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Entretien avec Jacques Potdevin, président de JPA international

Entretien avec Jacques Potdevin, président de JPA international
Publié le 30/12/2019 à 14:28

Au 1er janvier 2020, les Européens vont appliquer une norme comptable utilisant l’inline extensible business reporting language. Jacques Potdevin, président de JPA international, nous expose ses observations sur ce déploiement imminent.




Monsieur Potdevin, vous êtes président de JPA international. Pouvez-vous nous parler des activités de votre société et de ses implantations ?


JPA est une formation un peu atypique, car c’est un réseau franco-français. Créée en 1987, la structure est aujourd’hui présente dans 72 pays, avec 180 bureaux membres. En 32 ans, elle s’est constituée le vingtième réseau mondial d’audit. La clé de son succès tient au développement de plateformes régionales, partant du principe que les flux principaux d’activité commencent avec des partenaires voisins plutôt qu’aux antipodes. JPA a donc posé des antennes en Amérique du Sud, au Moyen-Orient, en Europe, en Asie, etc. Le maillage aboutit à un résultat tant local qu’international. Les implantations progressent et les dernières se situent dans les pays baltes, dans les Balkans.


 


Le 1er octobre, se sont tenus, à la fédération bancaire française, des débats autour des thèmes de la convergence des normes comptables internationales et de la digitalisation financière. Quels enseignements sont ressortis de ces discussions ?


Les changements accélèrent. Autrefois, la société disposait de temps pour s’y adapter. Aujourd’hui, c’est moins vrai. Concernant la digitalisation de l’information, sujet majeur, les USA ont de l’avance, puisqu’ils ont conçu la mécanique inline extensible business reporting language (iXBRL) à l’origine. L'Europe sy adapte en deux étapues : au 1er janvier 2020 pour les publications au 30 juin 2020 des états financiers ; et en 2022 avec l’ensemble des notes qui accompagnent des comptes annuels.


On peut s’interroger sur le but recherché. Actuellement, pour s’informer sur une société, le curieux consulte son site, charge des fichiers images de plaquettes et les lit pour analyse. Prochainement, en France, le téléchargement se fera sous la forme d’un langage informatique compressé, comme cela se pratique d’ores et déjà aux USA. L’accès à la donnée numérique est alors immédiat, sans recours à une banque d’information lourde.


Rappelons que les IFRS (International financial reporting standards) s’appliquent quasiment dans le Monde entier (plus de cent pays), mais pas aux USA. Les directives européennes imposent que les comptes consolidés soient publiés en IFRS. Les IFRS posent un corps de principes, alors que les US GAAP détaillent la norme ligne à ligne. Cependant, les deux systèmes s’accordent dans beaucoup de domaines, hormis quelques éléments comme les marques ou les goodwill. Ils sont suffisamment similaires pour que des sociétés européennes cotées en Europe qui publient des comptes sur la banque américaine aient l’autorisation de la faire en IFRL. Les américains utilisent déjà iXBRL pour les états financiers et les notes. Les premiers états financiers européens en iXBRL seront publiés en 2020.


 


Les retardataires encourent-ils des risques face aux autorités ?


Désormais, à chaque fois qu’une nouvelle norme IFRS sort pour le praticien, elle sort simultanément dans un format informatique interprétable par tous les types d’ordinateurs capables de lire du langage HTML. Les deux prochaines années seront consacrées aux états financiers dans un premier temps, et ensuite viendra le tour des notes.


Les régulateurs attendent que le système soit en place. Si certaines entités restaient durablement sur un mode de communication ancien, des rappels à l’ordre seraient sans doute émis. Notre monde a besoin de bonnes pratiques et ne peut pas se résumer à un rapport permanent obligation/sanction. La bonne communication financière est primordiale pour qui est coté en bourse. Faute de quoi, les investisseurs n’ont pas confiance et n’achètent pas le titre. Les principes de présentation favoriseront les moyens de comparaison entre les valeurs. Dans l’économie de marché capitaliste, la vente et l’achat d’action dépendent de l’information qu’on en a. Plus l’information est disponible, intelligente sur des systèmes grand public, plus nous allons dans la bonne direction, et finalement, peu importe les obligations. Les compagnies ont compris depuis longtemps que les données et les messages qu’elles mettent à disposition constituent des moyens d’attraction pour les actionnaires.


 


Quel regard portez-vous sur le format unique de reporting européen ? Présente-t-il des différences majeures avec le reporting américain ?


Ils sont très proches. Les oppositions portent sur les valeurs immatérielles (goodwill). Dans les systèmes mondiaux, américains et européens, l’évaluation se pratique annuellement. Les Américains souhaitent rendre obligatoire les amortissements des valeurs immatérielles. Pour le moment, les Européens sont en  contradiction totale avec cette idée. Ce point peut se révéler très significatif, notamment sur la présentation des comptes.


 


La digitalisation des états ne constitue-t-elle pas une opportunité de déployer de nouveaux instruments de mesure et de comparaison ?


Jusqu’à présent, les sociétés produisent des comptes et leurs annexes. Standardiser pour 2022 les notes dans un format unique est un challenge, mais la première phase, celle des états financiers, n’angoisse pas du tout les sociétés. Le nouvel instrument offrira l’essentiel de la communication financière des entreprises accessible par Internet.


La digitalisation facilite les comparaisons. C’est l’instrument du futur, elle accélère la rentrée des données dans un tableur. Elle ne modifie pas le principe de comparabilité, elle l’affine. Les agences de notation et les analystes doivent descendre au niveau du secteur et y appliquer la norme uniformément. Cette dernière est en accès libre sur le Net. Les éditeurs de logiciel d’ici un an ou deux proposeront sans doute des possibilités d’analyses intéressantes.


 


Les acteurs comme JPA international sont impactés. Quelles sont vos préconisations ?


Avant toute chose, il faut s’accorder sur un processus, c’est-à-dire choisir de traiter en interne, externaliser ou encore acheter un programme. On ne constate pas de problème conséquent avec la première étape, excepté le fait qu’elle coûtera apparemment plus cher que les estimations fournies par la Commission européenne. Il importe de la mener intelligemment pour préparer la seconde et arriver à un résultat de présentation d’annexes compréhensibles. La communication financière change. Elle passe d’un système traditionnel à un système moderne digitalisé. Essayons d’être optimistes face à cette mutation et de voir ses bons côtés.


Propos recueillis par C2M


 


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