Charles-René Tandé est diplômé d’expertise
comptable depuis 1989. Après une riche carrière et de nombreuses
responsabilités, il est élu en 2017 président du
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. À l’occasion du 74e
congrès de l’Ordre, qui se tiendra cette année du 25 au 27 septembre
2019 au Palais des congrès de la Porte-Maillot, à
Paris, le chef de file de la profession est revenu pour le JSS sur le thème du congrès, sur ses nouveautés
et sur ses principaux enjeux.
Comment vous est venue
l’idée du thème de ce 74e congrès « L’expert-comptable au
cœur des flux » ?
Cette formule exprime bien la vision que nous avons
du rôle de l’expert-comptable aujourd’hui et demain. Maîtriser les flux de
données, les flux d’informations, c’est maîtriser l’économie de demain.
L’expert-comptable doit être en mesure de pouvoir gérer et sécuriser les
données, de les exploiter, afin de restituer à ses clients une information
fiable, qui va leur permettre d’optimiser la gestion de leur entreprise.
L’enjeu de ce congrès est de démontrer que l’expert-comptable est aujourd’hui
un maillon essentiel, au cœur des flux, au service de la confiance de
l’économie et de la performance des entreprises, et qu’il le sera encore demain
et après-demain par la maîtrise du numérique et la mise en lumière de la valeur
ajoutée de ses compétences.
Quels sont les enjeux et les principaux sujets
qui seront traités lors de cet évènement ?
Nous parlerons des grands projets de l’Institution,
au premier rang desquels notre projet de plateforme de factures électroniques,
qui illustre très bien la thématique de l’expert-comptable au cœur des flux.
Nous parlons d’avenir, comme souvent lors d’un congrès. Et comme notre
avenir est lié à l’évolution de la technologie, nous parlerons donc du
numérique, des risques induits par la digitalisation, mais aussi et surtout de
l’impact positif qu’elle peut avoir sur nos activités. Mais nous ne parlerons
pas que de cela, car la volonté de l’équipe de rapporteurs est aussi de parler
de l’humain et de son rôle central dans les changements que nous vivons.
« Maîtriser
les flux de données, les flux d’informations, c’est maîtriser l’économie de
demain ».
Pourriez-vous nous en dire
plus sur l’application Congrès365, une des nouveautés de ce
congrès ?
Congrès365 a pour objectif de proposer à nos consœurs et
confrères une offre évènementielle qui soit une nouvelle expérience
congrès : un lieu de vie et un lien permanent avec les congressistes,
ainsi qu’une optimisation des coûts de participation au congrès au travers
d’une expérience annuelle digitale. Cela se traduira, pendant le congrès, par
la mise en œuvre de trois nouveaux espaces : coworking (afin de
pouvoir s’isoler pour un temps de travail), networking (pour favoriser
la rencontre et l’échange entre confrères autour de problématiques
professionnelles) et conférence room (une salle qui diffusera
simultanément quatre ateliers
parmi les plus demandés ; le congressiste équipé d’un casque sélectionnera
une des quatre diffusions). Cette dernière nouveauté nous permet également de
gérer le manque de places dans les ateliers les plus demandés.
À l’issue du congrès, chaque participant retrouvera dans son espace privé sur
le site du congrès, l’ensemble des supports des ateliers et flashs, la totalité
des ateliers et flashs au format audio ainsi que pour les plus plébiscités les
ateliers au format vidéo. Ainsi, nous augmentons considérablement le retour sur
investissement du congressiste et limitons la « frustration »
des ateliers complets ou du manque de temps qui guette chaque
participant !
Le terme de
« flux » fait immédiatement penser au numérique. En quoi les
nouvelles technologies, et notamment l’IA (machine learning, blockchain,
chatbot, etc.), bouleversent-elles l’activité des professionnels du
chiffre ?
Il ne faut pas non plus prêter à ces technologies
des vertus qu’elles n’ont pas. Il ne se passe pas un jour sans qu’un article traite du sujet et
prédise la fin de l’expertise comptable. A priori, nous en sommes bien
loin ! Toutefois l’expert-comptable doit évidemment tenir compte de ces
nouvelles technologies en les utilisant comme des alliées. Les impacts sont
très positifs, nous allons pouvoir faire beaucoup plus de choses grâce aux
algorithmes et focaliser nos efforts sur notre expertise.
Diriez-vous que
l’expert-comptable d’hier n’est plus du tout celui d’aujourd’hui, et encore
moins celui de demain ? Dans ce cas, n’y a-t-il pas un risque de fracture
entre la nouvelle et l’ancienne génération d’experts-comptables ?
Je pense que cette question est valable pour toutes
les professions, tous les métiers, et même notre société tout entière. Il n’y a
rien de nouveau de mon point de vue. Qu’il y aient des différences
d’appréciation entre les générations me paraît bien naturel. De là à y voir une
fracture entre les générations, je pense que cela est exagéré. Notre
profession, malgré la multiplicité des formes d’exercice, reste une profession
très homogène, avec une culture commune forte, due à notre diplôme. La
particularité de la période que nous vivons est que tout va plus vite, et qu’à
ce titre, les plus jeunes sont sans doute plus impatients que ne l’étaient
leurs aînés au même âge. On constate de très nombreuses créations de cabinets ex
nihilo, c’est sans doute l’un des symptômes de cette « impatience ».
Si on veut mener un projet plus vite, cela peut paraître plus simple de partir
d’une feuille blanche.
Pour préparer ce congrès,
l’Observatoire de la profession comptable a lancé en mars 2019 une enquête
auprès des experts-comptables, mémorialistes et experts-comptables stagiaires.
Sur quels sujets portait-elle ? Quels en sont les principaux
résultats ?
L’étude à laquelle vous faites référence est une
enquête sur les pratiques marketing des cabinets. Elle est encore en cours de
dépouillement et n’a pas pour objet de servir de support au prochain Congrès.
L’objectif de cette étude est de s’interroger sur la « maturité »
des professionnels par rapport au marketing. Nous y reviendrons dans les
prochains mois, car c’est une question essentielle pour l’avenir de nos
structures qui doivent apprendre à mieux « vendre » leurs
prestations, notamment face à la concurrence de certaines plateformes.
La promulgation de la loi
PACTE, le 23 mai dernier, est-elle une bonne ou
une mauvaise nouvelle pour les experts-comptables ? Quels impacts ce texte
va-t-il avoir sur la profession ?
Il est difficile de communiquer positivement sur la
loi PACTE au sein de la profession. En effet, celle-ci restera comme « la
loi qui a relevé les seuils d’intervention du commissaire aux comptes ».
Cela dit, et sans minorer le choc que cela représente pour les professionnels
que nous sommes, nous ne devons pas passer à côté des évolutions qui concernent
l’expertise comptable et qui doivent nous inciter à l’optimisme.
Deux exemples, parmi les nouveautés apportées par la
loi PACTE, me paraissent particulièrement intéressants. Tout d’abord, le mandat
de paiement et de recouvrement, qui nous est dorénavant reconnu, est une
avancée majeure. Avec ce mandat de paiement et de recouvrement, la mission
d’externalisation complète de la fonction administrative de l’entreprise est
désormais possible. Ensuite, pour le développement des missions de conseil, la
possibilité désormais ouverte de facturer des honoraires de succès est, là
aussi, une évolution très positive.
Parallèlement à la loi PACTE, nous avons avancé avec
les pouvoirs publics sur la reconnaissance des compétences spécialisées pour
les experts-comptables. La possibilité qui sera offerte aux experts-comptables
de communiquer sur leurs compétences spécialisées me paraît de nature à faire
changer durablement la perception de l’étendue de nos compétences.
Vous souhaitez que les
experts-comptables en entreprise soient intégrés dans les prochains congrès.
Pour quelles raisons ?
Les diplômés d’expertise comptable salariés en
entreprise vont désormais pouvoir s’inscrire à l’Ordre des experts-comptables.
Nous le souhaitions depuis de nombreuses années, nous l’avons obtenu avec la
loi PACTE. Nous avons le même diplôme, avons des enjeux et des sujets
d’intérêts communs, nous faisons donc partie d’une même communauté
professionnelle. Prévoir une « offre Congrès » pour les
diplômés qui exercent en entreprise me paraît tout à fait cohérent.
Biographie :
Charles-René Tandé, 59 ans, est
diplômé d’expertise comptable depuis 1989. Il a démarré sa carrière au sein de KPMG où il est resté 17 ans à opérer à Paris, dont cinq
ans à la direction de la formation, puis à Strasbourg. En 2001, il devient
associé du cabinet Cogest. Basé
en Alsace, ce cabinet compte quatre associés et 40 collaborateurs.
Charles-René Tandé, a été
président de l’Anecs (Association nationale des experts-comptables stagiaires,
commissaires aux comptes stagiaires et étudiants en comptabilité supérieure) et
de l’Unecs (Union européenne des experts-comptables stagiaires).
Il a présidé le Conseil régional
de l’ordre d’Alsace entre 2002 et
2006.
De 2013 à 2017, il a présidé le syndicat
IFEC après en avoir été le vice-président.
En 2017, il a été élu président
du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables.
Propos recueillis par Myriam de Montis
et Maria-Angélica Bailly