Un décret publié au JO du 25 juillet impose notamment aux
entreprises, dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, de rendre
accessibles leurs sites et autres applications sous peine de sanction.
Alors que le handicap a été élevé au rang de priorité du quinquennat par
l’actuel gouvernement, le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019, pris pour l’application de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 dite « loi handicap », et dans le cadre de la transposition de
la directive européenne de 2016 relative à
l’accessibilité des sites Internet et des applications mobiles des organismes
du secteur public, a été publié au JO du 25 juillet 2019.
De quoi s’agit-il ? Il faut tout d’abord préciser que la rédaction
actuelle de l’article 47 de la « loi handicap » résulte des articles 106 de la loi du 7 octobre 2016 pour une
République numérique et 80 de la loi du
5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Alors que l’article 106 de la loi pour une République numérique rappelle le
périmètre de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 (les services de communication au public en ligne des services de
l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en
dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées), il élargit cette
obligation aux organismes privés délégataires d’une mission de service public
et aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède « un seuil défini
par décret ».
Ce nouveau décret du 24 juillet
vient donc (notamment) définir ce seuil de chiffre d’affaires à partir duquel
une entreprise est soumise à une obligation légale d’accessibilité numérique.
Verdict ? Sites Internet, progiciels, applications mobiles et mobilier
urbain numérique (abribus digitalisés, bornes d’information, etc.) : les
entreprises générant un chiffre d’affaires annuel de 250 millions d’euros sont désormais sommées de rendre accessibles leurs
services en ligne aux personnes en situation de handicap. Concrètement, toute
personne doit donc pouvoir utiliser leurs outils web.
Le décret précise également l’obligation de publier une déclaration
d’accessibilité dont il précise le contenu et impose de suivre le RGAA,
référentiel général d’accessibilité pour les administrations, qui fixe les
modalités techniques de mise en œuvre de ces obligations.
Des contenus et des acteurs
exemptés
Toute une liste de contenus est cependant exemptée de l’obligation
d’accessibilité, notamment les contenus audio et vidéo préenregistrés publiés
avant le 23 septembre 2020, les contenus audio et vidéo diffusés en
direct, ou encore les services de cartographie en ligne. On remarquera qu’il
s’agit pourtant de supports massivement utilisés et développés.
Par ailleurs, le décret évoque la notion de « charge
disproportionnée », qui permet à un organisme de ne pas mettre en
conformité avec le référentiel d’accessibilité ses sites et autres
applications, notamment si « [s]a taille, [s]es ressources et [s]a
nature (...) ne lui permettent pas d’assurer » la mise en
accessibilité de tout ou partie de ses contenus, ou encore si cette
accessibilité n’est pas pertinente eu égard au service rendu aux usagers. Dans
un avis (défavorable) rendu en avril, le CNCPH (Conseil national consultatif
des personnes handicapées) avait d’ailleurs regretté que les critères de cette
charge soient « si étendus » : « Non seulement
son appréciation est renvoyée à un texte ultérieur, mais les motifs mentionnés
laissent la possibilité à tout acteur ne souhaitant pas prioriser
l’accessibilité de le faire. »
Délai pour se mettre en
conformité
Les entreprises disposeront d’un certain délai pour se conformer aux
obligations prévues. Elles auront ainsi jusqu’au 1er octobre 2019 pour les sites Internet, intranet et extranet créés à compter de cette
même date, jusqu’au 1er octobre 2020 pour les sites Internet, intranet et extranet créés avant le 1er
octobre 2019, et jusqu’au 1er juillet 2021 pour les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain
numérique.
Les autres organismes concernés par le décret auront quant à eux
jusqu’au 23 septembre 2019 pour les
sites Internet, intranet et extranet créés depuis le 23 septembre 2018, jusqu’au 23 septembre
2020 pour les sites Internet, intranet et extranet créés avant
le 23 septembre 2018, et jusqu’au 23 juin 2021 pour les applications mobiles, les progiciels et le
mobilier urbain numérique.
Une sanction administrative
prévue
Le texte prévoit enfin des sanctions : une amende annuelle de 20 000 euros jusqu’à mise en conformité, ou de 2 000 euros pour certains organismes (à l’instar des communes
de moins de 5 000 habitants).
Toutefois, il ne s’agit que d’une sanction de « dernier recours ».
En effet, avant d’en arriver là, en cas de défaut de conformité, l’entreprise
ou l’organisme est informé(e) et invité(e) à justifier les « motifs de
sa défaillance » dans un délai de trois mois, qui peut être prorogé de
deux mois. En cas de bonne foi et de motifs justifiés, un délai supplémentaire
de trois mois maximum pourra lui être accordé pour se mettre en conformité,
soit pour prononcer la sanction administrative.
Par ailleurs, si le décret introduit une sanction financière, cette
dernière paraît cela dit peu dissuasive, surtout considérant la taille des
entreprises concernées. Ainsi, en comparaison, par exemple, en cas de
non-conformité au RGPD (Règlement général sur la protection des données), les
entreprises s’exposent à des sanctions financières considérables : jusqu’à
20 millions d’euros ou 4 % du chiffre
d’affaires mondial. Autrement plus incitatif.
D’autant que le CNNum (Conseil national du numérique) avait déploré, en
mai dernier, face au projet de décret, que « la sanction ne porte pas
sur le respect ou non des standards d’accessibilité, mais uniquement sur la
présence ou non, sur le site, de la déclaration d’accessibilité. La nuance est
technique mais importante : un site peu accessible sera déclaré conforme
s’il l’a bien affiché. »
Bérengère
Margaritelli