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Entretien avec Philippe Jutard, Directeur des Affaires Juridiques de l’Audit et du Contrôle Interne Groupe de la Compagnie des Alpes

Entretien avec Philippe Jutard, Directeur des Affaires Juridiques de l’Audit et du Contrôle Interne Groupe de la Compagnie des Alpes
Publié le 28/05/2019 à 09:30

La Compagnie des Alpes est l’un des leaders français de l’industrie du tourisme et des loisirs, le leader mondial de l’exploitation de domaines skiables et le quatrième opérateur européen des parcs de loisirs et loisirs indoor.

Philippe Jutard, son directeur des Affaires juridiques de l’Audit et du Contrôle Interne Groupe, a accepté de répondre aux questions du Journal Spécial des Sociétés sur le rôle de la fonction juridique au sein de l’entreprise.


 


Quelles sont les principales missions de la direction juridique au sein de la Compagnie des Alpes ?


La Direction juridique groupe intervient sur l’ensemble des sujets du droit (sauf le droit social qui relève de la DRH). Nos activités industrielles relèvent à la fois du droit privé et du droit public, l’exploitation de domaines skiables se fait par exemple dans le cadre de délégations de service public (DSP). Nous intervenons par ailleurs en France, mais aussi à l’étranger, puisque nous opérons sur des sites au Canada, en Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas et en Belgique.


La Direction juridique s’articule autour de deux pôles. Un pôle corporate, qui regroupe la gestion des deux sociétés cotées du Groupe, la Compagnie des Alpes et le Musée Grévin (la plus vieille société cotée de France encore en activité), le droit des sociétés, les opérations de M&A, de refinancement, la compliance etc. Et un pôle business regroupant l’ensemble des activités opérationnelles des sites, avec une forte composante contractuelle (contrats de services, de maintenance, de maîtrise d’œuvre/d’ouvrage, d’assistance technique), et la gestion des affaires juridiques générales (contentieux, concurrence, distribution, marques et brevets, baux commerciaux, communication et publicité, immobilier, informatique...).


 


Vos projets sont ancrés dans les territoires. Quelle part prennent les juristes dans le dialogue avec les pouvoirs publics ?


Les juristes font partie intégrante de la stratégie de développement des sites et, de ce fait,
ils interviennent à toutes les étapes de la vie des projets. Les actions du Groupe s’inscrivent dans le long terme, qu’il s’agisse des DSP (d’une durée de vie moyenne de 30 ans) ou de nos projets de développement notamment immobiliers. à titre d’illustration, lorsque le Parc Astérix a lancé un vaste chantier de développement hôtelier, pour passer en trois ans de 100 à 450 chambres et devenir ainsi une véritable destination de séjour, la direction juridique a été une réelle force de proposition aux côtés des opérationnels afin établir l’ensemble des jalons nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d’Évaluation Environnementale au titre de l’obtention du permis de construire (valant aussi permis d’aménager) et à la mise en place de la procédure de l’autorisation environnementale « unique » valant autorisation de la loi sur l’eau et autorisation de défrichement.


Cela démontre à quel point une parfaite compréhension des enjeux de l’ensemble de l’écosystème local et des interactions permanentes avec cet écosystème sont indispensables à notre ancrage territorial.


 


La sécurité des centres de loisirs et des domaines skiables est un enjeu majeur. Comment la fonction juridique contribue-t-elle à le relever ?


La sécurité est effectivement une priorité absolue du Groupe pour nos clients bien entendu, mais également pour l’ensemble de nos collaborateurs qui interviennent régulièrement dans des conditions extrêmes en montagne comme à des hauteurs vertigineuses en haut des roller coasters de nos parcs. La sécurité des remontées mécaniques fait l’objet d’une réglementation stricte et très précise que les juristes doivent maîtriser pour assister les opérationnels. Au même titre que les métros et tramways par exemple, les autorisations d’exploitation des remontées mécaniques sont délivrées par le STRMTG, dépendant lui-même du ministère de la Transition écologique et solidaire en charge des transports. Quant aux parcs de loisirs, nous devons faire appel à des organismes indépendants avant chaque ouverture afin qu’ils nous délivrent les autorisations d’exploiter.


 


La Compagnie des Alpes ouvre des sites de loisirs à l’étranger, peut-être bientôt en Chine. Quels sont les enjeux juridiques liés à ces projets ?


Le développement de la Compagnie des Alpes repose sur une stratégie de long terme, quel que soit le pays dans lequel nous intervenons ou les modalités de cette intervention (M&A, partenariat industriel…). Il est donc crucial de bien appréhender l’ensemble des composantes de l’environnement dans lequel nous opérons, qu’elles soient culturelles, économiques ou juridiques. Au même titre que nos équipes opérationnelles et techniques qui imaginent et conçoivent des sites « sur mesure » bien ancrés dans les territoires, les juristes doivent bien appréhender les législations locales : cela ne veut pas dire qu’ils doivent devenir des spécialistes du droit de chacun des pays concernés, mais plutôt remettre en question leurs réflexes de juriste français pour les confronter au contexte local et à leurs interlocuteurs. On ne peut évidemment pas négocier de la même manière en Russie, en Asie ou même plus près de chez nous, en Autriche. Il faut aussi s’appuyer sur les avocats locaux, lesquels représentent le plus souvent des atouts de poids dans nos démarches notamment pour sécuriser la propriété des actifs, la force exécutoire des accords... Le droit peut d’ailleurs parfois permettre « à lui seul » d’élaborer une stratégie. Par exemple, avant juillet 2017, une société à capital majoritairement étranger ne pouvait pas opérer dans les parcs de loisirs en Chine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui…


 


Vous avez récemment étendu vos fonctions à l’audit et au contrôle Interne et intégré le comité exécutif du groupe, comment expliquez-vous ces évolutions ?


Outre mes fonctions de directeur juridique groupe et de secrétaire des instances, j’avais d’ores et déjà étendu mon champ d’intervention à la déontologie et à la lutte anti-blanchiment, avec la volonté marquée d’inscrire ces fonctions dans le projet de développement du groupe. Aucune de ces fonctions ne sert à distribuer des bons ou des mauvais points, et il en va de même pour l’audit et le contrôle interne. Mais chacune avec ses spécificités, doit être un outil au service de la stratégie en transformant ce qui peut être perçu comme une contrainte en une opportunité. On ne peut faire coexister au sein d’un même groupe des fonctions qui contribuent à son développement et d’autres, qui constitueraient un frein à ce développement.


Ce positionnement s’inscrit plus largement dans une volonté permanente de respecter nos parties prenantes tels que nos collaborateurs, actionnaires, clients, partenaires et bien entendu les pouvoirs publics, et de mettre tout en œuvre pour garantir l’exercice de nos activités, en toute légalité, de manière pérenne, responsable, transparente et éthique. Le juridique, l’audit et le contrôle interne ont donc tout naturellement leur place au sein du comité exécutif du groupe.


 


Une récente enquête hisse la compagnie des alpes au rang des entreprises les plus agréables où travailler. Comment ce beau résultat se traduit-il pour les juristes ?


Le groupe a mis en œuvre depuis quelques années une stratégie de développement centrée sur la très grande satisfaction de nos clients. Or il est vite apparu que cette stratégie devait aller de pair avec une politique de très grande satisfaction de nos salariés, car dans une société de services comme la nôtre, ces deux axes sont indissociables. À la direction juridique, nous nous sommes attachés à éliminer autant que possible tous les petits « irritants du quotidien », et imaginé un blason réunissant nos valeurs et notre raison d’être derrière lesquels nous nous retrouvions tous. Puis nous avons développé les interactions avec toutes les entités du Groupe en instaurant par exemple le principe d’un « référent juridique » pour chaque projet important, lequel doit faire appel aux compétences des autres juristes en fonction des besoins et de l’évolution du projet. Il s’agit là de nos objectifs de l’année, mais le bien-être au travail n’est jamais définitivement acquis : il nous faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier.


 


Propos recueillis par Cécile Leseur


 


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