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Entretien avec Alexandre Grellier, co-fondateur de Drooms, leader européen des datarooms virtuelles

Entretien avec Alexandre Grellier, co-fondateur de Drooms, leader européen des datarooms virtuelles
Publié le 20/08/2018 à 10:57

Alexandre Grellier a fondé Drooms en  Allemagne en 2001. Drooms est une société spécialiste de la protection et des échanges de documents sensibles et confidentiels. Cette entreprise est aujourd’hui le leader européen des datarooms virtuelles, outils informatiques permettant, notamment lors des due diligence, l’accès contrôlé à de grandes quantités de documents confidentiels. Lors d’un entretien exclusif avec le Journal Spécial des Sociétés, le chef d’entreprise a présenté en détail sa société ainsi que son point de vue sur les grands changements et évolutions que connaît actuellement le marché de la dataroom dans le monde, du fait de l’avènement de l’intelligence artificielle.


 


Pourriez-vous vous présenter ?


J’ai cofondé Drooms en 2001 avec Jan Hoffmeister. Auparavant, j’ai travaillé comme juriste chez Lehman Brothers à Francfort et à Londres, en particulier dans les domaines Legal & Compliance et Management de transactions.

 


Comment vous est venue l’idée de créer Drooms ? Avez-vous rencontré des difficultés lors de la fondation de votre société ?


En créant Drooms, nous souhaitions avant tout répondre à l’objectif suivant : simplifier les échanges de documents confidentiels via une plateforme hautement sécurisée. La gestion de la due diligence est au cœur de nombreuses transactions et représente souvent un examen approfondi de milliers de documents... un processus long et complexe à gérer, surtout que plusieurs parties sont généralement impliquées.


À sa création, en 2001, Drooms s’inscrivait comme une société de services physiques au service de la due diligence. Autrement dit, nous organisions la logistique afin de permettre une consultation de documents sensibles dans le cadre de transactions, ce qui s´effectuait à l’époque souvent dans des caves remplies de classeurs poussiéreux. Rapidement, nous avons compris le potentiel et les avantages du numérique et avons pensé et développé une solution logicielle intuitive centrée sur l’expérience utilisateur aux normes de sécurité maximales. L’abandon des datarooms physiques au profit d’outils virtuels permet de structurer, optimiser et accélérer le processus de due diligence.


Des difficultés lors la création il y en a eu ! Mon associé et moi avons créé une société informatique alors que nous venions tous les deux d’un autre univers : le domaine juridique et de la fusion & acquisition (M&A). Ce qui était au début un challenge particulièrement difficile, car nous devions comprendre la technologie et ses possibilités, s’est finalement révélé être une véritable opportunité, car nous comprenions parfaitement les attentes des utilisateurs, les ayant vécues par nous-mêmes.

 


Quels sont vos métiers, les produits que vous proposez et comment êtes-vous organisé ?


Drooms a conçu une dataroom virtuelle permettant l’accès contrôlé à de grandes quantités de documents. Une dataroom virtuelle est une solution en mode cloud spécialement conçue pour le stockage et le partage d’informations confidentielles. Elle offre des fonctionnalités spécifiques telles que les permissions granulaires, l’outil Q&A, les notes et marque-pages ainsi que l’authentification à double facteur ou le filigrane dynamique.


Nous avons récemment fait évoluer notre solution pour proposer à nos clients une due diligence intelligente et automatisée. Nous ne mettons plus seulement une plateforme ultra-rapide permettant l’accès aux documents confidentiels, nous définissons actuellement les bases d’une dataroom dotée d’intelligence artificielle (IA) grâce à des technologies d’auto-apprentissage ayant pour objectif à moyen terme la réalisation automatique et fiable d’un rapport de due diligence à 95 % sur simple pression d’un bouton.

 


Comment a évolué votre entreprise au cours du temps ?


Créée en 2001, Drooms est devenue en cinq ans le leader européen des datarooms virtuelles. Notre solution est aujourd’hui utilisée par plus de 25 000 entreprises dans le monde, dont plus de 50 % des entreprises du DAX 30 ainsi que par de nombreux cabinets d’avocats et de conseil renommés. L’outil a géré plus de 10 000 transactions d’une valeur totale de plus de 300 milliards d’euros. Drooms compte 130 collaborateurs issus de 25 nationalités différentes, présents à Francfort (siège), Munich, Paris, Zurich, Londres, Amsterdam, Madrid, Milan, Sofia et Vienne.

 


Qui sont vos clients ? Et quelle est votre stratégie d’expansion ?


La solution de dataroom est utilisée, d’une part, lorsqu’une transaction se présente (fusion & acquisition, levée de fonds, IPO, etc.) et, d’autre part, pour la gestion permanente d’actifs (portefeuille immobilier, gestion de fonds, etc.) Les cas d’utilisation sont donc multiples et les secteurs de nos clients sont très diversifiés : immobilier commercial, finance d’entreprise, juridique, bio-tech et énergie par exemple.


Nos interlocuteurs ne sont généralement pas des directeurs informatiques, mais plutôt les dirigeants, DAF, juristes et responsables M&A.


Notre stratégie d’expansion est d’une part l’ouverture de nouveaux marchés géographiques ; d´autre part, l’approche de nouvelles industries comme le domaine des biotechnologies.


Évoluant dans un cadre où la sécurité des données est un critère extrêmement sensible et où la confiance pour un prestataire joue un rôle considérable, le bouche-à-oreille et la réputation de notre solution jouent un rôle majeur lors du choix final de nos clients.

 


Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement concret d’une dataroom ?


La dataroom de Drooms permet l’accès contrôlé à de grandes quantités de documents confidentiels. Elle a été élaborée autour de cinq caractéristiques qui font sa force : sécurité, rapidité, simplicité, support et service. La dataroom facilite l’échange de documentation. Elle se distingue des solutions cloud « classiques », car elle permet un transfert et un stockage hautement sécurisés des informations, généralement encadrés par des droits de gestion des utilisateurs élaborés.


Bien que les datarooms aient été en grande partie développées pour soutenir les processus transactionnels, l’outil convient à toutes les situations nécessitant un logiciel de gestion et de partage des documents particulièrement sécurisé. Ces opérations, qui impliquent de nombreuses parties prenantes (avocats, banquiers, juristes, experts techniques, conseillers, etc.), comprennent généralement plusieurs centaines de milliers de pages de documentation. La dataroom permet alors un accès immédiat, sécurisé et simultané à tous les acteurs impliqués et l’intégralité des activités effectuées sont documentées pour des raisons de traçabilité. Notre domaine d’activité est en effet extrêmement sensible : une moindre fuite au moment de lever des fonds, lors d’une fusion ou d’une cession d’entreprise peut avoir des conséquences irréversibles.


 


Drooms s’appuie de plus en plus sur l’intelligence artificielle. Quelle(s) utilisation(s) faites-vous justement de l’IA et de ses potentialités (machine learning, NLP...) ?


Tout à fait, nous avons lancé « Findings Manager ». Cet outil propose de remplacer des analyses manuelles par des méthodes automatisées et apprenantes de l’IA. Notre solution est capable d’analyser le contenu des documents et d’évaluer, de façon autonome, les risques et opportunités présentes au sein des transactions ainsi que de permettre l’intégration d’une estimation financière. Nous proposons ainsi à nos clients de remplacer des tâches manuelles chronophages, telles que la lecture et le classement des documents nécessaires aux procédures, par des processus automatisés et auto-apprenants afin de les laisser se concentrer sur des opérations plus stratégiques ou à plus forte valeur ajoutée.

 


Depuis la création de votre entreprise en 2001, les technologies ont évolué. Selon vous, quels sont les grands changements et évolutions que connaît actuellement le marché de la dataroom dans le monde ?


Ces dernières années, le marché a été complètement bouleversé. Le passage progressif des datarooms physiques aux datarooms virtuelles a entraîné de grands changements : moins de limite spatiale et temporelle ce qui permet d´élargir les parties prenantes potentiellement intéressées par une transaction, réduction significative des coûts liés à un projet et amélioration de l’emploi des ressources d’un point de vue environnemental grâce notamment à la réduction de papier et des déplacements.


Si les fournisseurs de datarooms se sont jusqu´à présent principalement concentrés sur le développement de technologies permettant d’avoir un outil de dataroom toujours plus rapide, sécurisé et intuitif, nous commençons à assister à l’éclosion d’une tendance de fond. Les besoins de nos utilisateurs ne sont plus uniquement d’avoir accès à des documents dans une dataroom, ils souhaitent idéalement avoir un accès plus rapide à l’information en elle-même.


Drooms, par exemple, travaille actuellement sur l’optimisation des processus de due diligence en intégrant l’IA au cœur de sa technologie de dataroom virtuelle et en utilisant l’apprentissage machine pour automatiser les processus manuels et répétitifs. Cela signifie que nous entraînons nos machines à ressortir les éléments importants des documents avec pour objectif à moyen terme la réalisation automatique des rapports de due diligence. Grâce à cette technologie de Findings Manager développée par Drooms, les experts pourront se concentrer sur les tâches pour laquelle leur valeur ajoutée est la plus forte, car rien ne peut remplacer les années d’expérience, l’instinct et les connaissances acquises.


Il y a cependant encore du chemin à effectuer, et, d’une part, la technologie en est à ses débuts, d’autre part car il subsiste de nombreux obstacles à l’adoption de l’IA dans ce type de processus, tel que le manque de confiance dans la capacité d’égaler l’intelligence humaine par exemple.


 


Quel est votre regard d’ancien juriste sur l’évolution du marché actuel du droit ? Pensez-vous que le milieu gagne à s’appuyer de plus en plus sur les nouvelles technologies ?


Les cabinets juridiques n’ont commencé que récemment à investir dans des technologies disruptives. Selon des études menées par mes collaborateurs, les cabinets d’avocats français pourraient améliorer leur productivité de 50 % s’ils utilisaient les technologies d’IA. Pour autant, beaucoup se montrent encore sceptiques et sont parfois peu enclins à adopter ces nouvelles méthodes, car ils se demandent s’il s’agit d’un effet de mode ou d’une tendance de fond génératrice de valeur. Dans un récent sondage réalisé par Drooms auprès de plus de mille utilisateurs (avocats, juristes, analystes, banquiers, etc.), plus de la moitié d’entre eux (52 %) ont déclaré que l’IA allait transformer complètement leurs processus de travail tandis que seuls 23 % pensent qu’elle aura peu ou pas d’impact dans leur domaine. Par ailleurs, 72 % des sondés estiment que ces nouvelles technologies, comme notre solution Findings Manager, accélèrent le processus de due diligence ; parmi ceux-ci, un sur dix déclare qu’elles réduisent le temps nécessaire à la réalisation d’une due diligence d’au moins 75 %.


Leur premier objectif de notre outil Findings Manager est avant tout d’accélérer les processus afin de remplacer de longues heures d’analyse documentaire par des processus intelligents et automatisés.

 


Selon vous, certains professionnels ont-ils raison de craindre une ubérisation des métiers du droit ?


Le métier du droit évolue, c´est indiscutable. Si l’IA est déjà utilisée par les professionnels du secteur financier, les cabinets juridiques n’ont commencé que récemment à investir dans des technologies disruptives. Même si beaucoup de professionnels se montrent encore sceptiques et sont parfois peu enclins à adopter ces nouvelles méthodes, c´est un tournant indéniable à ne pas sous-estimer pour rester compétitif.

 


L’entrée en vigueur du RGPD en France et en Europe impose désormais de nouvelles obligations en termes de protection des données. Cela va-t-il modifier votre manière de travailler ? Quels impacts du règlement sur votre fonctionnement ?


Le règlement général sur la protection des données (RGPD), considéré par certains comme le plus grand changement des lois européennes sur la vie privée de ces vingt dernières années, a suscité une certaine agitation en Europe. Étant donné notre secteur d’activité particulièrement sensible, Drooms a toujours accordé la plus haute importance à la protection de la confidentialité de ses clients, notamment grâce à des centres de serveurs exclusivement en Europe. Les mesures de sécurité mises en place protègent les données contre les modifications, les traitements et les suppressions injustifiés. À notre niveau, la clarté de la structure d’entreprise, l’absence de sous-traitants, le stockage de données sur des serveurs européens pour éviter des transferts risqués font partie des solutions que nous offrons pour garantir la sécurité et la confidentialité des données critiques. Nous investissons énormément de temps dans la formation de nos employés et aussi dans la sensibilisation de nos clients et utilisateurs sur la problématique de la protection des données personnelles.

 


Quelles sont vos perspectives d’avenir ?


Nous investissons énormément dans la R&D. Le développement de l’IA n´en est qu’à ses débuts et nous sommes confiants sur le fait que cette technologie va nous permettre d’automatiser la due diligence et répondre ainsi à un réel besoin de nos utilisateurs.

 


Propos recueillis par Maria-Angélica Bailly


 


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