolien, le photovoltaïque, l’hydraulique, la France devrait porter à 30 % sa part d’énergies renouvelables d’ici 2030. Mais les notaires ont observé que certaines ressources étaient encore insuffisamment exploitées. Ainsi, la  forêt s’avère notamment être une ressource riche en biomasse qui devrait occuper un rôle encore plus prépondérant à l’avenir.


Comment mieux stocker l’électricité ? Quel cadre juridique pour exploiter les énergies « propres » ? Autant de questions qui ont animé la commission au cours de son travail préparatoire. Pour lutter contre le réchauffement climatique, et limiter notre impact sur l'environnement, la transition énergétique apparaît donc comme un défi majeur du XXIe siècle. À cet égard, comment accompagner aux plans juridique et fiscal le développement et l’usage des énergies renouvelables ? C’est entre autres à cette question que la commission se proposera de répondre d’ici quelques jours.


 


Propositions autour de l’avenir de nos forêts et des énergies renouvelables



  • Proposition N° 1 : simplification du regroupement forestier.

  • Proposition n° 2 : création d’un fonds de garantie pour le démantèlement des éoliennes.

  • Proposition n° 3 : refonte de l’usufruit des bois et forêts.

  • Proposition n° 4 : création d’un contrat d’ordre public d’installation d’énergie renouvelable pour les particuliers.



Demain, la ville…


Une vision prospective de la ville fait surgir de nombreuses problématiques : logement, santé, transports, attractivité, commerce, numérique, loisirs, sécurité… La commission dédiée à la ville a conduit sa réflexion autour de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme, avec le concours de clients, d’architectes, d’urbanistes, d’élus et de citoyens, pour dégager les besoins des habitants de la ville de demain.


Si simplifier les baux et faciliter l’accès à la propriété semble au cœur des préoccupations, sur la ville en elle-même, l’équipe de notaires s’est rendue à l’évidence : celle du futur sera une ville à la verticale, ce qui nécessite de favoriser la multiplicité des usages dans un même immeuble, en mixant habitation, toits végétalisés, ou encore coworking. À côté, la « smart city » devra continuer de créer des richesses, de l’emploi et du partage via l’optimisation des coûts, de l’organisation et de l’espace. Mutation, multifonctionnalité, verticalisation et densification, mais aussi mixité sociale et revitalisation des centres-villes seront donc au centre des débats de cette 114e édition du Congrès des notaires.



Propositions autour de l’avenir de nos terres habitées



  • Proposition n° 1 : dérogation du statut du fermage pour l’agriculture urbaine.

  • Proposition n° 2 : libération du foncier dans les lotissements.

  • Proposition n° 3 : création d’une servitude légale pour l’isolation par l’extérieur.

  • Proposition n° 4 : amélioration de la prévention des recours contre les autorisations d’urbanisme.

  • Proposition n° 5 : reconnaissance d’un urbanisme tridimensionnel.


 


Demain, le financement



Toute transition devant être financée, cela induit assez naturellement la mise en œuvre d’une politique fiscale efficace, et de nouvelles aides à la transition énergétique et à la production agricole. En effet, les notaires ont fait le constat que les aides actuelles n’ont pas une vision suffisamment globale et aboutie de  la rénovation énergétique.


La commission « Demain le financement » s’est donc interrogée sur une fiscalité cohérente et incitative à appliquer au territoire. Comment développer des dispositifs d’incitation à l’efficacité énergétique ? Comment trouver des outils pour mieux gérer les aléas climatiques, économiques et sanitaires de l’agriculture ? Réponse le 27 mai prochain.


 


Propositions autour de l’avenir de nos politiques fiscales



  • Proposition n° 1 : clarification et aménagement de la fiscalité des pas de porte en agriculture.

  • Proposition n° 2 : instauration d’un crédit d’impôt pour la rénovation énergétique lors de l’acquisition d’un logement.

  • Proposition n° 3 : création d’une réserve pour investissement et aléas en agriculture.

  • Proposition n° 4 : promotion de l’obligation réelle environnementale par un régime fiscal de faveur.

  • Proposition n° 5 : alignement de l’exonération des baux ruraux à long terme sur celle du pacte Dutreil et mise en place d’une fiscalité incitative pour le portage foncier vertueux.


     


Bérengère Margaritelli


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