Du 2 au 5 juin prochains
se déroulera la 115e édition du congrès des notaires,
rendez-vous incontournable pour la profession, sur le thème du droit
international privé. Pour la première fois, l’événement aura lieu hors de
France, à Bruxelles, une des capitales de l’Europe et ville-symbole des
échanges et des coopérations. Maître Marc Cagniart, notaire à Paris et
président du 115e Congrès des notaires, revient pour le Journal Spécial des Sociétés sur les grands enjeux de cet événement.
Pourquoi avoir choisi d’organiser le 115e congrès
des notaires à Bruxelles ?
Je dirais que c’est le choix du thème qui a logiquement entraîné la
décision de franchir les frontières de notre Hexagone, et de proposer aux
notaires de France et d’ailleurs de se retrouver au cœur de l’Union européenne,
à Bruxelles.
Comment vous est venue l’idée du thème de
l’International ? Quels sont les enjeux de ce congrès ?
L’idée m’est venue tout simplement en prenant conscience du nombre
toujours plus important de dossiers comportant un élément d’extranéité, et en
constatant que le droit international privé contemporain n’a plus grand-chose à
voir avec celui que nous avons appris sur les bancs des universités.
L’enjeu essentiel que nous nous sommes assigné est de faire un congrès
pour les notaires et non un congrès savant. Le rapport qui a été diffusé dans
les études en avril est un point complet sur la pratique notariale française du
droit international privé.
Les masters class ont également été conçues pour les notaires et
leurs collaborateurs, et certaines seront animées par des confrères étrangers,
ce qui est une autre nouveauté de ce congrès.
Les propositions qui seront présentées à Bruxelles sont le fruit des
réflexions de praticiens, qui humblement cherchent à améliorer la matière. J’ai
la faiblesse de croire que ce retour de la pratique est de nature à intéresser
les législateurs national et européen. En effet, il faut bien voir que le droit
international privé écrit est un droit récent, et qu’ainsi, les propositions de
la pratique notariale présentent un intérêt certain. L’ensemble de ces travaux
est donc résolument orienté vers le praticien.
En quoi le contexte international impacte-t-il la rédaction de
l’acte notarié ?
L’acte
notarié est le lieu où les situations juridiques internationales trouvent leurs
sièges. Cela peut sembler simple, mais c’est le résultat d’un processus
rigoureux se déroulant en trois phases. Le notaire doit tout d’abord qualifier
la situation juridique, pour ensuite la rattacher au bon système juridique, et
alors seulement il est possible d’authentifier.
À toutes les
étapes de la rédaction de l’acte, de la date en passant par la comparution des
parties ou encore l’élection de domicile, le rédacteur de l’acte doit se poser
des questions et anticiper pour que l’acte soit efficace partout où il sera lu.
Il me semble que c’est l’une des constantes de nos travaux : la recherche
de l’efficacité de l’acte au-delà des frontières.
Quelles sont les évolutions actuelles du droit
international ?
D’un droit
jurisprudentiel confidentiel façonné patiemment au fil des siècles par le juge
et la doctrine, nous sommes arrivés à un droit écrit « industriel ».
Toutes proportions gardées, nous sommes passés de la « haute
couture » au « prêt-à-porter ». Dans ces conditions,
l’application de la norme a besoin des relais que sont les notaires.
Le Brexit va-t-il impacter le travail des notaires ?
Bien sûr, mais sans doute pas comme l’imagine le plus grand nombre. Pour
les notaires, le Brexit ne changera pas directement les normes juridiques à
appliquer, car le Royaume-Uni n’était pas concerné par les règlements de
l’Union européenne, sauf le règlement Bruxelles II bis, mais ce
règlement n’impacte pas directement la pratique notariale.
S’il n’y a
aucun impact au plan juridique, en revanche au plan économique, le Brexit
générera sans doute des arbitrages patrimoniaux et familiaux, et/ou des
déplacements de résidences. Et ces arbitrages et déplacements auront des
conséquences juridiques qui nécessiteront que les notaires qualifient,
rattachent et authentifient !
Que change l’entrée en vigueur des règlements européens sur les
régimes matrimoniaux et patrimoniaux ?
Pour les
couples mariés depuis le 29 janvier 2019 ou les partenaires ayant
enregistré leur partenariat depuis cette même date, et ayant la nationalité ou
ayant fixé leur résidence dans l’un des États membres ayant participé à ces
coopérations renforcées, ces deux règlements apportent une plus grande sécurité
en édictant une règle de conflit commune et en écartant la mutabilité
automatique de la Convention de La Haye de 1978.
On peut sans
doute regretter que le règlement sur les régimes matrimoniaux n’ait pas
conservé la possibilité qu’offrait la convention de La Haye de désigner la loi
de situation des immeubles.
Pensez-vous qu’il existe actuellement une bonne coordination entre
les différents conseils des notaires européens ?
C’est une question qu’il convient de poser aux représentants des
notariats de l’Union européenne, ce que je ne suis pas.
En revanche, je peux témoigner volontiers des nombreux et fructueux
échanges entre les notaires de tous horizons. Chaque notariat a sa culture et
sa tradition qu’il convient de respecter. Et nous avons un dénominateur
commun : c’est l’authenticité !
Quel rôle les notaires peuvent-ils jouer dans la construction de
l’Europe et dans les débats européens ?
Les notaires
ont à l’évidence un rôle à jouer.
D’un côté,
ils reçoivent des missions de l’Europe. L’acte authentique est défini, ses
modalités de circulation sont précisées. Le notaire lui-même est souvent une
autorité et parfois même une juridiction.
De l’autre
côté, les notaires peuvent inspirer l’Europe. Le certificat successoral
européen en est un parfait exemple. Mais au-delà de cet exemple récent, le
congrès sera une illustration de ce que la pratique notariale est devenue une
des sources du droit international privé.
Quel avenir pour la profession ?
Tous les
notaires sont concernés par la multiplication des dossiers comportant un
élément d’extranéité, car ces dossiers sont ceux de leurs clients de toujours.
Relever le défi de l’International est donc une nécessité, mais aussi une
chance d’élargir nos domaines d’activités. L’avenir de la profession passe par
l’International.
Propos recueillis par
Maria-Angélica Bailly