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IDF : les millennials continuent de plébisciter la propriété immobilière… Mais pas à n’importe quelle condition

IDF : les millennials continuent de plébisciter la propriété immobilière… Mais pas à n’importe quelle condition
Publié le 29/11/2019 à 16:34

Comme ses aînés avant elle, la propriété immobilière séduit la génération Y francilienne, désireuse d’investir. Enfin, seulement si le logement « s’adapte à la vie qu’ils mènent et non l’inverse », a précisé la journaliste Virginie Grolleau au Club du Châtelet, le 9 octobre dernier à Paris. Rencontre lors de laquelle le notaire Jean-François Sagault et le directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » à l’IFOP, Jérôme Fourquet, ont également apporté leur analyse. 


Les millennials d’Île-de-France veulent-ils encore devenir propriétaires ? Dans une société en pleine mutation, au cœur d’un Grand Paris où les prix s’envolent toujours plus, le sacro-saint accès à la propriété pourrait avoir perdu de son prestige, pour ces franciliens nés dans une fourchette d’une quinzaine d’années avant le tournant du millénaire.

Organisateur d’une série de conférences sous la houlette de la Chambre des notaires de Paris, le Club du Châtelet organisait le 9 octobre dernier une rencontre dédiée à ce « concept de l’ancien monde » qu’est l’achat immobilier face à la génération Y. Si « un simple critère d’âge ne saurait considérer qu’il existe un ADN commun ou des réactions systématisées » sur la question, a estimé le notaire Jean-François Sagault, cette génération, au cœur du boom économique, « compte et comptera de plus en plus ». 

 Les 30-34 ans en force sur le marché 

Objectif, donc, pour les professionnels du secteur : adapter l’offre à la demande. Pour cela, des études réalisées chaque année permettent d’avoir une idée assez fine de la typologie et de la sociologie des nouveaux acquéreurs. 


Surprise : alors qu’on les présente souvent comme réfractaires à l’idée de propriété, les millennials franciliens ont pourtant une forte présence sur marché immobilier, démontre une étude réalisée à partir des données immobilière de la base BIEN. Jean-François Sagault l’a souligné : les 30-34 ans sont même les acquéreurs de logements en Île-de-France les plus nombreux et représentent 37 000 acheteurs sur un total de 198 000. Les 25-29 ans figurent également au top 3 (juste après les 35-39 ans). Les statistiques indiquent que leur choix se porte en majorité sur des appartements anciens (56 %), bien avant les maisons anciennes (26 %) et les appartements neufs (17 %). « Si l’on fait un bond de 20 ans en arrière, c’est un taux assez constant, a observé le notaire. Il y a toujours une appétence particulière pour les appartements anciens : le choix d’aller en maison se fait plutôt aux alentours de la quarantaine, quand la famille s’agrandit et que l’on sature d’une vie trop urbaine. » On constate toutefois un glissement en termes de localisation puisque désormais, en la matière, petite couronne et grande couronne sont au coude à coude, excepté chez les moins de 25 ans, où la grande couronne rencontre presque deux fois plus de succès. À l’inverse, Paris attire seulement 15 % des millennials franciliens, quand elle attire davantage les catégories au-delà de 45 ans. « En 1998, à 30 ans, on achetait davantage intra-muros et la petite couronne était moins prisée, ce qui va peut-être déplacer la pression sur les exigences de logements dans ces banlieues », a considéré Jean-François Sagault. 


Les prix sont bien évidemment en cause : aujourd’hui, les 30-34 ans qui achètent à Paris déboursent en moyenne 9 000 euros au m², contre 6 000 euros au m² dans les Hauts-de-Seine. 


En revanche, particularité notable, les moins de 25 ans achètent plus cher dans le neuf que leurs aînés (25-35 ans). « On y voit un effet coup de pouce des parents qui croient plutôt au neuf », a commenté Jean-François Sagault. Ce dernier a précisé que la génération Y conservait son bien entre un et quatre ans pour les 25 et 29 ans, ou encore entre trois et six ans pour les 30 et 34 ans. Des chiffres qui croissent ensuite en même temps que l’âge des Franciliens. 


Bilan : cette étude révèle des « réflexes pas si disruptifs », a jugé le notaire. « Si sur toute une série de marchés, comme l’automobile, les pratiques de non-possession augmentent beaucoup, le secteur immobilier semble donc être sanctuarisé », a observé Jérôme Fourquet, analyste politique et directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » à l’IFOP.

 


« Un grand scepticisme » qui mène à investir


L’achat immobilier a donc toujours la cote, et ces chiffres croisent les résultats d’une enquête Notaires Grand-Paris IFOP menée mi-septembre sur un échantillon de 1 000 Franciliens de la génération Y, présentée par l’analyste. En effet, 80 % des sondés ont une bonne image de la propriété immobilière – quoique, sans surprise, plus l’on habite une surface importante, plus l’on est bienveillant vis-à-vis de cette notion. À noter toutefois qu’une majorité d’entre eux affirment en outre qu’il est plus difficile d’avoir accès à la propriété aujourd’hui que par le passé, et la quasi-totalité admettent qu’il est notamment très compliqué de devenir propriétaire en région parisienne. Beaucoup considèrent à ce titre que cela est « réservé à une élite ». 


Quelles sont alors les raisons de cet engouement qui ne s’essouffle pas ? « Quand on leur demande à quoi ils associent spontanément la propriété immobilière, investissement, sécurité et accomplissement apparaissent parmi les premières réponses données, avant l’endettement, le privilège ou le fantasme », a noté Jérôme Fourquet.


Alors que 67 % des sondés font part d’un désir d’achat immobilier dans les prochaines années, c’est d’abord en vue d’une constitution de capital, d’un placement financier ou d’une transmission. Ainsi, si 6 sur 10 parmi les futurs acheteurs souhaitent acquérir un bien pour établir leur résidence principale, ils sont 28 % à envisager un investissement locatif.


En cause : « un grand scepticisme », a observé l’analyste. « Les millennials ont des inquiétudes et des interrogations sur la solidité du système financier, eux qui ont vécu de plein fouet la crise de 2008, qui a rendu complexe l’entrée sur le marché du travail. » Dans un univers qui manque de piliers structurants et d’éléments de réassurance, l’immobilier peut donc donner cette stabilité, a estimé l’analyste. Un point de vue partagé par la journaliste Virginie Grolleau, qui a ajouté que bien que la génération Y « n’envisageait pas l'avenir ni la retraite de la même façon que leurs parents », elle avait toutefois « intégré que le fait d’accéder à la propriété restait une forme de capitalisation, et que cela était plus intéressant pour eux que de rester locataire ».


Un logement qui s’adapte à moi, sinon rien


L’acquisition immobilière, oui, mais pas à tout prix, et sous conditions, a toutefois nuancé Virginie Grolleau, car le logement n’est plus du tout conçu comme il l’était par les générations précédentes. Selon la journaliste, ce dernier est en effet perçu « de manière plus large et souple », dans la mesure où il est possible d’y travailler, d’y créer sa start-up, d’y recevoir, d’y vivre ou encore de le louer sur un site de location touristique.


« Le logement est perçu comme une “boîte” dans laquelle ils investissent, et il va falloir que cette dernière s’adapte à la vie qu’ils mènent et non l’inverse », a rapporté Virginie Grolleau.


Alors que les destinations et les usages sont historiquement très encadrés, cette classification est très nettement battue en brèche aujourd’hui, a fait remarquer cette dernière. Pour la génération Y, ce n’est donc plus le logement qui est au cœur de projets de vie, mais ce sont les projets de vie auxquels le logement doit s’adapter, a-t-elle développé. Il est donc un élément parmi d’autres : s’il ne convient pas, tant pis.


En outre, la génération Y voit désormais le logement comme « un produit de consommation, dans un quartier qui est lui-même une espèce d’unité de consommation : il faut une école, des commerces, un parc, une salle de sport, etc. », a observé Virginie Grolleau, notamment du fait des changements des repères : la qualité de vie mais aussi l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle sont assez différents de ce que l’on a connu jusqu’à présent, a jugé cette dernière. « C’est d’ailleurs une génération qui a décidé qu’elle ne sacrifierait pas tout, ni à son travail, ni à son logement, d’où le recours à des systèmes alternatifs », et notamment le succès croissant d’Airbnb, a-t-elle ajouté, qui, pendant ses congés, par exemple, permet ainsi de payer ses charges.


Achat temporaire dans un « contexte de mobilité accrue »


Le logement apparaît également davantage temporaire, puisque bouger effraie beaucoup moins les millennials, dans un contexte de mobilité accrue, a souligné la journaliste, eu égard, par exemple, à la multiplication des séjours plus ou moins longs à l’étranger, au CDI qui n’occupe plus forcément la première place dans le cœur des millennials – tout en restant un précieux sésame pour accéder à la propriété – (on privilégiera par exemple des missions en CDD sur tel ou tel projet), mais aussi aux parcours personnels « plus variés, plus hachés, plus en mouvement que sur les générations précédentes ». 


En Île-de-France, la mobilité se combine à un marché immobilier où de nombreux biens sont disponibles et où la densité de la population permet ce mouvement, a soulevé Jérôme Fourquet. Le turn over y est, par conséquent, très important. L’INSEE constate par exemple d’un recensement à l’autre qu’en Île-de-France, le turn over est de l’ordre de 15 à 30 % de la population, ce qui est « colossal, et pas forcément aussi développé en province », a commenté l’analyste. 


Toutefois, les envies d’ailleurs débordent largement de la région. À la question « Où souhaiteriez-vous habiter d’ici dix ans ? », la moitié des sondés pour l’étude Grand Paris - IFOP répondent ainsi « dans une autre commune », dont 60 % hors d’Île-de-France. Seuls 30 % indiquent se projeter toujours dans leur commune actuelle, et 20 % indiquent qu’ils n’en ont aucune idée. « Ce qui conditionne le souhait de partir, c’est la volonté de bénéficier d’une meilleure qualité de vie pour une majorité de personnes, être plus proche de la nature, puis avoir un logement plus grand », a indiqué Jérôme Fourquet, qui a déploré « une aspiration à la fuite » malgré les capacité des grandes métropoles à attirer des talents : « Il faut les garder, les fidéliser ! »

 

Bérengère Margaritelli


 


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