Comme cela a déjà été souligné, la protection de
l’environnement et surtout de la protection de la nature est beaucoup mieux
assumée, en théorie du moins, par des procédures de nature préventive plutôt
que des procédés de réparation spécialement du dommage écologique ; il en
va de même pour toute la partie pénale du droit de l’environnement qui ne
devrait avoir de véritable intérêt (en dehors de sa fonction dissuasive) que
s’il permet des opérations de restauration et de remise en état.
C’est pourquoi, sur la question de la
réparation du dommage écologique, il faut absolument privilégier la réparation
en nature et la préférer à la réparation en compensation en monnaie, et c’est
bien ce que prévoit la loi codifiée aux articles 1246 et suivants du Code civil.
L’idée fondamentale des
procédures dites de compensation, étudiées au chapitre suivant, est de
concilier à la fois le développement des projets et des travaux et la
protection de la biodiversité (ou de la nature ce qui revient à peu près au
même), cette précision terminologique étant ici de peu d’importance (voir nos
développements sous l’introduction à propos de la notion de biodiversité).
Mais pour compenser ou même réparer, il faut
établir un état d’origine, un état zéro, un état de l’équilibre préalable
détruit ou endommagé.
L’étude d’impact a été instituée par la loi
de 1976 (1) qui eut en fait un préalable
obligatoire avant toute décision un décret du 11 octobre 1977 (2) qui en avait fixé les limites.
On peut définir l’étude d’impact comme un
document technique à contenu obligé sous la responsabilité du pétitionnaire et
placé sous le contrôle du public, de l’administration et du juge.
Toute la fonction de
l’étude d’impact n’est pas seulement d’être un document plaqué sur une réalité
administrative qui resterait imperméable après sa consultation sur la décision
à prendre et surtout la possibilité de la refuser ou de la modifier en fonction
des données de ce document technique.
En effet, la loi RBNP (3) va inscrire maintenant l’étude d’impact dans un processus qui est
le processus de l’évaluation environnementale.
L’évaluation environnementale comprend trois
phases : la réalisation du document technique, la procédure de
consultation des communes intéressées et finalement la décision du préfet.
L’intérêt de la réforme est que, même
s’agissant des procédures dites de déclarations, l’autorité administrative doit
prendre un arrêté qui contiendra des conditions précises de réalisation et la
demande d’autorisation.
Pour aller à l’essentiel, le nouveau
dispositif mis en place résulte de l’ordonnance 2016-1058 du 3 août 2016 ratifiée par la loi du
2 mars 2018 (4) et d’un décret n° 2016-110 du 11 août 2016 relatif à la modification des
règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et
programmes (complété par décret 2017-626 du 25 avril 2017).
L’objet de la réforme consiste effectivement
à changer de critères pour la détermination du champ d’application de
l’évaluation environnementale (I) et de modifier légèrement et de préciser son
contenu (II).
Le
changement de critères déterminants : le champ
d’application de l’évaluation environnementale
S’agissant du champ
d’application de la réforme, l’idée générale qui la sous-tend consiste à
parvenir à une nouvelle définition globale de projet et sortir des critères de
seuils techniques ou financiers qui étaient le lot de la législation de la
réglementation antérieure.
Selon l’article L.122-1-1 du Code de l’environnement, le projet est défini par la
notion de « réalisation de travaux de construction ou d’ouvrages ou
d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage y compris celles
destinées à l’exploitation des ressources du sol ».
L’article L. 122-1-III
précise que lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations,
ouvrages et autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, « il
doit être appréhendé dans son ensemble y compris en cas de fractionnement, dans
le temps, dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage afin que
ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité ».
Ainsi que le souligne le Guide de lecture de
la nomenclature des études d’impact du Ministère de l’Environnement rendu
public en février 2017 (5), « l’entrée
par procédure dans la nomenclature des évaluations environnementales a été
remplacée par celle de projet afin d’en empêcher son fractionnement et d’éviter
les études d’impact redondantes ».
C’est donc le projet
global qui donne lieu à évaluation environnementale et qui constitue la
nouvelle définition du champ d’application du premier volet important de la
réforme.
Le second consiste à y
inclure la notion de modification de projet.
S’agissant de la
modification d’un projet déterminé une fois qu’il a été autorisé, ces
modifications sont soumises à évaluation environnementale systématiquement ou
au cas par cas.
La nomenclature
figurant à l’article R. 122-2 du Code de
l’environnement précise les différentes situations et critères et l’influence
notable de la modification.
Il est vrai que tout en
cherchant à être exhaustive, la réforme a considérablement limité la soumission
des études d’impact en instituant une réforme de la procédure dite de cas par
cas.
Cette procédure, qui
est d’initiative européenne, consiste à dresser une liste de l’annexe I de la
directive 2011-93 du 13 décembre 2011 modifiée par la directive 2014-52 du
16 avril 2014 qui dans son annexe I prévoit l’étude d’impact
obligatoire, et dans la seconde annexe, la procédure dite au cas par cas qui
est subordonnée en France à une décision de l’autorité environnementale
installée auprès du Ministère de la Transition écologique et solidaire.
La décision de
soumettre l’étude d’impact au cas par cas dépend effectivement de la
sensibilité du projet vis-à-vis de l’environnement ; notons que la
décision de l’autorité environnementale est en elle-même susceptible de
recours.
La réforme a
effectivement étendu la procédure au cas par cas dans le domaine sensible,
notamment celui du droit des installations classées pour l’environnement ;
antérieurement, tous les établissements soumis à autorisation étaient
systématiquement soumis à étude d’impact, ce n’est plus le cas aujourd’hui, et
le régime juridique intermédiaire entre l’autorisation et la déclaration qui
est le régime de l’enregistrement est effectivement un régime dans lequel la
procédure au cas par cas y a sa place.
CONTENU DE
L’EVALUATION ENVIRONNEMENTALE : UN CONTENU AUGMENTé
S’agissant de la phase d’étude elle-même ou
plus exactement du contenu de l’étude d’impact, il est précisé à l’article R. 122-5 du Code de l’environnement que
l’étude d’impact doit comporter aujourd’hui une description des aspects
pertinents de l’état actuel de l’environnement, de son évolution en cas de mise
en œuvre du projet ou en l’absence de mise en œuvre de celui-ci ; les
changements apportés au scenario de référence doivent être évalués moyennant un
effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des
connaissances scientifiques disponibles.
L’étude d’impact doit également traiter du
sujet de la vulnérabilité du projet au changement climatique ainsi que sa
vulnérabilité à des risques d’accidents ou de catastrophes naturelles ou
technologiques.
En tout cas, l’étude d’impact doit permettre
de décrire et d’apprécier de manière approfondie, en fonction de chaque cas
particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur la
population, la santé humaine, la biodiversité et des terres, le sol, l’eau,
l’air et le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage
et l’interaction entre ces différents facteurs.
Comme on le voit, il s’agit d’un sujet
d’expertise approfondie.
Le sujet relatif aux mesures d’évitement, de
réduction et de compensation des effets négatifs notables du projet sur l’environnement
fait l’objet d’un régime spécifique de compensation des atteintes à la
biodiversité prévu à l’article L.163-1 du Code de l’environnement et qui
a fait l’objet de développements à la contribution précédente.
Le volet compensatoire de l’étude d’impact ou
mesures de compensation se trouve effectivement « doublé »
dans les hypothèses où il y a lieu à procédure de compensation d’une étude tout
à fait spécifique qui dépasse le seul cadre technique de la notice ou de
l’étude d’impact à proprement parler.
En tout cas, l’articulation réglementaire
entre les deux procédures n’a pas été définie strictement jusqu’à présent,
peut-être la jurisprudence éclairera le sujet. Pour nous, il nous paraît
prudent de faire opérer par un ou des spécialiste(s) deux études distinctes.
Il n’en reste pas moins que la
notion d’évaluation environnementale constitue un processus nouveau et non plus
strictement formel, puisque l’administration dans sa décision finale doit en
incorporer et en traiter tous les éléments, ce qui lui permet de considérer
aujourd’hui que sa décision doit être effectivement un véritable
acte-condition ; l’environnement doit y être regardé théoriquement comme
véritablement intégré.
1) Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la
nature : JO du 13 juillet 1976, p. 4 203.
2) Décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de
l’article 2 de la loi
n° 76-629 du
10 juillet 1976 relative à
la protection de la nature : JO du 13 octobre 1977, p. 4 948.
3) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la
biodiversité, de la nature et des paysages (NOR : DEVL1400720L : JO,
9 août 2016).
4) Loi n° 2018-148,
2 mars 2018 ratifiant
les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation
environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures
destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration
de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement
(NOR : TRED1630022L : JO, 3 mars 2018).
5) Ministère de l’environnement,
de l’énergie et de la mer en des relations internationales sur le climat, Evaluation
environnementale – Guide de lecture de la nomenclature des études d’impact
(R. 122-2), THEMA, février 2017, 68p.
Christian
Huglo,
Avocat
à la Cour,
Docteur
en droit,
Co-Directeur
du Jurisclasseur Environnement
Chancia
Plaine,
Huglo
Lepage Avocats,
Juriste