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Entretien avec Brigitte Phémolant, Présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Entretien avec Brigitte Phémolant, Présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Publié le 08/04/2016 à 11:33

Présidente-assesseure à la Cour administrative d’appel de Douai de 2006 à 2008 puis successivement Présidente de chambre et Première vice-présidente du Tribunal administratif de Versailles entre 2008 et 2013, Brigitte Phémolant préside, depuis le 1er janvier 2014, les quarante-trois magistrats et cinquante-quatre agents de greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. À l’occasion de la toute première audience solennelle du Tribunal, le Journal Spécial des Sociétés l’a rencontrée.


  • Quel événement, quel fait relatifs à votre juridiction vous a le plus marqué en 2015 ?

  • La poursuite obstinée de la réduction des délais de jugement associée à l’exigence de qualité des jugements rendus par le tribunal constitue chaque année l’axe central des objectifs de notre juridiction. Vous pouvez mesurer le chemin parcouru depuis 10 ans puisque le délai prévisible moyen a été réduit de presque 62%. Sur la dernière année, il est passé de 11 m 1 j à 9 m 23 j. Dans le même temps, le nombre de dossiers de plus de deux ans a baissé, passant de 722 à 689, ce qui correspond à 7,7% du stock, niveau bien inférieur à la moyenne nationale. La forte implication des magistrats et des agents du greffe expliquent ces résultats. Ils sont également le fruit des réorganisations du greffe menées depuis juillet 2014 et de la présence effective au cours de l’année 2015 d’un nombre de magistrats correspondant à l’effectif théorique attribué à la juridiction.

    S’agissant de contentieux particuliers, l’année 2015 a été marquée par les dramatiques évènements de janvier et novembre 2015 et l’important contentieux de l’état d’urgence dont le tribunal a été saisi. Ce sont 61 procédures qui ont été engagées concernant des décisions prises dans le cadre de la loi sur l’état d’urgence. Ce nombre, rapproché des chiffres nationaux communiqués par le Conseil d’Etat montre que notre tribunal a été l’un des plus concernés par ces contentieux. Nous avons été principalement saisis de recours contre les mesures d’assignation à résidence, représentant 80% des requêtes relatives à l’état d’urgence, dont 52% dans le cadre d’instance de référés ou référés-liberté. Nous avons eu aussi quelques requêtes concernant des fermetures de lieux de prières et des perquisitions.

    Dans les instances en référé, près de 35% des mesures d’assignation à résidence ont cessé d’être appliquées, très majoritairement parce qu’elles ont été abrogées par l’Etat avant l’audience, ou en raison de leur suspension par le juge.

    Le tribunal s’est mobilisé pour examiner ces requêtes dans des délais très brefs et assurer ainsi pleinement sa mission de garant des libertés publiques.

     

  • Vous êtes compétents depuis 5 ans dans le département des Hauts-de-Seine en plus du Val d’Oise et de la Seine st Denis. Quel en est bilan ? 

    Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a perdu la compétence sur le département de la Seine-Saint-Denis lorsqu’il a pris celle sur le département des Hauts-de-Seine. Ce changement de ressort territorial a permis au tribunal d’assainir sa situation. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ainsi vu le nombre d’affaires en instance passer de 12 500 en 2009 à moins de 10 000 en 2010. Ensuite, l’activité du tribunal a permis de maintenir une situation satisfaisante et de réduire chaque année les délais de jugement.

    Le ressort du Tribunal est équilibré par la diversité des deux départements de son ressort.

     

    Comment expliquez-vous l’augmentation des contentieux ?

    Le nombre des requêtes dont est saisie la juridiction administrative dans son ensemble et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en particulier connait une augmentation structurelle régulière même si sur une année donnée, des variations à la baisse peuvent être enregistrée en particulier si l’une des administrations à l’origine des contentieux les plus nombreux connait des difficultés de fonctionnement. Elle est le résultat d’une juridiciarisation de la société. Il est aussi le fruit d’un accès particulièrement simple au juge administratif : dans de nombreux domaines nous pouvons être saisis directement par les administrés qui n’ont pas à engager des frais de procédure pour porter l’affaire devant un TA. Cette facilité est renforcée par l’indication dans les décisions administratives de la possibilité de nous saisir.

    Les flux contentieux sont aussi le reflet des préoccupations sociétales et de la situation socio-économique des territoires : ainsi l’ampleur des difficultés à se loger en Ile-de-France conduit à une augmentation massive du contentieux DALO sous tous ses aspects. Il mobilise un nombre considérable d’agents de greffe et de magistrats sur des dossiers dans lesquels la réponse judiciaire n’est pas adaptée si la disponibilité de logements est inexistante.

    L’augmentation du contentieux porte aussi sur celui de la fonction publique. Il accompagne la plus grande rigueur budgétaire des collectivités.

    Une réponse purement contentieuse n’est pas forcément la plus pertinente dans un grand nombre des dossiers dont nous sommes saisis. On peut s’interroger sur une meilleure effectivité dans certains domaines de recours administratifs préalables qui permettraient de donner une réponse plus globale qu’une action contentieuse forcément limitée à l’acte déféré au juge même si celui-ci mesure à la lecture du dossier comprend que le différend est plus global et que l’annulation de telle ou telle décision qui lui est soumise ou le rejet de la requête n’apportera pas une réponse satisfaisante au litige.

     

  • La dématérialisation des procédures vous semble suffisante dans votre tribunal ? Qu’allez-vous faire en 2016 pour l’accélérer ?

    La dématérialisation des procédures permet depuis décembre 2013 aux avocats et aux administrations qui le souhaitent de saisir le juge via une application informatique dénommée télérecours. Nous notons un usage en constante augmentation de ce nouveau mode de saisine qui permet des échanges rapides et sécurisés. 65% des requêtes dites éligibles, c'est-à-dire présentées par des parties ayant accès à cette application, avocats et administrations, sont enregistrés via cette application. Il reste que dans un tribunal où un grand nombre de requérants saisissent le juge sans avoir recours à un avocat, le nombre de requêtes traditionnelles est très important. Dans la mesure où elles sont communiquées par voie électronique aux parties en défense inscrites dans l’application, elles suscitent un important travail de dématérialisation puis de rematérialisation de la défense présentée devant le juge qui pèse sur le travail du greffe et qui ne disparaitra pas même si le recours à l’application télérecours devient un jour obligatoire pour les avocats et les administrations.

    Le développement du traitement dématérialisé des procédures conduit à une évolution importante du travail quotidien et dans le cadre du projet de juridiction que nous sommes en train d’élaborer pour les 3 années à venir, nous réfléchissons à l’adaptation qui en découlera sur l’organisation du travail tant du greffe que des magistrats. (...)


Retrouvez la suite de cette interview dans le Journal Spécial des Société n° 27 du 6 avril 2016


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