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La prévention au tribunal de commerce

La prévention au tribunal de commerce
Publié le 03/01/2020 à 11:20

La France dispose aujourd’hui d’une « boîte à outils » remarquable dans le domaine du droit des entreprises en difficulté et reconnue en Europe. « Dans le domaine du droit des entreprises en difficulté, la France, en Europe, n’est pas le meilleur élève mais le maître d’école ! », déclarait le Professeur Pierre-Michel Lecorre. Encore faut-il que les entreprises sachent se servir des outils rangés à l’intérieur de cette boîte à outils : mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, sauvegarde financière accélérée, sauvegarde accélérée, redressement judiciaire, liquidation judiciaire et procédure de rétablissement professionnel. La loi a prévu un dispositif pour chaque niveau de difficulté de l’entreprise. Afin de mieux connaître ces différentes procédures, nous proposons à nos lecteurs une nouvelle rubrique « l’Entreprise en difficulté », que cet article inaugure.


 


Origine des difficultés financières


De manière très simplifiée, on peut affirmer qu’une entreprise est en difficulté financière lorsqu’elle ne dispose plus à échéance très courte de la trésorerie nécessaire à la continuité de son exploitation.


Une difficulté financière n’a que très rarement pour origine un seul facteur et ne survient pas d’un seul coup.


Ces difficultés sont toujours précédées d’incidents tels que :


non-paiement des salaires,


retard dans le règlement des fournisseurs (impayés),


échéances d’emprunt rejetées par la banque,


non règlement des charges sociales et de la TVA aux échéances,


etc.


La révélation de ces difficultés apparaît la plupart du temps par une situation grave et préoccupante de la part de la banque de l’entreprise provoquée par :


appels journaliers avant de payer les chèques,


refus de payer les traites à l’échéance - rejets,


refus de payer les chèques,


chèques impayés,


suppression des concours bancaires par LR avec AR,


etc.


Les difficultés peuvent avoir origine des causes différentes :


 


Causes d’exploitation


diminution des commandes,


baisse du chiffre d’affaires,


forte hausse du poste salaires et charges,


diminution de la marge,


baisse des prix de vente face à la concurrence,


loyer élevé (zone commerciale),


perte d’exploitation,


etc.


Un dirigeant d’entreprise a toujours pour objectif de développer son entreprise. Ce développement ne doit toutefois pas être réalisé n’importe comment.


 


Règles essentielles à respecter :


ne pas faire la « course » au chiffre d’affaires, au détriment de la rentabilité.


« Il n e suffit pas de faire du chiffre… Il faut faire du bon chiffre »,


l’augmentation du chiffre d’affaires n’est pas toujours bénéfique. La progression de chiffre d’affaires peut provoquer de sérieuses difficultés de trésorerie.


 


Causes financières


forte progression du  besoin en fonds de roulement (BFR) non financé,


refus de prêt,


échéances financières trop importantes,


structure financière déséquilibrée,


autorisation de découvert en dépassement permanent,


rupture de crédit,


augmentation de l’endettement,


dépôt de bilan d’un gros client,


etc.


 


Investissements inappropriés


investissement réalisé trop important,


investissement mal financé,


emprunt insuffisant,


durée d’emprunt trop courte,


retard dans les investissements.


En effet, le développement de l’activité va générer un accroissement du besoin en fonds de roulement qui doit être financé par un autofinancement suffisant ou par des capitaux stables.


Si ces financements ne sont pas prévus et organisés, l’entreprise ira vers des problèmes financiers qui peuvent devenir graves et provoquer des risques de liquidité.


Les nouveaux investissements nécessaires au développement de l’entreprise doivent également être bien financés en montant et en durée.


Ils ne doivent pas être financés par la trésorerie courante, au détriment du BFR.


 


Rappelons la règle financière d’or :


« Un investissement d’une certaine durée de vie, doit toujours être financé par des capitaux de durée de vie équivalente. » Ceci, afin de respecter l’harmonie emplois-ressources.


À noter :


ce sont souvent les achats d’investissement « perlés » au cours de l’exercice qui, en les cumulant, peuvent représenter un montant significatif,


le financement de ces investissements est malheureusement toujours assuré par la trésorerie courante au détriment du financement du besoin en fonds de roulement,


la solution, dans ce mauvais processus, est de solliciter auprès du banquier ou autre, un financement « a posteriori » afin de régulariser le défaut de financement,


ces constats sont souvent l’origine de difficultés qui peuvent amener l’entreprise à se « présenter » devant le tribunal de commerce ou le TGI pour demander l’ouverture d’une procédure amiable ou judiciaire.


 


Causes sociales


taux de rotation du personnel trop important,


démissions d’éléments « clés »,


mouvements de grève,


etc.


 


Causes extérieures à l’entreprise


période de crise,


hausse des taux d’intérêts,


durcissement des conditions de crédit,


Des causes accidentelles ou totalement imprévues peuvent également être à l’origine de difficultés :


incendie,


catastrophe naturelle,


ou autre. Ex : Affaire Spanghero


Dans tous les scénarios énoncés ci-dessus,  le dirigeant a souvent tendance à s’enfermer, à refuser la réalité et à s’isoler encore davantage.


Le dirigeant doit toujours prendre sa décision avant que le niveau de trésorerie de l’entreprise ne compromette toute solution…


Ces difficultés, en faisant appel à la prévention du tribunal de commerce peuvent être traitées et résolues dans la totale confidentialité. Nous exposerons dans notre article les procédures de préventions amiables et confidentielles accessibles aux entreprises en difficulté. Cette prévention comprenant deux volets :


• la prévention détection,


la prévention traitement,


Étant précisé que la sauvegarde, procédure de prévention judiciaire et volontaire, fera l’objet d’un article prochain.


 


La prévention-détection ou la procédure d’alerte du président


Dirigeants convocables


Peuvent être convoqués les dirigeants d’une société commerciale, d’un groupement d’intérêt économique (GIE), ou d’une entreprise individuelle commerciale ou artisanale.


La taille de l’entreprise n’a aucune incidence.  Le président du tribunal de commerce peut convoquer un dirigeant dès lors qu’un acte, un document ou une procédure laisse apparaître « des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ». (Art L. 611-2 du Code de commerce).


Il entendra le chef d’entreprise s’expliquer sur ses difficultés et sur ses solutions de redressement.
Le magistrat informera le dirigeant sur les possibilités qui lui sont offertes : mandat ad hoc, conciliation ou procédure de sauvegarde ou constatera que l’entreprise est en cessation de paiement et qu’un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire… doit être engagé.


Cette procédure de convocation est confidentielle.


L’alerte et la procédure de convocation par le président a été élargie au président du tribunal de grande instance (TGI) (Ord. du 12/03/2014).


L’article L. 611-2-1 du Code de commerce attribue au président du TGI un rôle comparable à celui du président du tribunal de commerce.


La convocation par le président est applicable à l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)


(Art L.611-2 du Code de commerce).


 


Président ou juge délégué


L’article L. 611-2 du Code de commerce attribue la compétence au seul président du tribunal de commerce, mais le président peut naturellement déléguer un autre magistrat de son tribunal.


 


Pouvoir discrétionnaire


Le président du tribunal (ou son délégué) est juge de l’opportunité de convoquer, ou non, le dirigeant d’une entreprise en difficulté.


S’il ne le convoque pas, aucun créancier n’est en droit de lui reprocher cette abstention, même si les bilans annuels de l’entreprise sont alarmants…


 


Signaux de détection de l’entreprise en difficulté


inscriptions de privilèges du Trésor Public et de l’URSSAF,


« perte » de la moitié du capital,


radiation à l’audience (à plusieurs reprises…) après une assignation en redressement,


injonctions de payer fréquentes,


référés,


procédure d’alerte du commissaire aux comptes,


non-dépôt des comptes, etc.


C’est à partir de ces « signaux » que le président ou le juge déclenche la convocation. Attention, le non-dépôt des comptes n’est pas forcément révélateur de difficultés, mais il peut être retenu dans certains cas. C’est plutôt lorsqu’une société cesse de publier ses comptes que le tribunal peut déceler des signes de difficultés.


Statistiques : 80 % des sociétés qui déposent leur bilan ont arrêté de produire leurs comptes sociaux les deux années qui ont précédé leur dépôt de bilan.


Le président entend les explications du chef d’entreprise sur sa situation et ses projets de rétablissement. Celui-ci peut se faire assister par son conseil. Le président doit informer le dirigeant des possibilités qui lui sont offertes :


mandat ad hoc,


conciliation,


sauvegarde.


Ou lorsqu’il est constaté que la société est en état de cessation de paiement, l’engager rapidement à demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire… (si le redressement est impossible).


Attention : le président ne doit pas donner de conseil au dirigeant. Si malgré tout, le président donne un conseil, le chef d’entreprise ne pourra en aucun cas s’en prévaloir pour dégager sa responsabilité. En clair, l’entretien avec le magistrat n’exonère pas le dirigeant de ses responsabilités (Cass.com. 30/11/93).


 


Non-présentation du dirigeant


En cas d’absence du chef d’entreprise, un procès-verbal de carence doit être établi le jour même par le greffier, auquel sera joint l’avis de réception de la convocation. Une copie du procès-verbal est notifiée par le greffier par lettre recommandée avec accusé de réception au chef d’entreprise absent. Ce procès-verbal est également déposé au greffe.


 


Confidentialité


La convocation est confidentielle et les créanciers ne devront pas être au courant de l’entretien.


 


Procès-verbal d’entretien


L’entretien donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien ainsi que l’identité de toutes les personnes présentes. Le procès-verbal est signé par toutes les personnes et par le président. Il est déposé au greffe. Lorsque le président constate que le débiteur est en état de cessation de paiement depuis plus de 45 jours, et que ce débiteur ne réagit pas, le président doit informer le ministère public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Après cette information, le ministère public peut demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (ou de liquidation si le redressement est impossible…) pour ce débiteur (Art L. 631-3-1).


Rappelons que la saisine d’office par le tribunal est supprimée. Lorsqu’il est constaté que la cessation de paiement est inférieure à 45 jours, le président peut proposer au débiteur l’ouverture d’une procédure de conciliation, ou de mandat ad hoc.


 


La prévention traitement – le mandat ad hoc


Le mandat ad hoc consiste à désigner un mandataire indépendant des parties, dont la mission est d’assister un chef d’entreprise, pour résoudre les difficultés qu’il rencontre avec ses créanciers.


L’accord résultant du mandat peut porter sur la totalité des créances détenues par un créancier, ou une partie seulement de celles-ci (Cass.com. 13/10/1998).


Le mandataire aura souvent pour mission :


de réétaler les dettes,


d’aménager certains règlements,


de solliciter des remises et des délais, etc.


Le mandat ad hoc peut permettre à un chef d’entreprise de négocier la restructuration de ses dettes avec ses créanciers, et cela, en toute discrétion. Le mandat ad hoc peut être sollicité auprès du tribunal de commerce ou auprès du tribunal de grande instance selon le tribunal dont relève l’entreprise.


NB : cette procédure n’est pas inconciliable avec l’état de cessation de paiement du débiteur dès lors que cet état n’existe pas depuis plus de 45 jours (Pierre-Michel Lecorre et François-Xavier Lucas).


(Lire l’article « Mandat ad hoc et cessation de paiement » – Journal Spécial des Sociétés n° 7 8 du 26/10/2019, Michel Di Martino).


Dès lors que la cessation de paiement est avérée et a plus de 45 jours, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire si le redressement est impossible, devient obligatoire.


 


Interdiction d’aggraver les obligations du débiteur en mandat AD HOC :


Est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation ou d’une demande formée à cette fin (Art L. 611-16) Ordonnance du 12 mars 2014.


Le texte de l’ordonnance a repris mot pour mot la jurisprudence de la Cour de cassation, dans le cas d’un contrat en cours dans un redressement judiciaire : « Toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en RJ est interdite ». (Cass.Com. du 14/01/2014)


Cette disposition interdit par exemple le déclenchement de la clause de déchéance du terme d’un emprunt, lors du recours à une procédure de prévention.


 


règlement européen sur l’insolvabilité


À noter que toutes les procédures judiciaires et collectives françaises sont comprises et visées par le règlement européen de 2015 sur l’insolvabilité, à l’exception des procédures amiables et confidentielles : le mandat  ad hoc et la conciliation.


Le mandat ad hoc n’est également pas concerné par la compétence des tribunaux de commerce spécialisés.


 


Avantages du mandat ad hoc


le mandataire est désigné par le président du tribunal de commerce (ou du tribunal de grande instance),


le débiteur peut proposer son candidat mandataire,


la procédure est amiable et non judiciaire,


l’entreprise sera « épaulée » par un spécialiste du traitement des entreprises en difficultés,


confidentialité : aucune publicité n’est faite sur la procédure et sur laccord conclu avec les créanciers. Les clients de l’entreprise ne sont, en principe, pas au courant…


le chef d’entreprise reste maître de son entreprise, J21 – art. L. 611-3 : le débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d’un mandataire ad hoc,


le mandataire ne s’immisce pas dans la gestion de l’entreprise,


les créanciers acceptent en général l’accord négocié par le mandataire ad hoc, afin d’éviter le dépôt de bilan,


le mandat ad hoc n’est pas limité dans le temps : la durée de la mission du mandat ad hoc, initialement fixée par le président dans son ordonnance, peut être prolongée par plusieurs ordonnances successives. Avantage important par rapport à la procédure de conciliation qui ne peut aller au-delà de cinq mois,


le traitement des cautions peut faire partie de l’accord conclu avec les créanciers,


le débiteur peut demander la cessation du mandat ad hoc à tout moment.


 


Les inconvénients du mandat ad hoc


Généralement, le mandat ad hoc ne permet pas d’obtenir un délai de règlement des créanciers aussi long que le délai accordé lors d’une procédure de sauvegarde qui peut aller jusqu’à dix ans (15 ans pour les agriculteurs).


 


À savoir


La demande de désignation d’un mandataire ad hoc doit être effectuée auprès du :


tribunal de commerce pour les commerçants, artisans, sociétés…,


tribunal de grande instance pour les professions libérales, agriculteurs, associations, SCP, syndicats, etc.


Par une simple requête écrite et motivée, accompagnée des derniers bilans, de l’état des créances et des dettes, d’un plan de financement et prévisionnel.


 


Remarque :


Il n’est pas interdit à une entreprise de démarrer un mandat ad hoc et de poursuivre ce mandat par une procédure de conciliation ou une procédure de sauvegarde… Le tout dans le respect du principe de la cessation de paiement.


 


Fin du mandat ad hoc


Lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la mission du mandataire ad hoc.


 


Mandat ad hoc suivi d’une conciliation


La procédure de conciliation ne peut dépasser un délai de cinq mois. Ce délai étant parfois trop court, il peut être judicieux de débuter une procédure de mandat ad hoc pour se donner le temps de négocier un accord avec ses créanciers et de terminer ensuite par une procédure de conciliation (souvent homologuée).


Il n’est pas interdit :


de faire suivre une conciliation d’un mandat ad hoc, afin de finaliser celle-ci, lors d’une 2e conciliation ; en respectant un délai de trois mois entre les deux conciliations,


de demander l’ouverture d’une sauvegarde après un mandat ad hoc ou une conciliation ; à la condition de ne pas être en cessation de paiement, sauf sauvegarde accélérée et SFA.


 


Mandat ad hoc suivi d’une sauvegarde


« La sauvegarde est une procédure qui se prépare… j’en déduis la pertinence d’un lien fort entre le mandat ad hoc et la sauvegarde ». J. Deharve ng, magistrat, Cahier de droit de l’entreprise, 2006.


 


Réflexion :


Le mandat ad hoc a ses limites. Il convient de ne pas l’utiliser à faire « de l’acharnement préventif » et abusif. Il n’a d’efficacité que pour résoudre certaines difficultés financières. Si ces difficultés ne peuvent être solutionnées, il ne faut pas hésiter à demander (rapidement) l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire si la cessation de paiement est nettement déclarée.  En clair, ne sollicitez pas un mandat ad hoc, lorsqu’une sauvegarde ou un redressement judiciaire sont la solution de vos difficultés.


La loi n’a pas prévu la communication des ordonnances de mandat ad hoc au ministère public. À noter toutefois que la décision de nomination d’un mandataire ad hoc devra être communiquée aux commissaires aux comptes, si le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes (Art. L. 611-3 du Code de commerce).


Les chefs d’entreprise devraient recourir plus souvent au mandat ad hoc et ce, dès le début de leurs difficultés. Le but du mandat ad hoc est d’éviter, ou de faire disparaître très rapidement la cessation de paiement, par la négociation et l’obtention de délai et de moratoires auprès des créanciers.


 


Jurisprudences :


La nomination d’un mandataire ad hoc ne dispense pas le dirigeant de procéder à la déclaration de la cessation de paiement lorsque les conditions sont réunies, ni d’être sanctionné pour ne pas y avoir procédé (Cass. Com. Du 10/05/2005).


Lorsqu’un mandat ad hoc est en cours, et que le dirigeant effectue une déclaration de cessation de paiement, le tribunal peut juger opportun d’entendre le mandataire ad hoc afin d’orienter l’ouverture de la procédure (TGI de Douai – 30/04/2014) – Revue Proc. Collec. C. Delattre – numéro 6/2014.


Rappelons que conformément à l’article L. 622-3-al.3, le tribunal peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.


La présence du mandataire ad hoc ne prive pas le dirigeant de ses pouvoirs, et ne le dispense pas de ses obligations (Cass.Com. 16/05/2016).


La nomination d’un mandataire ad hoc ne dispense pas le dirigeant de procéder à la déclaration de la cessation de paiement lorsque les conditions sont réunies, ni d’être sanctionné pour ne pas y avoir procédé (Cass.com. 10/05/2005).


Le mandat ad hoc est une procédure amiable purement contractuelle. Un créancier, dans un mandat ad hoc, peut refuser les propositions du mandataire ad hoc, sans pour cela être fautif. (Cass. com. 22/09/15 N° 14-17377).


 


Rémunération et choix du mandataire


L’ordonnance qui désigne le mandataire ad hoc :


définit lobjet de la mission,


fixe la rémunération du mandataire ad hoc.


Attention : la rémunération ne peut être liée au montant des abandons de créances obtenus, ni faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier (Art L. 611-14 Code de commerce)


Le débiteur a la possibilité de choisir son mandataire ad hoc. Le président ne peut désigner un mandataire ad hoc, dont la désignation ne lui a pas été proposée par le débiteur, qu’après avoir obtenu l’accord de celui-ci sur les conditions de sa rémunération  (Art R. 611-47-1-al.2).


Attention : le président peut refuser une demande de mandat ad hoc.


 


Mandat ad hoc et préparation d’un plan de cession


Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 et conformément à l’article L. 642-2 du Code de commerce, des offres de cession peuvent désormais être reçues ou formulées dans le cadre des démarches effectuées par le mandataire ad hoc.
Ces offres doivent remplir les conditions prévues au II de l’article L. 642-2 et être satisfaisantes.


Le tribunal peut, dès lors, décider de ne pas faire application des règles de l’article L. 642-2 (poursuite d’activité et non application du délai des offres de reprise).


La cession sera ensuite finalisée par le plan de cession réalisé dans le cadre de la procédure collective. (Sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire ouvertes ultérieurement). L’avantage de ce « prépack cession » est manifestement la préparation d’une reprise, accompagnée par un professionnel (le mandataire ad hoc) et le président du tribunal.


 


Loi justice 21 du 18/11/2016 :


Lorsque la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur a pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise, ceux-ci rendent compte au tribunal des démarches effectuées en vue de recevoir des offres de reprise, nonobstant l’article L. 611-15. (Confidentialité). (Art.642-2 complétés).


 


Confidentialité en prévention


La confidentialité de la procédure de mandat ad hoc est confirmée par l’article 611-15 comme pour la conciliation.


Toute personne qui est appelée à une procédure de mandat ad hoc, ou qui par ses fonctions en a connaissance, est tenue à la confidentialité.


La confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation s’impose aussi au tiers qui doit la respecter, sous réserve, qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public, sur une question d’intérêt général. (Cass.Com.15/12/2015. N° 14-11-500).


« Lorsque la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur avait pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise, ceux-ci rendent compte au tribunal des démarches effectuées en vue de recevoir des offres de reprise, nonobstant l’article L. 611-15 » (loi J21).


« Le tribunal de commerce est le gardien du temple des procédures amiables qui sont confidentielles » (Éric Feldmann – Congrès des juges consulaires 2019).


 


Le juge à la prévention


Le juge de la prévention, qui est habituellement le président ou son délégué, doit être un juge expérimenté et doté d’une bonne expérience de la gestion d’entreprise et être à même d’apprécier et d’analyser la situation financière d’une entreprise.


Il doit savoir lire et analyser un bilan et savoir poser les bonnes questions…


 


Missions du juge à la prévention


Deux missions principales lui sont dévolues par la loi :


juge de la détection par l’article L. 611-2 du Code de commerce,


juge chargé de la désignation d’un mandataire ad hoc (art. L. 611-3) ou d’un conciliateur (Art. L. 611-6) (sur demande).


Toutes ces missions sont confidentielles.


juge à la prévention ne peut donner de conseils, n’est toutefois pas interdit à un juge de faire de la pédagogie, parfois nécessaire, pour un chef d’entreprise qui méconnaît toutes les procédures qu’elles soient amiables ou judiciaires… C’est avec cette pédagogie qu’il mettra le chef d’entreprise en état de s’exprimer sans réticence.


il faut que le chef d’entreprise soit mis en confiance et que le rendez-vous n’apparaisse pas comme un entretien de « sanctions » surtout lorsque le juge est en présence d’un responsable d’entreprise honnête et désorienté par les aléas conjoncturels,


« Le juge doit savoir écouter le débiteur, mais également le mettre en confiance, l’amener à parler avec franchise, lui manifester d’avantage d’empathie que de méfiance » (Isabelle Rohart-Messager),


« Il doit savoir conjuguer le comminatoire et le chaleureux » (Jean-Bertrand Drummen),


le juge à la prévention doit sensibiliser le chef d’entreprise et l’aider à régler et à anticiper ses difficultés. Par son action pédagogique, le juge doit également savoir expliquer au dirigeant les risques de non-réaction,


le niveau de l’endettement de l’entreprise et la durée des délais nécessaires au redressement dicteront,
la plupart du temps, la solution juridique à mettre en place.


Ainsi :


un mandat ad hoc ou une conciliation peut être mis en place si les problèmes financiers rencontrés peuvent être solutionnés sur une durée de quelques mois par un report, un étalement, un différé, une consolidation de dette, ou encore une renégociation des emprunts,


le renvoi vers le médiateur du crédit peut parfois être opportun lorsque les difficultés ne sont que bancaires,


un mandat ad hoc ne sera pas la solution, si les dettes importantes nécessitent d’être restructurées sur une longue durée : une sauvegarde ou le redressement judiciaire sera dans ce cas à préférer,


attention au mandat ad hoc demandé par un débiteur très endetté, au bord de la cessation de paiement, qui cherche le secret du mandat ad hoc pour éviter la « publicité » d’une procédure collective,


une procédure amiable n’a pas l’efficacité de restructuration du passif apportée par une procédure collective,


une liquidation judiciaire peut être vivement recommandée par le juge à la prévention, si celui-ci constate une issue impossible au redressement et au règlement du passif,


le juge doit étudier toute solution, en fonction des possibilités financières de l’entreprise ;
les possibilités doivent être réelles,


enfin, toutes les mesures de prévention du monde ne pourront empêcher un entrepreneur malchanceux ou peu doué d’être éliminé du monde des affaires…


La pédagogie du juge à la prévention peut sauver une entreprise et ses emplois, si petite soit-elle, et c’est toujours cette mission qui doit guider le juge.


« Il est triste de constater la perte d’un emploi, mais il est encore plus catastrophique de constater la disparition d’une entreprise » (Charles Gave – Journaliste économiste).


La conciliation et la sauvegarde qui font également parties de la prévention seront traitées dans des articles ultérieurs.


 


Responsabilité et faute de gestion du dirigeant que ne recourt pas à la prévention


Chefs d’entreprise attention !


La jurisprudence met en cause la responsabilité du dirigeant d’entreprise qui connaissant des difficultés, s’est abstenu d’utiliser les mesures de prévention mises à sa disposition. (TC de Valenciennes – 019/07/2012), (CA de Douai – 04/12/2013), (Cass.Com. 08/07/2003)


Le recours à une procédure de prévention n’est plus forcément dans certains cas une faculté… Les mesures de prévention amiables et judiciaires sont de la part d’un chef d’entreprise, un acte volontaire, qui peut participer au sauvetage de son entreprise.


Un dirigeant d’entreprise, par méconnaissance, par négligence (ce qui est plus grave), ou par « peur » du tribunal, peut être responsabilisé, pour ne pas avoir utilisé les dispositifs de prévention. Les mesures de prévention sont facultatives mais vitales pour la survie de l’entreprise. C’est à ce niveau que le juge peut sensibiliser le chef d’entreprise en prévention, ou le rendre responsable dans le cas d’abstention fautive.


Mandat ad hoc, conciliation et même la sauvegarde sont des mesures de prévention mises à la disposition des entreprises en difficultés. Le chef d’entreprise est parfaitement libre d’y recourir ou non. Toutefois, son absence de réaction, face à ces mesures qui contribueront au redressement de son entreprise, peut être qualifiée de faute de gestion… Les dirigeants doivent prendre conscience que les mesures de prévention doivent être initiées le plus en amont possible, la vie de l’entreprise en dépend.


La prévention est un bon remède… beaucoup de dépôt de bilan pourrait être évité si elle était utilisée au bon moment.


La jurisprudence pose les jalons d’une situation qui devient une réalité. La prévention doit être intégrée par le dirigeant dans sa gestion quotidienne. Celui qui n’anticipe pas, peut s’exposer à des conséquences fâcheuses.


 


Statistiques (Congrès des juges consulaires 2019)


Les statistiques suivantes ont été communiquées lors du Congrès national des juges consulaires à Paris, présidé par Georges Richelme.


Le nombre d’entretiens de prévention réalisés par les 134 tribunaux de commerce en 2018 a atteint le chiffre de 16 270.


4 134procédures de mandats ad hoc et de conciliation ont été ordonnées en 2018 :


1 602 mandats ad hoc (+3.5 %)


2 532 conciliations (+75 %)


Le taux de réussite de ces procédures amiables atteint 70/75 % sur les dix dernières années.
Les procédures
ont concerné 152 000 salariés.


« Un score plus qu’honorable face aux procédures collectives, par ce que ces procédures sont confidentielles. »


Les préventions, d’un intérêt manifeste, restent toutefois insuffisantes.


« Le mandat ad hoc est un véritable couteau suisse qui doit être exploité comme un outil de gestion et de management par le dirigeant et son administrateur judiciaire. »


« La prévention doit être mise en avant par un effort de communication effectué par chaque président de tribunal de commerce » (Éric Feldmann, président du TC de Lille – Métropole – Congrès des juges consulaires – Paris 2019).


« Une justice qui fonctionne bien est une justice qui ne cesse de se moderniser et de se réformer ».


(Jean-François de Mongolfier – ministère de la Justice).


Michel Di Martino,

Doctorant en droit privé,

École doctorale DGEP-laboratoire CRJFC Besançon,

Président du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier


3 commentaires
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JSS
- il y a 4 ans
Bonjour,

Merci pour votre commentaire Edgard Antoine, voici la réponse de l’auteur :

"Tout d abord , il convient de noter que si la conciliation n'aboutit pas, le président met fin à celle-ci, sur la demande du débiteur et sans recours.
Si l'accord n'est pas respecté, le président prononce également la résolution de l'accord…
s'il y a cessation de paiement de plus de 45 jours… ouverture d un redressement judiciaire...
Si le délai n est pas respecté (4 + 1 mois maxi), le président met également fin à la conciliation, mais possibilité de reprise d'une nouvelle demande de conciliation après respect d'un délai de 3 mois (cas d'une conciliation laborieuse…).

Issue favorable d'une conciliation :
- accord respecté par les parties quant aux délais, remises etc... (cas fréquent), le débiteur et ses créanciers suivent leur chemin… dans le cadre de l'accord conclu.
- la conciliation peut être aussi le tremplin à la préparation d'une sauvegarde accélérée (SA) ou d une sauvegarde financière accélérée (SFA) (le passage par une conciliation étant un passage obligatoire pour préparer une SA ou une SFA).
- on peut aussi par une conciliation – sans cessation de paiement – préparer une sauvegarde (cas plus rare).
Nb : dommage que la SA et la SFA, procédures sur mesure, ne soient pas assez utilisées.
Dernière remarque : les conciliations (procédures confidentielles - sauf homologuées) ont en général, un bon taux de réussite, comme le mandat ad hoc, procédure amiable, un peu jumelle de la conciliation...
Edgard antoine
- il y a 4 ans
Y a t'il une suite traitant de la conciliation ?
AVALOR
- il y a 4 ans
Merci pour cet article. Pour repérer si une entreprise ou commerce sont en difficultés pensez à les évaluer
https://www.evaluation-commerce.com/
et
https://www.evaluation-entreprise.com/

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