Créée en 2009 sous l’impulsion du président
Nicolas Sarkozy pour lutter contre le piratage et le téléchargement illégal,
véritable fléau pour l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel – la destruction
de valeur liée au piratage dans ces secteurs équivaut à plus d’1 milliard
d’euros chaque année –, l’Hadopi continue aujourd’hui encore à traquer les internautes
adeptes de ces pratiques. Ainsi, en 2018, environ 1,2 million de recommandations
ont été envoyées. Mais pour quels résultats ? En effet, alors que le président de
l’Hadopi, Denis Rapone, a affirmé, lors des dix ans de l’institution, que « 60
% des personnes averties ne réitèrent pas », on constate cependant que le téléchargement
illégal est toujours aussi florissant. La Haute Autorité a elle- même reconnu que
55 % des films et 50 % des séries consommées en ligne en 2019 le sont de façon illicite.
Comment expliquer cela ? D’après une étude Ifop de 2018, si 58 % des utilisateurs
qui reçoivent un premier avertissement diminuent leur consommation frauduleuse de
biens culturels dématérialisés, 30 % des avertis se tournent tout simplement vers
d’autres systèmes de piratage, notamment le téléchargement direct ou le streaming,
et même l’utilisation de VPN pour anonymiser leur connexion.
Or, l’Hadopi a été conçue uniquement pour
lutter contre le téléchargement en P2P (pair-à-pair). « Nous sommes assez
désarmés face à ces nouveaux services » avait avoué Pauline Blassel, sa secrétaire
générale, en janvier dernier. Plutôt que de sanctionner les utilisateurs, les
ayants droit ont donc rapidement compris qu’il était plus judicieux de
s’attaquer directement aux plateformes et autres intermédiaires techniques. À ce
titre, la révision de la directive européenne du droit d’auteur, adoptée le 26 mars
2019, constitue une avancée décisive en faveur de la protection de la création,
notamment l’article 17 qui tend à généraliser la conclusion par les plateformes
d’accords de rémunération avec les ayants droit ou, à défaut de tels accords, à
assurer le retrait des contenus hors-la-loi. Autre solution pour contrer ces pratiques
illicites : mettre en place une politique d’offre, plutôt que de répression. Steve
Jobs l’avait bien compris en 2003 en lançant l’ITunes Music Store. Pour lui en effet,
le principal concurrent de sa boutique légale était non pas d’autres boutiques
légales, mais bel et bien le piratage.
Maria-Angélica Bailly