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Entretien avec Frédéric Gabet, nouveau bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis

Entretien avec Frédéric Gabet, nouveau bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis
Publié le 14/01/2019 à 11:47


Frédéric Gabet, avocat à Saint-Ouen, a prêté serment le 29 novembre 1989. Le 1er janvier dernier, il a succédé à Valérie Grimaud à la tête du barreau de Seine-Saint-Denis pour la période 2019-2020, lui qui en a déjà été le bâtonnier en 2005-2006. Quelles sont les priorités de son bâtonnat ? Quel regard porte-t-il sur la réforme de la Justice et sur l’avenir de la profession d’avocat ? Entretien.


 


Pouvez-vous revenir sur votre parcours ? Pourquoi vous êtes-vous présenté au bâtonnat ?


Investi depuis longtemps dans la vie ordinale, j’ai déjà exercé le mandat de bâtonnier de ce barreau en 2005-2006. J’ai également présidé la Commission Accès au Droit de la Conférence des Bâtonniers de 2007 à 2011.


J’ai eu à cœur de mettre à nouveau cette expérience au profit des 600 avocats de mon barreau.


 


Comment définiriez-vous la fonction de « bâtonnier » ? Quelles sont ses principales missions et quelles sont les spécificités du barreau de Seine-Saint-Denis ?


Le barreau de la Seine-Saint-Denis connaît une croissance soutenue et je suis frappé de la qualité et de l’engagement des jeunes avocats qui nous rejoignent chaque année.


Dans ce barreau jeune et dynamique, le bâtonnier a bien sûr un rôle essentiel : il est le confident attentif et bienveillant qui veille en permanence à l’unité du barreau et au respect des principes essentiels de notre profession, c’est-à-dire à notre déontologie. J’ai aussi pour ambition de sauvegarder l’esprit de convivialité et d’altruisme qui caractérisent mon barreau.


Le bâtonnier est aussi, à l’égard de nos partenaires de justice, et, plus largement, à l’égard de tous nos interlocuteurs, la voix de l’Ordre. Et cette voix sera appelée à se faire entendre dans les temps à venir…


 


Sur quelles priorités souhaitez-vous construire votre mandat ? Quelle orientation souhaitez-vous lui donner et, en cette période de mobilisation, quel regard portez-vous sur la réforme de la Justice ?


Cette réforme de la Justice que nous combattons, celle à venir de l’aide juridictionnelle, toutes deux inspirées par des considérations principalement budgétaires, sont autant de sujets de profondes inquiétudes pour des avocats dont l’expérience et les positions sont aujourd’hui au mieux ignorées, au pire méprisées.


Ils le sont d’autant plus pour un barreau comme celui de Seine-Saint-Denis, très orienté vers le droit des personnes et l’activité judiciaire, et viscéralement attaché aux valeurs humanistes qui sont le socle de notre profession.


D’une façon générale, on ne peut qu’observer une évolution mortifère, que l’on nous présente comme inéluctable mais que, fort du soutien de mes confrères, je m’attacherai à combattre : la bunkérisation des cabinets des juges et des greffes dont l’accès nous est interdit, les atteintes toujours plus graves à l’oralité des débats, la déshumanisation de la justice qui résulte de la mise en place croissante de la vidéo-audience ou de la visio-conférence.


 


Numérisations, algorithmes, legaltech… Comment envisagez-vous l’avocat de demain ? Comment souhaitez-vous accompagner la profession vers cette mutation ?


Les avocats ne sont pas opposés à la modernité : ils en sont depuis longtemps des acteurs investis.


Le barreau de Seine-Saint-Denis, en lien avec la juridiction, est même à la pointe de cette évolution technologique, et demandeur d’une généralisation du RPVA, tant dans le domaine civil que pénal.


Pour autant, nous n’accepterons pas d’être confinés aux portes des salles d’audience et invités « à énoncer brièvement nos arguments ».


La profession d’avocat est également confrontée à l’arrivée massive de nouvelles technologies, souvent portées par des acteurs étrangers au monde du droit, qui bouleversent les pratiques et interrogent sur ce que sera la justice de demain, sur l’avenir de nos exercices et celui de ses valeurs essentielles.


L’inquiétude ne nous prémunit pas des dangers qui en résultent. Bien qu’à titre personnel, j’ai toujours éprouvé la plus extrême réticence face à ce développement à bien des égards invasif, je suis pleinement conscient du danger bien plus important encore qui consisterait à négliger ou ignorer cette évolution.


Bien au contraire, il faut nous en emparer et nous inscrire dans ces processus, y imposer des règles et une éthique : les avocats sont par nature « innovants » et la révolution qui s’annonce ne sera pas sans conséquences sur nos exercices.


Je prendrai des initiatives en ce domaine afin que le barreau devienne un partenaire actif dans l’évolution de ces technologies, dans le respect bien sûr de nos principes essentiels.


 


Quel regard portez-vous sur la formation d’avocat telle qu’elle est actuellement ?


La formation des avocats est un sujet récurrent de débats au sein de la profession : la formation continue ne pose pas de difficulté. Les avocats sont, dans leur très large majorité, conscients de la nécessité de se former, de mettre à jour leurs connaissances dans un monde du droit en perpétuelle évolution.


La formation initiale, dans sa réforme en cours, nous renvoie pour partie à des obligations anciennes, celle notamment d’engager sa carrière sous couvert d’un accompagnement à défaut de contrat de collaboration. J’y suis pleinement favorable. En Seine-Saint-Denis, nous accompagnons et encadrons les plus jeunes dans le cadre de dispositifs
sui generis
tel que le tutorat. Nous encourageons et continuerons d’encourager sans relâche nos jeunes à se structurer et à se spécialiser. J’entends non seulement les y appeler, mais également les aider à le faire, leur fournir des outils pour réussir cette évolution essentielle dans un parcours professionnel.


 


Quel autre métier auriez-vous pu exercer et pourquoi ?


Cette profession, que j’aime avec passion, je l’ai choisie pendant mes études universitaires : une carrière de diplomate ou de journaliste sportif m’ont attiré un temps... Je n’ai jamais regretté mon choix.
Je suis, comme tous les avocats de mon barreau, fier d’exercer cette profession dans ce département.


 


Propos recueillis par Constance Périn


 


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