JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Fin du premier chantier des états généraux de l’alimentation - Quel bilan pour les négociations entre les producteurs, industriels et distributeurs ?

Fin du premier chantier des états généraux de l’alimentation - Quel bilan pour les négociations entre les producteurs, industriels et distributeurs ?
Publié le 10/12/2017 à 09:00


Les travaux relatifs au premier chantier des États généraux de l’alimentation, dédiés à la création et à la répartition de la valeur au sein de la filière agroalimentaire, ont pris fin le 11 octobre dernier avec le discours prononcé à Rungis par le président de la République. Les débats qui ont mobilisé l’ensemble des acteurs de la filière (producteurs, industriels, distributeurs et consommateurs) ont débouché sur une volonté commune de recréer de la valeur, notamment en rendant les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs (« le juste prix payé »), en mettant un terme à la guerre des prix (passer des prix « prédateurs » aux « prix responsables »), et en réinstaurant, par des règles de contractualisation pluriannuelle des relations et une responsabilisation des acteurs de la filière, une confiance mutuelle.

 

Alors que les attentes se trouvaient tournées vers la promulgation d’une loi applicable aux négociations 2018 (lesquelles démarrent le 1er novembre prochain), le discours de Rungis, présenté par certains comme le plan Marshall pour « la ferme France », prend la nature d’une feuille de route fixant les engagements devant être réalisés par les organisations de producteurs et les filières interprofessionnelles en tant que préalable à la mise en oeuvre d’une réforme qui ne verra au mieux le jour qu’au cours du premier semestre 2018.

 

Au rang des satisfactions par rapport aux attentes exprimées figurent notamment la volonté :

• de donner, concernant la négociation commerciale, l’initiative et la main aux producteurs (via leurs organisations professionnelles), lesquels proposeront à leurs partenaires des contrats types pluriannuels (3 à 5 ans) et un prix de vente établi à partir des coûts de production et des indicateurs de marchés et non plus en fonction du prix d’achat par le consommateur ;

• de revaloriser le seuil de revente à perte des produits alimentaires et de renforcer l’encadrement des pratiques promotionnelles ;

• de renforcer le rôle et/ou les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, de l’Autorité de la concurrence et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

 

Mais certaines craintes demeurent. Ainsi, notamment la réforme et les aides apportées par l’État qui y sont associées (plan d’investissement agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans cofinancé par l’État) ne seront mises en oeuvre que sous la condition préalable de la capacité des producteurs agricoles à s’organiser – par filière – de façon à ce que d’ici la fin de l’année 2017 une réflexion globale concernant la construction des prix soit conduite, un engagement sur des plans de qualité soit pris, des contrats types et des plans de restructuration chiffrés à cinq ans adaptés aux débouchés, tant en France que concernant le marché mondial, soient élaborés.

 

La volonté de mener la réflexion au stade de l’interprofession (intégrant les distributeurs) et la difficulté déjà rencontrée d’identifier (et de faire appliquer) des référentiels d’évaluation des prix de production et de prix de marché dans un marché aussi hétérogène et instable que celui du monde agricole, rendent incertaine l’atteinte de tels objectifs. Parmi les écueils figurent également la conformité au regard des dispositions du droit de la concurrence de l’élaboration, au sein des organisations, de la politique de prix et de régulation des volumes, et l’obtention de l’accord des parties sur les modalités de mise en oeuvre des principes ayant donné lieu à consensus.

 

Désireuses d’appliquer aux négociations commerciales 2018 l’esprit qui a présidé aux travaux, plusieurs fédérations ont proposé l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques reprenant les principes et valeurs issus des débats. Ainsi, l’adhésion à cette charte constituera-t-elle un premier baromètre de la volonté et de la capacité des acteurs à s’inscrire dans le cadre du plan de campagne défini pour la filière agroalimentaire française.

 

Dominique Ferré et Philippe Vanni

Avocats Associés, Département Distribution Concurrence,

Cabinet Fidal

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