La Compagnie des Alpes est l’un des leaders
français de l’industrie du tourisme et des loisirs, le leader mondial de l’exploitation
de domaines skiables et le quatrième opérateur européen des parcs de loisirs et
loisirs indoor.
Philippe Jutard, son directeur des Affaires
juridiques de l’Audit et du Contrôle Interne Groupe, a accepté de répondre aux
questions du Journal Spécial des Sociétés sur le rôle de la fonction juridique
au sein de l’entreprise.
Quelles sont les principales missions de la
direction juridique au sein de la Compagnie des Alpes ?
La Direction juridique groupe intervient sur l’ensemble des sujets du
droit (sauf le droit social qui relève de la DRH). Nos activités industrielles
relèvent à la fois du droit privé et du droit public, l’exploitation de
domaines skiables se fait par exemple dans le cadre de délégations de service
public (DSP). Nous intervenons par ailleurs en France, mais aussi à l’étranger,
puisque nous opérons sur des sites au Canada, en Autriche, en Suisse, aux
Pays-Bas et en Belgique.
La Direction juridique s’articule autour de deux pôles. Un pôle
corporate, qui regroupe la gestion des deux sociétés cotées du Groupe, la
Compagnie des Alpes et le Musée Grévin (la plus vieille société cotée de France
encore en activité), le droit des sociétés, les opérations de M&A, de
refinancement, la compliance etc. Et un pôle business regroupant
l’ensemble des activités opérationnelles des sites, avec une forte composante
contractuelle (contrats de services, de maintenance, de maîtrise
d’œuvre/d’ouvrage, d’assistance technique), et la gestion des affaires
juridiques générales (contentieux, concurrence, distribution, marques et
brevets, baux commerciaux, communication et publicité, immobilier,
informatique...).
Vos projets sont ancrés dans les territoires.
Quelle part prennent les juristes dans le dialogue avec les pouvoirs
publics ?
Les juristes font partie intégrante de la stratégie de développement
des sites et, de ce fait,
ils interviennent à toutes les étapes de la vie des projets. Les actions du
Groupe s’inscrivent dans le long terme, qu’il s’agisse des DSP (d’une durée de
vie moyenne de 30 ans) ou de nos projets de développement notamment
immobiliers. à titre
d’illustration, lorsque le Parc Astérix a lancé un vaste chantier de
développement hôtelier, pour passer en trois ans de 100 à 450 chambres et
devenir ainsi une véritable destination de séjour, la direction juridique a été
une réelle force de proposition aux côtés des opérationnels afin établir
l’ensemble des jalons nécessaires à la mise en œuvre de la procédure
d’Évaluation Environnementale au titre de l’obtention du permis de construire
(valant aussi permis d’aménager) et à la mise en place de la procédure de
l’autorisation environnementale « unique » valant autorisation de la
loi sur l’eau et autorisation de défrichement.
Cela démontre à quel point une parfaite compréhension des enjeux de
l’ensemble de l’écosystème local et des interactions permanentes avec cet
écosystème sont indispensables à notre ancrage territorial.
La sécurité des centres de loisirs et des
domaines skiables est un enjeu majeur. Comment la fonction juridique
contribue-t-elle à le relever ?
La sécurité est effectivement une priorité absolue du Groupe pour nos
clients bien entendu, mais également pour l’ensemble de nos collaborateurs qui
interviennent régulièrement dans des conditions extrêmes en montagne comme à
des hauteurs vertigineuses en haut des roller coasters de nos parcs. La
sécurité des remontées mécaniques fait l’objet d’une réglementation stricte et
très précise que les juristes doivent maîtriser pour assister les
opérationnels. Au même titre que les métros et tramways par exemple, les
autorisations d’exploitation des remontées mécaniques sont délivrées par le
STRMTG, dépendant lui-même du ministère de la Transition écologique et
solidaire en charge des transports. Quant aux parcs de loisirs, nous devons
faire appel à des organismes indépendants avant chaque ouverture afin qu’ils
nous délivrent les autorisations d’exploiter.
La Compagnie des Alpes ouvre des sites de
loisirs à l’étranger, peut-être bientôt en Chine. Quels sont les enjeux
juridiques liés à ces projets ?
Le développement de la Compagnie des Alpes repose sur une stratégie de
long terme, quel que soit le pays dans lequel nous intervenons ou les modalités
de cette intervention (M&A, partenariat industriel…). Il est donc crucial
de bien appréhender l’ensemble des composantes de l’environnement dans lequel
nous opérons, qu’elles soient culturelles, économiques ou juridiques. Au même
titre que nos équipes opérationnelles et techniques qui imaginent et conçoivent
des sites « sur mesure » bien ancrés dans les territoires, les
juristes doivent bien appréhender les législations locales : cela ne veut
pas dire qu’ils doivent devenir des spécialistes du droit de chacun des pays
concernés, mais plutôt remettre en question leurs réflexes de juriste français
pour les confronter au contexte local et à leurs interlocuteurs. On ne peut
évidemment pas négocier de la même manière en Russie, en Asie ou même plus près
de chez nous, en Autriche. Il faut aussi s’appuyer sur les avocats locaux,
lesquels représentent le plus souvent des atouts de poids dans nos démarches
notamment pour sécuriser la propriété des actifs, la force exécutoire des
accords... Le droit peut d’ailleurs parfois permettre « à lui seul »
d’élaborer une stratégie. Par exemple, avant juillet 2017, une société à
capital majoritairement étranger ne pouvait pas opérer dans les parcs de
loisirs en Chine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui…
Vous avez récemment étendu vos fonctions à
l’audit et au contrôle Interne et intégré le comité exécutif du groupe, comment
expliquez-vous ces évolutions ?
Outre mes fonctions de directeur juridique groupe et de secrétaire des
instances, j’avais d’ores et déjà étendu mon champ d’intervention à la
déontologie et à la lutte anti-blanchiment, avec la volonté marquée d’inscrire
ces fonctions dans le projet de développement du groupe. Aucune de ces
fonctions ne sert à distribuer des bons ou des mauvais points, et il en va de
même pour l’audit et le contrôle interne. Mais chacune avec ses spécificités,
doit être un outil au service de la stratégie en transformant ce qui peut être
perçu comme une contrainte en une opportunité. On ne peut faire coexister au
sein d’un même groupe des fonctions qui contribuent à son développement et
d’autres, qui constitueraient un frein à ce développement.
Ce positionnement s’inscrit plus largement dans une volonté permanente
de respecter nos parties prenantes tels que nos collaborateurs, actionnaires,
clients, partenaires et bien entendu les pouvoirs publics, et de mettre tout en
œuvre pour garantir l’exercice de nos activités, en toute légalité, de manière
pérenne, responsable, transparente et éthique. Le juridique, l’audit et le
contrôle interne ont donc tout naturellement leur place au sein du comité
exécutif du groupe.
Une récente enquête hisse la compagnie des
alpes au rang des entreprises les plus agréables où travailler. Comment ce beau
résultat se traduit-il pour les juristes ?
Le groupe a mis en œuvre depuis quelques années une stratégie de
développement centrée sur la très grande satisfaction de nos clients. Or il est
vite apparu que cette stratégie devait aller de pair avec une politique de très
grande satisfaction de nos salariés, car dans une société de services comme la
nôtre, ces deux axes sont indissociables. À
la direction juridique, nous nous sommes attachés à éliminer autant que
possible tous les petits « irritants du quotidien », et
imaginé un blason réunissant nos valeurs et notre raison d’être derrière
lesquels nous nous retrouvions tous. Puis nous avons développé les interactions
avec toutes les entités du Groupe en instaurant par exemple le principe d’un
« référent juridique » pour chaque projet important, lequel
doit faire appel aux compétences des autres juristes en fonction des besoins et
de l’évolution du projet. Il s’agit là de nos objectifs de l’année, mais le
bien-être au travail n’est jamais définitivement acquis : il nous faut
sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier.
Propos
recueillis par Cécile Leseur