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La « marche des droits » des avocats - Pour une justice de qualité et accessible

La « marche des droits » des avocats - Pour une justice de qualité et accessible
Publié le 20/04/2018 à 12:02

Suite à la journée « justice morte » du 21 mars dernier, et à une semaine de la présentation du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 en Conseil des ministres par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, les avocats le 20 avril, les magistrats et le personnel de justice de toute la France se sont rassemblés à Paris le 11 avril dernier, pour manifester « en faveur des droits des Français » et exprimer leurs craintes et leurs revendications quant à la réforme de la justice.


« Citoyens en danger, justice menacée, avocats en colère ». Tels étaient les mots du barreau de Paris lisibles sur les pancartes brandies dans le cortège parisien. Vivement mobilisée, la profession était réunie à Châtelet, ce 11 avril, pour se diriger ensemble vers la place de l’Opéra – non loin de la place Vendôme où siège le ministère de la Justice. À la tête du cortège, Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris et Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers, tenant une large banderole : « Pour une justice de qualité et accessible », résumant ainsi leur mobilisation.



Une profession fortement mobilisée


Plus de sept mille avocats étaient présents le 11 avril dernierpour manifester contre la réforme de la justice. « C’est plus de 10 % de la profession » a souligné la présidente du CNB. Alors qu’on reprochait à la profession le manque d’unité – « votre expression s’affaiblit quand, pour défendre vos intérêts, vous faites appel à plusieurs voix » déclarait en novembre 2016 le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas lors de la rentrée solennelle du barreau de Paris – c’est mobilisée et réunie qu’elle s’exprime désormais. Le barreau de Paris, avec les deux instances nationales – le CNB et la conférence des bâtonniers –, mais aussi les multiples barreaux présents sur tout le territoire, la Confédération nationale des avocats (CNA) ou encore le Syndicat des avocats de France encourageaient à la mobilisation nationale, le tout pour défendre une justice plus humaine, au service du justiciable.



Défendre les intérêts des justiciables


Le CNB appelait à une manifestation unitaire des avocats et professions judiciaires pour les droits des Français. « Nous marchons pour vos droits », lisait-on sur d’autres panneaux. Prescrivant une « justice humaine » permettant à chaque justiciable d’être défendu, les avocats estiment ainsi que le projet de loi menace la justice et revendiquent « une justice pour tous, avec tous, partout », pour reprendre un slogan du CNB. Celui-ci exhorte les représentants de la profession à être « fiers d’être des avocats engagés pour une justice qui garantisse en tous lieux l’État de droit et l’accès aux droits. » Jugeant le droit de la défense affaibli (en rendant par exemple « facultative la présentation du citoyen à un magistrat pour prolonger sa garde à vue »), les avocats de la capitale craignent l’apparition d’« une justice sans juge, sans avocat et sans justiciable ». Pour le président de la Conférence des bâtonniers Jérôme Gavaudan, « l’une des grandes missions de l’État est précisément de faciliter l’accès au droit et à la justice pour tous, partout. De ce point de vue en particulier, la réforme, en l’état, affaiblit l’institution judiciaire et fragilise fort inutilement, le lien déterminant que jouent quotidiennement la justice et les avocats auprès des Français, notamment dans les territoires ». Sur « la déjudiciarisation et à la déshumanisation de la justice », la Confédération nationale des avocats a déclaré : « La profession d’avocat est favorable à une modernisation de la Justice, mais pas au détriment des intérêts des justiciables, ni sans véritable concertation. ». Parmi les premières revendications, le manque de moyens est largement pointé du doigt.


Un manque de budget critiqué


La CNA « s’insurge contre un projet de loi qui porte atteinte aux droits fondamentaux des justiciables, dicté par la pénurie budgétaire », rappelant que « La France compte moitié moins de juges que la moyenne européenne, et a l’un des plus petits budgets par habitant consacré à la Justice. ». Le barreau de Caen déplore lui aussi, dans un communiqué, le manque de moyens : « La CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice) a classé la France trente-septième sur quarante-trois pays européens en terme de budget annuel attribué au système judiciaire, derrière l’Azerbaïdjan et l’Arménie. ». Un palmarès peu glorieux, que le Syndicat des avocats de France regrette aussi : « Nous refusons ce projet dont le véritable objectif est de permettre le maintien de la Justice dans son état de misère budgétaire, en sacrifiant toute notion de qualité au nom de la productivité ».


 



 


« Refusons une justice au rabais ! »


Luttant contre une « justice au rabais », le barreau de Paris défend par ailleurs la présence du juge d’instruction, « figure de l’impartialité de notre droit » déclare-t-il, dont la disparition renderait selon lui le parquet « tout-puissant ». Les avocats parisiens luttent ainsi contre une justice inhumaine : « Avec l’installation d’un tribunal criminel départemental, l’état désengage le peuple et les jurés populaires, déshumanise la justice en rompant la rencontre entre un juge et un homme. » alerte le barreau.


Le barreau de Caen craint, quant à lui, la « création de déserts judiciaires » notamment par la fusion des TGI et TI ou par la spécialisation des cours d’appel. Aussi, face à la même inquiétude, la Conférence des bâtonniers lutte pour la « sauvegarde d’une justice de proximité indispensable à la vitalité des territoires ».


 


« Nous voulons des juges, pas des robots »


Enfin, la profession s’insurge quant aux risques liés à digitalisation de la justice : « La justice ne se programme pas avec des algorithmes ! » avertit le barreau de Paris, souhaitant voir les legaltechs encadrées, avec notamment la majorité de leur capital détenue par des avocats. « Nous voulons des juges, pas des robots » a ainsi affirmé Marie-Aimée Peyron sur France Inter. Dans ce sens, le Barreau de Caen pointe la menace de « l’indépendance de la justice traitée par des sociétés privées multinationales ».


Défendant cette même justice de qualité, les magistrats étaient également présents le 11avril : « La justice n’est pas une marchandise », a déclaré ainsi le Syndicat de la magistrature. La présidente de l’Union syndicale des magistrats, Virginie Duval, également mobilisée, a quant à elle jugé la réforme « incohérente et illisible ».


Affirmant que « le front uni des avocats ne cédera pas », le CNB s’était également adressé à la profession, le 5 avril dernier, en ces termes : « Votre mobilisation, l’unité de la profession et la négociation avec le gouvernement ont permis des évolutions du projet de loi. La Chancellerie nous a transmis, en fin de semaine dernière, une nouvelle version de ce texte qui prend en compte certaines de nos revendications. » En attendant la présentation de la loi en Conseil des ministres la semaine prochaine, les avocats espèrent bien être entendus, notamment via cette forte mobilisation jugée « historique » par Christiane Féral-Schuhl.



 

 

Constance Périn

 

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