Les travaux relatifs au premier chantier des États
généraux de l’alimentation, dédiés à la création et à la répartition de la valeur
au sein de la filière agroalimentaire, ont pris fin le 11 octobre dernier avec
le discours prononcé à Rungis par le président de la République. Les débats qui
ont mobilisé l’ensemble des acteurs de la filière (producteurs, industriels, distributeurs
et consommateurs) ont débouché sur une volonté commune de recréer de la valeur,
notamment en rendant les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs
pour les agriculteurs (« le juste prix payé »), en mettant un terme à la guerre
des prix (passer des prix « prédateurs » aux « prix responsables »), et en réinstaurant,
par des règles de contractualisation pluriannuelle des relations et une
responsabilisation des acteurs de la filière, une confiance mutuelle.
Alors que les attentes se trouvaient tournées vers la
promulgation d’une loi applicable aux négociations 2018 (lesquelles démarrent
le 1er novembre prochain), le discours de Rungis, présenté par certains comme le
plan Marshall pour « la ferme France », prend la nature d’une feuille de route
fixant les engagements devant être réalisés par les organisations de
producteurs et les filières interprofessionnelles en tant que préalable à la
mise en oeuvre d’une réforme qui ne verra au mieux le jour qu’au cours du
premier semestre 2018.
Au rang des satisfactions par rapport aux attentes
exprimées figurent notamment la volonté :
• de donner, concernant la négociation commerciale,
l’initiative et la main aux producteurs (via leurs organisations
professionnelles), lesquels proposeront à leurs partenaires des contrats types
pluriannuels (3 à 5 ans) et un prix de vente établi à partir des coûts de
production et des indicateurs de marchés et non plus en fonction du prix
d’achat par le consommateur ;
• de revaloriser le seuil de revente à perte des
produits alimentaires et de renforcer l’encadrement des pratiques
promotionnelles ;
• de renforcer le rôle et/ou les missions de
l’Observatoire de la formation des prix et des marges, de l’Autorité de la
concurrence et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes.
Mais certaines craintes demeurent. Ainsi, notamment la
réforme et les aides apportées par l’État qui y sont associées (plan
d’investissement agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans cofinancé par
l’État) ne seront mises en oeuvre que sous la condition préalable de la
capacité des producteurs agricoles à s’organiser – par filière – de façon à ce
que d’ici la fin de l’année 2017 une réflexion globale concernant la
construction des prix soit conduite, un engagement sur des plans de qualité
soit pris, des contrats types et des plans de restructuration chiffrés à cinq
ans adaptés aux débouchés, tant en France que concernant le marché mondial,
soient élaborés.
La volonté de mener la réflexion au stade de
l’interprofession (intégrant les distributeurs) et la difficulté déjà
rencontrée d’identifier (et de faire appliquer) des référentiels d’évaluation
des prix de production et de prix de marché dans un marché aussi hétérogène et
instable que celui du monde agricole, rendent incertaine l’atteinte de tels
objectifs. Parmi les écueils figurent également la conformité au regard des
dispositions du droit de la concurrence de l’élaboration, au sein des
organisations, de la politique de prix et de régulation des volumes, et l’obtention
de l’accord des parties sur les modalités de mise en oeuvre des principes ayant
donné lieu à consensus.
Désireuses d’appliquer aux négociations commerciales 2018
l’esprit qui a présidé aux travaux, plusieurs fédérations ont proposé
l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques reprenant les principes et
valeurs issus des débats. Ainsi, l’adhésion à cette charte constituera-t-elle
un premier baromètre de la volonté et de la capacité des acteurs à s’inscrire
dans le cadre du plan de campagne défini pour la filière agroalimentaire française.
Dominique
Ferré et Philippe Vanni
Avocats
Associés, Département Distribution Concurrence,
Cabinet
Fidal