Le droit de l’énergie est un droit en plein essor et
surtout en profonde mutation. Certes, il possède un Code qui lui est propre
mais, l’évolution faisant apparaître de nouvelles questions que le droit
n’avait pas nécessairement anticipées, la transition énergétique se double
aujourd’hui d’une véritable transition juridique.
La question énergétique est concomitante de la
question économique et, comme l’explique brillamment Jérémy Rifkin dans son
ouvrage La troisième révolution industrielle, tout nouveau mode de production
énergétique est étroitement lié à un mode communicationnel propre. Le droit de
l’énergie a généré une législation et une réglementation dérogatoires du droit
commun, destinées à permettre le développement de nouvelles sources
énergétiques dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, le Code minier a
accompagné le charbon, des décrets-lois de l’entre-deux-guerres ont permis
l’exploitation pétrolière et le développement de l’électricité - en matière
nucléaire en particulier - s’est fait en France en l’absence totale
d’intervention du législateur.
L’entrée dans la transition énergétique, qui se
heurte souvent aux énergies conventionnelles, a nécessité de nouvelles lois,
une réglementation plus qu’abondante – parfois « cafouilleuse »
–, et la difficulté d’assurer une conformité aux objectifs communautaires et
une compatibilité avec les multiples outils de planification dont notre pays a
le don. Au-delà, le développement de nouveaux secteurs économiques, de
nouvelles filières, la compétition internationale, et la rapidité des évolutions
technologiques entraînant d’importants mouvements sur les prix, constituent
autant de bouleversements auxquels le droit doit répondre.
Les sujets sont multiples et il n’était évidemment
pas possible, même dans le cadre d’un numéro spécial que le Journal des
Sociétés a accepté de consacrer au sujet du droit de l’énergie, de traiter de
tous les sujets. Le choix s’est donc fait autour de certains thèmes d’actualité
dans la mesure où les questions juridiques qu’ils posent et les solutions qui
seront apportées seront lourdes de conséquences, non seulement sur l’avenir
énergétique de la France, mais encore sur l’activité économique et les
créations d’emplois qui y seront associées.
Cinq thématiques ont donc été retenues, à commencer
bien entendu par la PPE ouverte depuis le 19 mars dernier au débat public dans une certaine
discrétion, et dont les choix sont pourtant essentiels pour l’avenir. Seront
ensuite abordés deux sujets juridiques controversés : d’abord, celui du
développement de l’autoconsommation – et plus précisément de l’autoconsommation
collective – dont le sens est d’aller vers un modèle énergétique décentralisé,
en parfaite contradiction avec le modèle centralisé lié à notre histoire et aux
particularités de l’énergie nucléaire ; le second sujet faisant débat qui
a été retenu est celui de la sécurité juridique attachée aux contrats résultant
d’appel d’offres, lorsque les évolutions technologiques et la chute massive des
prix remettent en cause l’équilibre du contrat. Enfin, deux autres thématiques
d’avenir seront abordées : d’une part, l’efficacité énergétique et le
fonctionnement du système des certificats d’économie d’énergie dont le régime
très intéressant est transposable, dans sa logique, à d’autres domaines
d’activité, et d’autre part la question très importante du stockage de
l’énergie qui conditionne le passage à une société décarbonée et dénucléarisée
grâce aux énergies renouvelables.
Ces choix peuvent être discutés car d’autres sujets
auraient pu être abordés, mais il nous a semblé qu’ils répondaient à des
questions précises et essentielles que les professionnels du droit et les
entreprises du secteur pouvaient se poser.
Corinne Lepage,
Huglo Lepage Avocats,
Avocate et Présidente