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Drones : l'encadrement de l'activité indispensable à la gestion des risques

Drones : l'encadrement de l'activité indispensable à la gestion des risques
Publié le 30/11/2017 à 10:01

Une utilisation en constante évolution

 

Ces dernières années ont vu l’essor des ventes et de l’utilisation des drones, tant au niveau des drones de loisirs, que des drones professionnels. Selon le cabinet de conseil Gartner, 174 000 drones à usage commercial seront vendus cette année à travers le monde, et 2,8 millions à des particuliers. Il est donc aujourd’hui naturel de s’interroger sur les risques inhérents à l’utilisation de ces appareils et à la gestion des risques qui y est associée. En effet, on constate sur l’année 2016 une augmentation drastique de la survenance d’incidents. Selon l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), plus de 1 400 incidents ont été recensés en 2016 (606 sur la période 2011-2015) dont sept incidents qui ont été considérés comme sérieux. Même s’il y a un certain nombre d’incidents, sans conséquence grave (tels qu’un drone qui s’élève à plus de 150 mètres d’altitude due à une perte de contrôle ou encore un drone qui s’écrase à l’atterrissage par suite d’un comportement inattendu), quelques accidents récents ont montré les risques que l’exploitation de drones pouvait engendrer. À titre d’exemple, le 5 janvier 2017, au Mozambique, à l’aéroport de Tète un avion de ligne (Boeing 737-700) en phase d’atterrissage a été percuté par un drone. L’avion a été endommagé et le drone intégralement détruit.

Avant de s’intéresser à la gestion des risques liés aux activités des drones, notamment par le biais des assurances, il est nécessaire de faire un rapide état des lieux de la réglementation en vigueur afin d’appréhender les responsabilités des différents intervenants (fabricants, exploitants, utilisateurs).

 

Une réglementation à unifier

 

Il y a aujourd’hui un corpus de règles relativement complexes, mais néanmoins précises au niveau national[i] et européen[ii] afin de réglementer les activités liées à l’utilisation des drones. Que ce soit dans un objectif d’aéromodélisme, de loisir ou professionnel. Schématiquement, ces règles visent à encadrer, non seulement l’utilisation, mais aussi la fabrication des drones avec un souci principal : la sécurité des personnes tierces et de celles opérant les drones. À noter qu’aucune réglementation internationale ne vient réguler ces activités.

Il est important de noter que les fabricants, exploitants et utilisateurs de drones peuvent voir leur responsabilité engagée sur différents fondements. Au titre tout d’abord de la réglementation aérienne pour ce qui concerne les exploitants, dès lors que leur drone et/ou leur activité tombe sous le coup de l’application de cette réglementation. Comme par exemple pour ce qui concerne la responsabilité en cas de collision entre un drone et un aéronef ou en cas de dommage à un tiers à la surface, qui sera régi par les dispositions du Code des transports (articles L. 6131-1 et L. 6131-2). Mais, la responsabilité des intervenants peut aussi être mise en cause au titre du droit commun, comme par exemple la responsabilité pour vices cachés pesant sur les fabricants. Enfin, il y a une responsabilité sur le fondement pénal, notamment en cas de mise en danger volontaire de la vie d’autrui ou de violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence imposée par la loi ou un règlement. La loi du 24 octobre 2016 prévoit aussi des dispositions spécifiques relatives aux infractions liées au survol de zones sensibles (infractions sanctionnées par des peines d'emprisonnement et des amendes). Ainsi, même si cet événement ne s’est pas produit en France, nous souhaitons ici rappeler qu’un droniste chinois a été arrêté en janvier 2017 pour avoir survolé une zone interdite, en l’occurrence un aéroport.

 

Quels risques pour les intervenants de la filière drone ?

 

Sans faire une liste à la Prévert des types de dommages pouvant se produire du fait de l'utilisation des drones, nous pouvons identifier deux grandes catégories. D’une part, les dommages causés aux tiers incluant les dommages aux aéronefs en vol ou au sol ainsi que les dommages aux biens et aux personnes au sol (hors aéronefs). D’autre part, les dommages causés au drone lui-même et ses éventuels équipements embarqués (comme des appareils de prise de vue ou de son qui peuvent avoir une valeur bien supérieure à celle du drone en lui-même).

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les risques d'actes malveillants qui ont un impact sur la gestion des risques. Nous pouvons ici citer les risques de prise de données indues (application du droit commun, en attendant l'entrée en vigueur de la réglementation européenne qui a vocation à clarifier les responsabilités des fabricants dans ce domaine, en instaurant un système de protection des données dès la conception du drone). Les risques dits « cyber » sont également à prendre en considération en cas particulièrement de détournement des données et de préservation des données personnelles.

 

Solutions de gestion des risques

 

Nous constatons donc qu’il y a une pluralité de risques inhérents à l’utilisation des drones.

Afin de couvrir leurs risques, les exploitants, fabricants, utilisateurs vont avoir tendance à vouloir transférer leurs risques au marché de l’assurance. Toutefois, autant les assurances couvrant les risques liés aux activités aéronautiques sont connues et maîtrisées, aussi bien pour les exploitants d’aéronefs, que les fabricants (y compris les sous-traitants et autres équipementiers), autant les assurances des risques liés à l’utilisation des drones sont très récentes, avec très peu de retour d’expérience pour les assureurs. Ainsi, comme nous allons le voir par la suite, il existe des solutions d’assurance, mais limitées et qui nécessitent aussi d’être adaptées au contexte spécifique des drones.

La première question à se poser est y a-t-il des obligations d’assurance relatives aux drones, comme cela est le cas en matière aéronautique ? La réponse est positive pour ce qui concerne les opérateurs de drones d’une certaine catégorie. En effet, selon l’arrêté de 2015, il est renvoyé à la réglementation européenne sur la question des assurances. Ainsi, la réglementation applicable est celle du règlement européen n° 785/2004 relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs. Cette réglementation impose des obligations d’assurance responsabilité civile minimale pesant sur l’opérateur aérien en cas de dommages causés aux passagers, aux bagages, au fret et aux tiers, et ce, pour ce que l’on nomme les risques ordinaires, mais aussi les risques de guerre et de terrorisme. Cette réglementation est applicable à tout opérateur d’aéronefs européens ou atterrissant ou décollant d’un état européen. Sont spécifiquement exclus de cette réglementation les aéronefs dont la masse maximale au décollage (MMD) est inférieure à 500 kg utilisés à titre non commercial (pour les assurances risques de guerre et terrorisme), ainsi que les modèles réduits d’aéronefs avec une MMD inférieure à 20 kg et les drones de loisirs.

Le règlement instaure des minima d’assurance en fonction de la MMD et du nombre de passagers à bord des aéronefs. Ainsi, pour ce qui concerne les drones, les drones commerciaux d’une MMD inférieure à 500 kg se voient imposer une garantie minimum de 750 000 Droits de Tirages Spéciaux (DTS)[iii]. Hormis les drones tombant sous le coup de l’application de la réglementation 785/2004, il n’y a pas d’obligation d’assurance particulière liée à leur utilisation. Dans ce contexte particulier, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’envisager une obligation légale d’assurance. Certains y sont favorables afin de disposer pour les opérateurs notamment de garantie leur permettant de procéder à une indemnisation adaptée des victimes (les dommages pouvant être très élevés), sans pour autant mettre en péril le patrimoine de l’opérateur. D’autres sont plus favorables à la liberté de souscription ou non des assurances, et ce, d’autant plus que le coût des assurances aujourd’hui disponible apparaît disproportionné par rapport à l’activité concernée et au coût d’achat d’un drone.

En parallèle des assurances aéronautiques, il existe également des assurances permettant de garantir les mises en cause de la responsabilité d’un opérateur, utilisateur ou fabricant. Ces garanties peuvent prendre différentes formes comme des extensions de responsabilité civile professionnelle ou des garanties générales, mais n’excluant pas les drones (par exemple, les garanties multirisques habitation proposent, en l’absence d’exclusion spécifique, des garanties pour les dommages causés aux tiers du fait de l’utilisation de drones). Il est également possible de trouver sur le marché d’assurance des garanties spécifiques en cas de dommages survenant au drone lui-même ou au matériel embarqué. Mais ces dernières sont à ce jour relativement rares en raison de plusieurs facteurs, tels que le prix ou encore l’absence de retour d’expérience pour les assureurs ne leur permettant pas de procéder à une analyse de risques en profondeur. Enfin, les fabricants, à quelque niveau que ce soit peuvent se garantir en cas de mise en cause de leur responsabilité notamment pour produits défectueux après livraison.

 

Une réglementation qui doit s’adapter aux nouvelles utilisations

 

L’activité des drones présente aujourd’hui un certain nombre de risques qui sont identifiés, avec des possibilités de transfert de ces risques sur le marché de l’assurance. Toutefois, les évolutions d’utilisation de ces drones, comme par exemple, le dépôt de colis par drones tel que cela est aujourd’hui en test par La Poste appelle des réflexions à venir sur l’encadrement réglementaire des risques et éventuellement des assurances pouvant y être associées. À cet effet, la résolution européenne 08/04/2014 montre la volonté de la Commission européenne d’adapter le règlement 785/2004 afin d’inclure spécifiquement les drones dans son champ d’application. Encore faut-il que le marché de l’assurance soit prêt à offrir des garanties adaptées, à des conditions et un coût raisonnable.

 

Cécile Gaubert

Avocat à la cour



[i] Arrêtés du 17 décembre 2015, modifié par l’arrêté du 30 mars 2017 et la loi du 24 octobre 2016.

[ii] Règlement CE n° 216/2008 et projet de règlement « Prototype Rules »

[iii] A ce jour, 1 DTS équivaut à peu près à 1,20 Euros

1 commentaire
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Bruno
- il y a 6 ans
La chasse aux drones est ouverte...
mais l'accident relaté en début d'article a été démenti par les autorités de l'aviation civile dès le 16 janvier 2017. http://airinfo.org/2017/01/16/lam-mozambique-737-pas-percute-par-drone/
Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de la paranoïa et désinformation sur le sujet. Fatiguant.

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