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Fédération internationale de ski - Le recours à l’arbitrage international repose sur le principe du consensualisme

Fédération internationale de ski - Le recours à l’arbitrage international repose sur le principe du consensualisme
Publié le 16/03/2018 à 09:00


Face aux accidents qui peuvent survenir lors des compétitions internationales, les fédérations sportives ont de plus en plus recours aux clauses donnant compétence au Tribunal arbitral du sport. Le but ? Gagner du temps et de l’argent. Pour la Cour de cassation, même si un litige survient trois ans après la conclusion d’une telle clause, l’inscription annuelle d’un athlète à une fédération ne peut en aucun cas, en conditionner la validité. Le recours à l’arbitrage en matière sportive repose sur le consensualisme.


 


Discipline très spectaculaire, reconnue par la Fédération internationale de ski (FIS) depuis 2003, le skicross est devenu une épreuve olympique lors des Jeux d’hiver de Vancouver en 2010. Inspiré des parcours de moto-cross, le principe du skicross est relativement simple mais pas moins dépourvu de risques : les athlètes descendent à quatre un parcours composé de divers éléments artificiels ou naturels tels que des bosses, des courbes relevées ou des tremplins. Les deux concurrents les plus rapides sont qualifiés pour l’étape suivante.


Le 24 janvier 2010, peu avant l’entrée officielle de la discipline dans l’ère olympique, deux participants chutent lourdement alors qu’ils se trouvent, côte à côte, à l’appel d’un saut. Malheureusement, à l’issue de cet accident, les séquelles sont telles qu’elles entraînent une paraplégie pour l’un des deux athlètes. Ce dernier  d’assigner son concurrent ainsi que l’assureur de celui-ci devant le tribunal de grande instance de Grenoble, en réparation des préjudices causés par l’accident.


Les conséquences financières particulièrement lourdes ont incité le sportif dont la responsabilité pouvait être engagée, à former un appel en garantie à l’encontre de la Fédération internationale de ski, en qualité d’organisatrice de la compétition.


Confrontée à cet appel en garantie, la Fédération internationale de ski soulève l’incompétence de la juridiction civile, en invoquant l’existence d’une clause dite compromissoire. Cette clause, lorsqu’elle est insérée dans un contrat, engage les parties à recourir à l’arbitrage pour les différends qui les opposent.


Dans les circonstances de l’espèce, le skieur dont la responsabilité est mise en cause a signé, le 9 janvier 2007, un document intitulé « Déclaration des Athlètes en Relation avec l’Inscription à la FIS » dans lequel se trouvait une clause compromissoire au profit du Tribunal arbitral du sport.

Par ordonnance du 1er décembre 2015, le juge de la mise en état, chargé de veiller au bon déroulement du procès civil, déclare le tribunal de grande instance de Grenoble compétent pour connaître de l’appel en garantie. La cour d’appel de Grenoble, par un arrêt du 11 juillet 2016, confirme l’ordonnance et rejette ainsi l’exception d’incompétence.

Pour fonder leur décision, les juges d’appel se rapportent à l’article 1448 alinéa 1 du Code de procédure civile, qui dispose que « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». Les juges d’appel constateront, d’une part, que le tribunal arbitral du sport n’a pas encore été saisi et concluront, d’autre part, à l’inapplicabilité de la convention.

Pour écarter l’existence de la clause d’arbitrage, les juges d’appel se fondent, d’une part, sur l’inscription des sportifs aux compétitions internationales, d’autre part, sur l’existence de la licence, délivrée annuellement, qui matérialise le droit à la participation aux compétitions. Ainsi, la cour d’appel considère que la « déclaration des Athlètes en relation avec l’Inscription à la FIS », contenant la clause compromissoire, ne s’applique pas à la compétition en cause qui s’est déroulée plus de trois ans après la signature de la déclaration de la clause compromissoire.

Mais, selon la Cour de cassation, en fondant sa décision sur la date de signature de la convention, sur les cotisations, les inscriptions et le calendrier des compétitions, les juges d’appel ont dénaturé les termes clairs et précis du document, en tentant de l’interpréter.

En rapprochant la souscription annuelle de la licence à la « déclaration des Athlètes » prévoyant la clause compromissoire, les juges du fond ont fait un amalgame inapproprié. En effet, même si le règlement de la FIS prévoit la délivrance des licences chaque année, cette annualité ne saurait avoir une quelconque influence sur une convention d’arbitrage signée plusieurs années auparavant. Il est clair qu’en fondant leur décision sur l’annualité, les juges d’appel ont interprété la convention au regard d’un critère manifestement superflu.


Cette décision vient confirmer le principe du consensualisme lors de la conclusion d’une convention d’arbitrage. Fruit du consentement, le recours à l’arbitrage ne peut être interprété qu’au regard de la volonté des parties.



Cour de cassation, 1re Civ., 11 octobre 2017 – Pourvoi n° 16-24.590

Exposé du litige

Lors d’une compétition internationale de skicross, deux concurrents entrent en collision. L’un des deux participants chute lourdement sur le dos. Ses blessures entraîneront sa paraplégie.


La victime assigne son concurrent et sa compagnie d’assurance devant le tribunal de grande instance de Grenoble en réparation des préjudices causés par l’accident. Le sportif dont la responsabilité est mise en cause forme un appel en garantie à l’encontre de la Fédération internationale du ski qui soulève l’existence d’une clause compromissoire au profit du Tribunal arbitral du sport.

La cour d’appel de Grenoble, le 11 juillet 2016 :

a déclaré le tribunal de grande instance compétent pour connaître de l’appel en garantie à l’encontre de la Fédération internationale de ski.

La Fédération internationale de ski forme un pourvoi contre l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Grenoble.


Motifs de la décision

Sur l’exception d’incompétence

Aux termes de l’article 1448 alinéa 1 du Code de procédure civile, lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

En l’espèce, un document intitulé « Déclaration des Athlètes en Relation avec l’Inscription à la FIS » a été signé par le sportif dont la responsabilité est mise en cause le 9 janvier 2007. Pour les juges d’appel, il ressort de la lecture même du document qu’il est manifestement inapplicable au litige résultant d’un accident survenu au cours d’une compétition internationale le 24 janvier 2010. En effet, par son intitulé, la déclaration invoquée serait en lien avec l’inscription du sportif à la Fédération internationale de ski. L’inscription à la FIS étant effectuée annuellement, la licence étant également acquittée selon la même périodicité, la clause invoquée ne s’appliquerait pas à la compétition en cause.

La cour d’appel indique, en outre, que selon l’article 1 443 du Code civil, ladite clause doit être écrite. Or, les juges relèvent qu’elle n’est justifiée que dans la déclaration d’athlète pour 2007, alors que les licences autorisant la participation aux compétitions de la FIS sont annuelles. Ainsi, eu égard au fait que l’accident soit survenu en 2010, il n’est aucunement établi que le sportif ait adhéré à une clause arbitrale pour cette année-là. Enfin, les juges d’appel relèvent que la FIS ne démontre que le Tribunal arbitral du sport a été saisi.

Pour autant la haute juridiction indique qu’en déclarant que la clause compromissoire « ne s’applique pas à la compétition en cause, qui s’est déroulée plus de trois ans après la signature de la déclaration qui contient la clause compromissoire », la cour d’appel a violé l’article 1148 alinéa 1 du Code de procédure civile.

Enfin, la Cour de cassation estime que les juges d’appel ont dénaturé les termes clairs et précis du règlement pour le calendrier, les cotisations et l’inscription à la FIS, en considérant que la clause compromissoire devait être regardée en lien avec l’inscription annuelle à la FIS.


Par ces motifs

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble rendu le 11 juillet 2016 et renvoie les parties devant la cour d’appel de Paris.

Madame Anne-Marie Batut, présidente

Monsieur Patrick Sassoust, avocat général



 


 


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