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Entretien avec Catherine de Kouchkovsky, Avocat des enfants

Entretien avec Catherine de Kouchkovsky, Avocat des enfants
Publié le 23/02/2018 à 15:09



Acteur incontournable du recueil de la parole de l’enfant, l’avocat se distingue notamment par le secret professionnel, lequel permet souvent une parole plus libérée. Catherine de Kouchkovsky, avocat au barreau de l’Essonne depuis 1996, est aussi avocat des enfants. Entretien.



 


N’importe quel avocat peut-il représenter un enfant, ou faut-il avoir reçu une formation particulière ?


N’importe quel avocat peut représenter, rencontrer un enfant. Sauf qu’avec les règles de déontologie, cela peut être délicat pour un avocat d’intervenir lorsqu’un parent l’a désigné. Au barreau de l’Essonne, un système a été mis en place : dans toutes procédures où l’avocat est obligatoire, l’enfant peut automatiquement bénéficier d’un avocat issu d’un groupe d’avocats des enfants. Ces avocats sont spécialement formés, en théorie mais aussi en pratique. Ils doivent avoir effectué, en binôme, tous les cas d’intervention de l’avocat, au tribunal, ou encore dans les établissements scolaires. Ils doivent également avoir signé, après leur formation, une convention où ils s’engagent à respecter différents principes tels que prendre le temps de recevoir l’enfant, à être présents pour les audiences, et à continuer à se former.


 


Dans quels contextes un enfant peut-il bénéficier de l’assistance d’un avocat ?


L’enfant peut bénéficier d’un avocat dans de nombreux cas de figure, aussi bien au civil qu’au pénal. En matière pénale, l’enfant est représenté par un avocat, qu’il soit auteur ou victime, et, en matière civile, il l’est pour tout ce qui relève des procédures d’assistance éducative et des procédures qui concernent les enfants devant le juge aux affaires familiales (JAF). Je précise que les textes internationaux consacrent le droit de l’enfant à être entendu dans toute procédure, judiciaire ou administrative. Cependant, nous n’intervenons jamais pour ainsi dire en procédure administrative ou en matière de conseil de discipline (dans les établissements scolaires). Non pas que nous ne voulions pas, bien évidemment, mais comme l’aide juridictionnelle n’est pas prévue dans ce cas de figure, il est rarement fait appel à nous.


 


Comment libérez-vous la parole de l’enfant ?


De façon générale, être l’avocat d’un enfant, c’est faire preuve de patience et d’écoute. Quand l’enfant est, au pénal, soupçonné ou victime, il y a un cadre donné par la procédure qui permet d’intervenir « plus facilement » auprès de l’enfant, dirais-je, et en matière d’assistance éducative, même chose : il existe un dossier, on peut rebondir sur son contenu pour questionner l’enfant. Le plus difficile, ce sont les auditions devant le JAF, où là, nous n’avons aucun dossier. Il faut alors partir de rien ! Mais dans tous les cas, il est nécessaire de prendre le temps de discuter avec l’enfant, de le mettre en confiance ; un processus qui peut être assez long. Pour ma part, j’essaie de lui faire comprendre quel est le rôle du juge et quel est mon rôle en tant qu’avocat. Quand il y a un dossier, j’explique à l’enfant qu’on ne le reprendra pas forcément de A à Z (pour ne pas ajouter à son traumatisme), et, surtout, que je ne suis pas un interlocuteur comme ceux qu’il a pu voir auparavant : s’il me dit des choses qu’il n’a pas envie que je répète, je ne les répéterai pas, et ce sera alors notre secret. Je lui explique donc en substance ce que c’est que le secret professionnel – que ma porte est fermée, qu’il peut me raconter tout ce qu’il souhaite et qu’il peut prendre son temps ; d’ailleurs je reçois toujours, de préférence, l’enfant dans mon bureau, et non entre deux portes, au tribunal. Selon moi, l’entretien ne peut pas durer moins d’une heure, même si cela dépend évidemment de son âge. J’essaie à chaque fois de m’exprimer avec des mots simples et accessibles, et, autant que possible, de préparer les audiences avec lui. Je n’hésite pas à lui répéter plusieurs fois que je suis présente, à sa disposition, et que sa parole est très importante. En revanche, je lui précise qu’il y a d’une part ce qu’il me dit, et d’autre part ce que je peux repérer comme son intérêt. Si, par exemple, en assistance éducative, je me rends compte que l’enfant est dans une situation de danger chez ses parents, alors, dans ce cas de figure, son intérêt doit prendre le pas sur ce qu’il souhaite.


 


Il faut aussi trouver la bonne distance avec lui...


Oui, évidemment, cela fait partie du métier ! Mais en réalité, c’est très difficile. Je suis avocat depuis plus de vingt ans, mère famille, parent d’élève. Honnêtement, même avec l’expérience, il est parfois compliqué de prendre du recul. Quand vous recevez un enfant de l’âge du vôtre, qui va être placé, et qui pleure car il veut rester avec ses parents, cela vous sensibilise beaucoup. Bien sûr, je m’efforce à chaque fois de prendre sur moi – même si j’avoue qu’il m’est arrivé plusieurs fois de pleurer, après coup, suite à des scènes particulièrement éprouvantes. Et puis, paradoxalement, je dirais que l’expérience ne m’a pas endurcie, au contraire. Peut-être vaudrait-il mieux, pour être avocat des enfants, être jeune et ne pas être mère de famille… Je ne sais pas ! Mais cela reste mon travail dans tous les cas. Et il y a aussi des choses très positives ! Souvent, au fur et à mesure, les enfants sont contents de venir me voir, de me montrer les avancées, les progrès. C’est très gratifiant !


 


Propos recueillis par Bérengère Margaritelli


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