Jugé froid
et impersonnel par les uns, fonctionnel et indispensable par les autres, le
nouveau tribunal de Paris a été inauguré le
16 avril dernier avec les deux premières audiences au tribunal civil. Se
voulant le symbole d’une justice moderne – celle du XXIe siècle – le
colosse de verre situé dans le 17e arrondissement, dans le quartier
des Batignolles, crée déjà la polémique.
Alors qu’à Paris, cela faisait plusieurs siècles que le Palais de justice
était installé au cœur de la capitale, il quitte désormais l’île de la Cité et
ses murs historiques pour centraliser ses services non loin du périphérique,
dans le 17e arrondissement, au Nord-Ouest de la ville. « Répartie
sur plus de vingt-cinq sites, la juridiction parisienne n’était plus en mesure
de relever les défis de la justice du XXIe siècle. » ont
conjointement déclaré François Molins et Jean-Michel Hayat, respectivement
procureur de la République et président du TGI. « Le regroupement de
tous les services devenait indispensable tant pour garantir un accueil de
qualité aux justiciables que pour améliorer les conditions d’exercice de la
justice » ont-ils poursuivi.
Perçu pour le ministère de la Justice comme la « réponse adaptée
à la saturation du Palais de justice historique », ce tribunal se
révèle comme « une référence majeure des transformations attendues en
matière d’accueil des justiciables et de fonctionnement des juridictions pour
un service public de la justice simplifié et plus efficace ».
Aussi, le 16 avril dernier, se sont tenues les deux premières
audiences du tribunal civil, dans ce bâtiment de verre imaginé par Renzo Piano
– à qui l’on doit notamment, avec Richard Roger, la réalisation du musée
Beaubourg – faisant de cette bâtisse de 160 mètres le
deuxième bâtiment le plus haut de la capitale, derrière la tour Montparnasse
(210 mètres).
Quelles juridictions aux
Batignolles ?
Le nouveau bâtiment situé porte de Clichy rassemble de nombreuses
juridictions : le Parquet national financier, le tribunal de grande
instance de Paris, le tribunal des affaires de Sécurité sociale, le tribunal de
police. Il fusionne également les vingt tribunaux d’instance en une juridiction
unique compétente sur les vingt arrondissements de Paris, pour former au total
le plus grand centre judiciaire d’Europe. La cour d’appel et la Cour de
cassation demeurent, quant à elles, sur l’île de la Cité.
Crédit :
© Jean-Baptiste Gurliat/Mairie de Paris
Un partenariat public/privé
Avec la signature du contrat de Partenariat et la
présentation du projet, le 15 février 2012 marque le lancement du futur tribunal de Paris. Arélia, société
constituée spécifiquement pour la réalisation du tribunal, a pour actionnaires
notamment les sociééts Bouygues Bâtiment Île-de-France et Bouygues E´nergie Services.
Malgré la suppression des partenariats public/privé jugés trop coûteux
par la garde des Sceaux, celui-ci devrait pourtant s’étendre jusqu’en 2044,
puisque le contrat de partenariat portait sur la conception, la construction, le
financement, l’entretien et la maintenance du futur tribunal durant 27 ans.
« Le nouveau palais de justice va servir à être le lieu qui
permettra de rendre une justice apaisée. » déclarait
Nicole Belloubet le 16 avril dernier sur France Culture. L’apaisement n’est
toutefois pas au rendez-vous chez les avocats qui s’insurgent contre les box
vitrés présents dans le tribunal correctionnel.
Les « cages de
verre » font polémique
Dans une lettre datée du 13avril
adressée à la ministre de la Justice, le Conseil national des barreaux (CNB)
conteste en effet la présence des cages de verre dans les salles d’audience
correctionnelles du nouveau tribunal. « Sous couvert d’une prétendue
sécurité, il s’agit en réalité d’économiser des escortes policières »
assure le barreau de Paris qui a lui aussi fait part de sa consternation. « Nous
ne ferons pas l’économie de la dignité des justiciables qui doivent pouvoir
librement communiquer avec leur avocat » poursuit-il en assurant avoir
déjà alerté le Défenseur des droits à ce sujet, qui « recommande de renoncer
à la comparution systématique et généralisée dans des box sécurisés des
personnes prévenues ou accusées lorsqu’elles sont détenues ».
En effet, « ce
nouveau symbole national de la justice du XXIe siècle voulu par les
pouvoirs publics, ne peut pas imposer aux justiciables et aux avocats des
salles d’audience équipées de "cages de verre" »
affirme le CNB. Jugeant ces box isolants et stigmatisants pour le prévenu alors
éloigné de son avocat, l’instance représentative des avocats y voit une « atteinte
intolérable à la présomption d’innocence et aux droits de la défense »,
tout comme la Conférences des bâtonniers, l’ordre des avocats de Paris et les
syndicats de la profession.
Dans un communiqué du 19?mars
dernier, l’ADAP (Association des avocats pénalistes) s’insurgeait déjà contre
les box du tribunal de Fort-de-France et demandait « solennellement à
la garde des Sceaux d’ordonner sans délai le démontage des dispositifs
sécurisés en place et de suspendre tout projet d’installation ». Alors
que les instances représentatives des avocats réclament le démontage de toutes
les cages en verre et/ou à barreaux, lesquelles ne sont « pas dignes d’une
démocratie moderne » avant le 23 avril
prochain, jours des premières audiences correctionnelles, le président de
l’ADAP, lui, prévoit déjà ce même jour une action.
En attendant, le déménagement des services et des 1 800 magistrats et agents du ministère de la Justice a quant
à lui déjà commencé et devrait se prolonger jusqu’au mois de juin.
Le tribunal de Paris en chiffres
• 62 000 m2 de
surface utile
• 90 salles d’audience
• 205 cellules de détention
• 5 000 m2 pour la salle des
pas perdus
• 38 guichets d’accueil
• 160 m de haut
• 38 étages
• 8 800 personnes quotidiennes
Constance
Périn