Dans un essai
intitulé Petite Poucette, dans lequel l’héroïne qui incarne la génération des enfants du numérique passe
ses journées les pouces collés sur son Smartphone, le philosophe Michel Serres explique
que notre société a déjà vécu deux grandes révolutions
: le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. Actuellement,
nous entrons dans une autre ère, celle des nouvelles technologies. Faut-il s’en
inquiéter ? Pour ce membre de l’Académie française, ce n’est ni bien ni mal. C’est
la réalité et il faut vivre avec, d’autant que le numérique investit
progressivement tous
les domaines.
Une mutation qui n’a pas échappé à la cour d’appel
de Paris, puisqu’elle a organisé, le 23 mai dernier, en partenariat avec l’association
ADEA, un colloque sur le thème de la justice prédictive, phénomène que Chantal
Arens, Première présidente de la cour d’appel de Paris, a remarquablement défini
comme « la rencontre des mathématiques et du droit ». Plus spécifiquement,
la justice prédictive ou « prévisible », pour reprendre les
termes d’Éloi Buat-Ménard, magistrat à la Direction des services judiciaires
lors de son intervention, concerne « l’analyse de l’ensemble de la jurisprudence
accessible, par algorithme, et l’utilisation de l’historique des contentieux
jugés afin de prédire l’issue potentielle de procès à venir ». On se place ici
loin d’une justice qui dépend de la verve et de l’éloquence de l’avocat ! Lors
de cet événement, si les orateurs ont reconnu les avantages de la justice prédictive
– possibilité pour l’avocat d’évaluer les chances de succès d’un contentieux
et, par conséquent, de faciliter l’utilisation des MARD, aide à la décision pour
les magistrats, possibilité d’élaborer une cartographie des juridictions selon
un type de problématique, etc. –, ils ont aussi pointé ses limites : quelle est
la légitimité de la décision rendue par un robot ? L’intelligence artificielle peut-elle,
mieux que l’humain, rendre la justice ?
Quoi qu’il en soit,
la justice humaine n’est pas infaillible. Tel est le constat établi par le
journaliste Mathieu Delahousse, invité le 23 mai par le conservateur du musée
du Barreau de Paris Emmanuel Pierrat. Il a alors présenté son livre La chambre des
innocents, dans lequel il relate ses rencontres avec les victimes d’erreurs judiciaires.
Maria-Angélica Bailly
Retrouvez ces articles dans le
Journal Spécial des Sociétés n° 48 du 17 juin 2017
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