En mars
dernier, la charentaise, célèbre pantoufle de Charente-Périgord, a été
homologuée indication géographique par l’INPI. Retour sur l’histoire du
chausson le plus connu de France.
L’Institut
national de la propriété industrielle (INPI) a homologué fin mars une nouvelle
indication géographique : la « charentaise de Charente-Périgord ».
Signe officiel de qualité et d’origine, l’indication géographique est une
garantie d’authenticité pour les consommateurs et un moyen pour les fabricants
de valoriser leurs produits et leurs savoir-faire. La charentaise est donc
désormais protégée ! La charentaise ? « LA » pantoufle en
feutre, célèbre pour sa chaleur et son confort, qui tire son nom de la région
d’où elle est née, il y a… très longtemps.
À l’origine,
elle était fabriquée à partir des rebuts de feutres utilisés pour les uniformes
de la marine royale. La Rochelle et Rochefort, ports militaires, obligent !
Plus tard, ce sont les déchets issus de l’industrie du papier, très développée
en Charente, qui faisaient l’affaire : les feutres à papier, en laine,
deviennent imperméables après avoir servi au pressage et avoir absorbé l’eau de
la pâte à papier. Les savetiers locaux, ces artisans qui raccommodent les vieux
souliers, ont alors l’idée de récupérer ces feutres pour en faire des semelles
souples et confortables.
C’est après
la Révolution que l’on retrouve une trace officielle de leur fabrication dans les
archives de l’INPI. Parmi les quelques 410 000 brevets
d’invention déposés en France depuis 1791, plusieurs se rapportent au
perfectionnement du savoir-faire, à la modernisation de l’outillage mais aussi
à la confection de nouvelles matières. Ainsi, le 4 novembre 1868, un certain Pierre
Delpeuch dépose un brevet pour la « fabrication d’un tissu, imitation
broderie, tapisserie, servant à faire des pantoufles ».
20 ans plus tard, le 17 septembre
1888, Pierre Laffitte dépose le brevet d’une « chaussure avec ou sans
talons, dite pantoufle Tonneinsquaise molletonnée ».
Mais la véritable charentaise, celle que tout le monde connaît mais que
personne n’avoue porter, apparaît au début du 20e siècle. Le
« cousu-retourné », technique originelle et historique de fabrication
des charentaises, permet d’assembler à l’aide d’un fil de chanvre la semelle et
la tige. Le chausson est ensuite retourné afin de prendre sa forme définitive,
que l’on protège également grâce aux Dessins et Modèles, eux aussi conservés
dans les archives de l’INPI, dont celui déposé par la société JEVA pour une
« semelle de pantoufle ».
En 1907, un certain docteur Jeva invente le collage du feutre et crée des
pantoufles aux couleurs vives et aux décors de type écossais. Après la Seconde
Guerre mondiale, le succès vient avec James Rondinaud qui a l’idée de les
exporter aux quatre coins du monde. Encore aujourd’hui, l’exportation est en
pleine expansion et concerne l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. Toutefois,
le marché national reste la principale destination des charentaises.
Aujourd’hui, le positionnement de la charentaise évolue pour tendre vers
le haut de gamme. La charentaise allie les volets tradition et innovation afin
de s’adapter aux tendances et à la demande du marché. Le savoir-faire du
« cousu-retourné » est encore entretenu par cinq entreprises, qui
perpétuent la tradition régionale des savetiers et la fabrication de la
charentaise historique, avec environ 300 000 paires fabriquées chaque année.
Steeve
Gallizia,
Chargé de la
valorisation des archives patrimoniales de l’INPI