Les lois de finances pour 2018 et 2019 modifient de manière importante la situation des actionnaires familiaux
des PME et ETI : diminution de la pression fiscale sur les dividendes et
les plus-values mobilières par l’instauration d’un Prélèvement forfaitaire
unique (PFU, ou « flat tax »), suppression de l’Impôt de solidarité
sur la fortune (ISF) et assouplissements des pactes Dutreil-Transmission...
Autant de nouveautés qui permettent, dans une large mesure, de « décadenasser »
les reconfigurations du capital de l’entreprise et qui améliorent l’accès au
financement des droits de donation dans le cadre des transmissions à titre
gratuit.
Le
PFU : une avancée pour les actionnaires...
Les dividendes perc¸us par les
actionnaires personnes physiques sont, depuis 2018, soumis a` une « flat-tax » de 30 %, intégrant un pre´le`vement fiscal (impôt sur le revenu au taux de 12,8 %) et les prélèvements sociaux
(au taux global de 17,2 %). S’ajoute à ce prélèvement, la Contribution
exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) si le revenu fiscal de référence
de l’actionnaire dépasse un certain seuil (250 000 euros et 500 000 euros selon que l’actionnaire est
marié/pacsé ou non). L’actionnaire peut certes opter pour une imposition des
dividendes au bare`me progressif de l’Impôt sur le revenu (IR), mais cette
option n’est avantageuse que si ses revenus n’atteignent pas la tranche
marginale de 30 %.
De me^me, les plus-values de cession de titres sont de´sormais
imposées au PFU ou, sur option, au bare`me progressif de l’IR. Dans ce cas,
les plus-values peuvent bénéficier des abattements pour une durée de
détention – abattements de droit commun ou « renforcés » sous certaines conditions –,
si les titres cédés ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier
2018. L’option pour l’imposition au barème progressif pourra s’ave´rer
pertinente lorsque les abattements de 65 % et de 85 % trouveront à
s’appliquer.
Cependant, il faut noter que l’option pour l’imposition au barème
progressif de l’IR n’est pas une option « à la carte ». Elle vaut en
effet renonciation à l’application du PFU pour l’ensemble des dividendes et
plus-values mobilières perçus au titre
de l’année concernée.
... mais
aussi, indirectement, pour l’entreprise
Lors d’une transmission des titres de l’entreprise, le donateur ou les
donataires disposent rarement de la tréorerie personnelle ne´cessaire au
règlement des droits de donation. Afin de leur permettre de financer ces
droits, l’entreprise est ainsi très souvent contrainte de procéder à des
distributions de dividendes, soit pre´alablement à la transmission, soit de
manièe échelonnée lorsque les droits de donation peuvent bénéficier d’un
paiement différé et fractionné. Toutefois, en pratique, le dividende à
verser doit aussi intégrer sa propre imposition. Il doit donc être suffisant à la fois pour le paiement des droits de donation ainsi
que pour celui de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dus au
titre du dividende lui-même.
Jusqu’en 2018, le niveau d’imposition des dividendes était tel que
chaque transmission de titres pouvait entamer les capitaux propres de
l’entreprise dans des proportions significatives. La diminution de la pression
fiscale sur les dividendes par l’instauration du PFU, contribue désormais à
limiter un tel impact sur les ressources de l’entreprise et, partant, sur sa
capacite´ d’investissement.
La suppression de l’ISF
Me^me lorsque les actionnaires familiaux be´ne´ficiaient
d’une exone´ration partielle d’ISF par la mise en place d’un pacte Dutreil-ISF,
l’entreprise e´tait souvent amenée a` servir aux actionnaires un dividende pour leur permettre de régler leur
ISF. Ce qui avait pour effet de grever les fonds propres de la société, mais également de « déplafonner »
l’ISF des actionnaires. En mettant fin à de telles anomalies, la suppression
de l’ISF sur les parts d’entreprise marque une avancée importante, tant pour
l’entreprise que pour ses actionnaires familiaux.
Survivance des contraintes lie´es aux pactes Dutreil-ISF en cours
En l’absence d’indication contraire des textes et de la doctrine de
l’administration fiscale, les pactes Dutreil-ISF encore en cours au 1er janvier
2018 (régis par l’ancien article 885 I bis du
Code général des impôts), doivent être
respectés jusqu’au terme de la période de conservation globale de six ans. A défaut, l’exonération obtenue au titre des ISF précédents (jusqu’a` l’ISF
2017 donc) serait remise en cause.
Dans nombre de situations, il faudra donc patienter pour que le
« déverrouillage » du capital de l’entreprise soit effectif. Seul
lot de consolation : certaines mesures d’assouplissement prévues par la
loi de finances 2019 en matière de Dutreil-Transmission (notamment apport en
holding, allègement des obligations déclaratives), seront également
applicables aux pactes Dutreil-ISF encore en cours.
Xavier Boutiron,
Notaire associé,
Cheuvreux notaires
Olivier Giacomini,
Notaire,
Cheuvreux notaires