Avocat, Jean Balan a
prêté serment le 17 janvier 1990. Secrétaire de la Conférence en 1992, il se
présente aujourd’hui à l’élection du bâtonnat du Barreau de Paris pour 2020. Seul
candidat à ne pas se présenter en binôme, il défend « un rôle éminemment politique du bâtonnier de Paris ». Pour le Journal
Spécial des Sociétés, il a accepté de revenir
sur sa vision de la Justice et sur les priorités de son programme. Rencontre.
Quels sont vos sentiments
sur la réforme de la justice ?
Un sentiment de profond malaise. Ce ne sont pas pour
moi des réformes, mais une adaptation à l’air du temps. Une réforme doit
précéder pour être utile. Maintenant, c’est le contraire. Et le rôle de l’avocat
sous influence devient de plus en plus résiduel.
Quels seraient les
priorités de votre mandat ?
Une seule. Endiguer la chute inexorable de notre
influence, de notre poids dans la société, aux jeux du législateur et de
l’opinion publique. La justice est une épée. La manier est un art.
On n’est plus des samouraïs, mais des commerçants du
droit. D’où ma priorité : un rôle éminemment politique du bâtonnier de Paris.
Débarrassé de toutes les tâches administratives, déontologiques, disciplinaires
qui peuvent être déléguées aux membres du Conseil de l’Ordre qui ne manquent ni
de compétences, ni d’énergie, ni de talent, ni de volonté pour les accomplir.
Le bâtonnier doit consacrer toute sa détermination
pour endiguer les tendances actuelles de mainmise sur la justice, notamment
celle très insidieuse qui se dessine d’un gouvernement des juges.
Comment comptez-vous agir
en faveur de la parité ?
Pour être très clair, je trouve absolument
inadmissible qu’à valeur et talent égaux, les femmes soient moins bien payées
que les hommes, et que leurs perspectives de carrière soient diminuées. Par
contre, j’ai toujours été, et je le suis encore, opposé à la parité dans le
domaine électoral.
Je n’ai rien contre le fait que le Conseil de l’Ordre
soit composé à 100 % de femmes, si tel est le choix des électeurs.
Pour prendre l’exemple des élections actuelles, le
choix par les avocats de leurs représentants est automatiquement réduit à la
moitié.
Avec les binômes, il y a sept places à pourvoir et
non quatorze.
Aucun avocat individuel, différent ou contestataire,
ne sera plus jamais dans la possibilité, non seulement d’être élu, mais même de
se représenter.
L’Ordre devient de plus en plus l’objet de convoitise
des grandes structures.
Pour moi, la parité électorale, c’est confondre
l’égalité avec l’égalitarisme. En se donnant bonne conscience tout en
préservant des intérêts.
Quelle est votre plus-value singulière pour
le barreau ?
Même si la modestie n’est pas le trait de caractère le plus remarquable
chez moi, répondre à ça, c’est pour le moins présomptueux. Mais je ne me défile
pas. Concrètement, je fais campagne tout seul. Sans équipe de campagne, sans
même un secrétaire ou un ordinateur. Mon smartphone est mon outil de travail.
J’assume mes positions. Je n’ai aucun plan de carrière, ni de réseaux. Je ne
dois rien à personne, sauf un merci à ceux qui, éventuellement, par leur vote,
m’approuvent.
Donc pas d’arrangements entre amis. Il n’y aura pas de cas Bessis avec
moi.
Est-ce une plus-value ou une manifestation d’orgueil ? À chacun son
opinion.
Comment imagineriez-vous accompagner les
mutations de la profession ?
Je n’imagine pas accompagner les mutations. Si tel était le cas, je ne
me présenterais pas.
J’espère provoquer une mutation. Un retour aux sources. Redevenir des
bâtisseurs du droit, des remparts de la liberté. Craints et respectés non
seulement par le législateur, mais par l’opinion politique également.
On a connu déjà une profonde mutation. Celle de la fusion. J’étais totalement
contre, et beaucoup de grands avocats, de grands cabinets qui faisaient la
gloire de notre profession, regrettent aujourd’hui de ne pas m’avoir écouté.
La fusion à totalement changé la nature de notre profession. De notre
art. Je sais pertinemment que je ne vais pas me faire des amis parmi vos lecteurs
en disant cela. Tant pis, mais c’est ça aussi ma singularité.
Propos recueillis par Cécile Leseur