La France dispose aujourd’hui d’une « boîte à outils » remarquable dans le domaine du droit
des entreprises en difficulté et reconnue en Europe. « Dans le domaine du droit des entreprises en difficulté, la
France, en Europe, n’est pas le meilleur élève mais le maître
d’école ! », déclarait le Professeur Pierre-Michel
Lecorre. Encore faut-il que les entreprises sachent se servir des outils rangés
à l’intérieur de cette boîte à outils : mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, sauvegarde
financière accélérée, sauvegarde accélérée, redressement judiciaire,
liquidation judiciaire et procédure de rétablissement professionnel. La loi a
prévu un dispositif pour chaque niveau de difficulté de l’entreprise. Afin de
mieux connaître ces différentes procédures, nous proposons à nos lecteurs une
nouvelle rubrique « l’Entreprise en
difficulté », que cet article inaugure.
Origine des
difficultés financières
De manière très simplifiée, on peut affirmer qu’une
entreprise est en difficulté financière lorsqu’elle ne dispose plus à échéance
très courte de la trésorerie nécessaire à la continuité de son exploitation.
Une difficulté financière n’a que très rarement pour
origine un seul facteur et ne survient pas d’un seul coup.
Ces difficultés sont toujours précédées d’incidents
tels que :
• non-paiement des salaires,
• retard dans le règlement des fournisseurs (impayés),
• échéances d’emprunt rejetées par la banque,
• non règlement des charges sociales et de la TVA aux échéances,
• etc.
La révélation de ces difficultés apparaît la plupart
du temps par une situation grave et préoccupante de la part de la banque de
l’entreprise provoquée par :
• appels journaliers avant de payer les chèques,
• refus de payer les traites à l’échéance - rejets,
• refus de payer les chèques,
• chèques impayés,
• suppression des concours bancaires par LR avec AR,
• etc.
Les difficultés peuvent avoir origine des causes
différentes :
Causes d’exploitation
• diminution des commandes,
• baisse du chiffre d’affaires,
• forte hausse du poste salaires et charges,
• diminution de la marge,
• baisse des prix de vente face à la concurrence,
• loyer élevé (zone commerciale),
• perte d’exploitation,
• etc.
Un dirigeant d’entreprise a toujours pour objectif de
développer son entreprise. Ce développement ne doit toutefois pas être réalisé
n’importe comment.
Règles
essentielles à respecter :
• ne pas faire la « course » au chiffre d’affaires, au détriment
de la rentabilité.
« Il n e suffit pas de faire du chiffre… Il faut faire du bon chiffre »,
• l’augmentation du chiffre d’affaires n’est pas toujours bénéfique. La
progression de chiffre d’affaires peut provoquer de sérieuses difficultés de
trésorerie.
Causes financières
• forte progression du besoin en
fonds de roulement (BFR) non financé,
• refus de prêt,
• échéances financières trop
importantes,
• structure financière déséquilibrée,
• autorisation de découvert en dépassement permanent,
• rupture de crédit,
• augmentation de l’endettement,
• dépôt de bilan d’un gros client,
• etc.
Investissements inappropriés
• investissement réalisé trop important,
• investissement mal financé,
• emprunt insuffisant,
• durée d’emprunt trop courte,
• retard dans les investissements.
En effet, le développement de l’activité va générer
un accroissement du besoin en fonds de roulement qui doit être financé par un
autofinancement suffisant ou par des capitaux stables.
Si ces financements ne sont pas prévus et organisés,
l’entreprise ira vers des problèmes financiers qui peuvent devenir graves et
provoquer des risques de liquidité.
Les nouveaux investissements nécessaires au
développement de l’entreprise doivent également être bien financés en montant
et en durée.
Ils ne doivent pas être financés par la trésorerie
courante, au détriment du BFR.
Rappelons la règle financière
d’or :
« Un investissement d’une certaine durée de vie, doit toujours être financé
par des capitaux de durée de vie équivalente. » Ceci, afin
de respecter l’harmonie emplois-ressources.
À
noter :
• ce sont souvent les achats d’investissement « perlés » au
cours de l’exercice qui, en les cumulant, peuvent représenter un montant
significatif,
• le financement de ces investissements est malheureusement toujours assuré
par la trésorerie courante au détriment du financement du besoin en fonds de
roulement,
• la solution, dans ce mauvais processus, est de solliciter auprès du
banquier ou autre, un financement « a posteriori » afin de régulariser le défaut de financement,
• ces constats sont souvent l’origine de difficultés qui peuvent amener
l’entreprise à se « présenter » devant le tribunal de commerce
ou le TGI pour demander l’ouverture d’une procédure amiable ou judiciaire.
Causes sociales
• taux de rotation du personnel trop important,
• démissions d’éléments « clés »,
• mouvements de grève,
• etc.
Causes extérieures à l’entreprise
• période de crise,
• hausse des taux d’intérêts,
• durcissement des conditions de crédit,
Des causes accidentelles ou totalement imprévues
peuvent également être à l’origine de difficultés :
• incendie,
• catastrophe naturelle,
• ou autre. Ex : Affaire Spanghero…
Dans tous les scénarios énoncés ci-dessus, le dirigeant a souvent tendance à s’enfermer,
à refuser la réalité et à s’isoler encore davantage.
Le dirigeant doit toujours prendre sa décision avant
que le niveau de trésorerie de l’entreprise ne compromette toute solution…
Ces difficultés, en faisant appel à la prévention du
tribunal de commerce peuvent être traitées et résolues dans la totale
confidentialité. Nous exposerons dans notre article les procédures de
préventions amiables et confidentielles accessibles aux entreprises en
difficulté. Cette prévention comprenant deux volets :
• la prévention détection,
• la prévention traitement,
Étant précisé que la sauvegarde, procédure de
prévention judiciaire et volontaire, fera l’objet d’un article prochain.
La
prévention-détection ou la procédure d’alerte du président
Dirigeants convocables
Peuvent être convoqués les dirigeants d’une société
commerciale, d’un groupement d’intérêt économique (GIE), ou d’une entreprise
individuelle commerciale ou artisanale.
La taille de l’entreprise n’a aucune incidence. Le président du tribunal de commerce peut
convoquer un dirigeant dès lors qu’un acte, un document ou une procédure laisse
apparaître « des difficultés de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation ». (Art L. 611-2 du Code de
commerce).
Il entendra le chef d’entreprise s’expliquer sur ses
difficultés et sur ses solutions de redressement.
Le magistrat informera le dirigeant sur les possibilités qui lui sont
offertes : mandat ad hoc, conciliation ou procédure de sauvegarde
ou constatera que l’entreprise est en cessation de paiement et qu’un
redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire… doit être engagé.
Cette procédure de convocation est confidentielle.
• L’alerte et la procédure de convocation par le président a été élargie au
président du tribunal de grande instance (TGI) (Ord. du 12/03/2014).
L’article L. 611-2-1 du Code de commerce attribue au président du TGI un
rôle comparable à celui du président du tribunal de commerce.
• La convocation par le président est applicable à l’entreprise individuelle
à responsabilité limitée (EIRL)
(Art L.611-2 du Code de commerce).
Président ou juge délégué
L’article L. 611-2 du Code de commerce attribue la compétence au seul
président du tribunal de commerce, mais le président peut naturellement
déléguer un autre magistrat de son tribunal.
Pouvoir discrétionnaire
Le président du tribunal (ou son délégué) est juge de
l’opportunité de convoquer, ou non, le dirigeant d’une entreprise en
difficulté.
S’il ne le convoque pas, aucun créancier n’est en droit
de lui reprocher cette abstention, même si les bilans annuels de l’entreprise
sont alarmants…
Signaux de détection de
l’entreprise en difficulté
• inscriptions de privilèges du Trésor Public et de l’URSSAF,
• « perte » de la moitié du capital,
• radiation à l’audience (à plusieurs reprises…) après une assignation en
redressement,
• injonctions de payer fréquentes,
• référés,
• procédure d’alerte du commissaire aux comptes,
• non-dépôt des comptes, etc.
C’est à partir de ces « signaux » que le
président ou le juge déclenche la convocation. Attention, le non-dépôt des
comptes n’est pas forcément révélateur de difficultés, mais il peut être retenu
dans certains cas. C’est plutôt lorsqu’une société cesse de publier ses comptes
que le tribunal peut déceler des signes de difficultés.
Statistiques : 80 % des sociétés qui déposent leur bilan
ont arrêté de produire leurs comptes sociaux les deux années qui ont précédé
leur dépôt de bilan.
Le président entend les explications du chef
d’entreprise sur sa situation et ses projets de rétablissement. Celui-ci peut
se faire assister par son conseil. Le président doit informer le dirigeant des
possibilités qui lui sont offertes :
• mandat ad hoc,
• conciliation,
• sauvegarde.
Ou lorsqu’il est constaté que la société est en état
de cessation de paiement, l’engager rapidement à demander l’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire… (si le
redressement est impossible).
Attention : le président ne doit pas donner de
conseil au dirigeant. Si malgré tout, le président donne un conseil, le chef
d’entreprise ne pourra en aucun cas s’en prévaloir pour dégager sa
responsabilité. En clair, l’entretien avec le magistrat n’exonère pas le
dirigeant de ses responsabilités (Cass.com. 30/11/93).
Non-présentation du dirigeant
En cas d’absence du chef d’entreprise, un
procès-verbal de carence doit être établi le jour même par le greffier, auquel
sera joint l’avis de réception de la convocation. Une copie du procès-verbal
est notifiée par le greffier par lettre recommandée avec accusé de réception au
chef d’entreprise absent. Ce procès-verbal est également déposé au greffe.
Confidentialité
La convocation est confidentielle et les créanciers
ne devront pas être au courant de l’entretien.
Procès-verbal d’entretien
L’entretien donne lieu à l’établissement d’un
procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien ainsi que
l’identité de toutes les personnes présentes. Le procès-verbal est signé par
toutes les personnes et par le président. Il est déposé au greffe. Lorsque le
président constate que le débiteur est en état de cessation de paiement depuis
plus de 45 jours,
et que ce débiteur ne réagit pas, le président doit informer le ministère
public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du
tribunal. Après cette information, le ministère public peut demander
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (ou de liquidation si le
redressement est impossible…) pour ce débiteur (Art L. 631-3-1).
Rappelons que la saisine d’office par le tribunal est
supprimée. Lorsqu’il est constaté que la cessation de paiement est inférieure à
45 jours,
le président peut proposer au débiteur l’ouverture d’une procédure de
conciliation, ou de mandat ad hoc.
La
prévention traitement – le mandat ad hoc
Le mandat ad hoc consiste à désigner un
mandataire indépendant des parties, dont la mission est d’assister un chef
d’entreprise, pour résoudre les difficultés qu’il rencontre avec ses
créanciers.
L’accord résultant du mandat peut porter sur la
totalité des créances détenues par un créancier, ou une partie seulement de
celles-ci (Cass.com. 13/10/1998).
Le mandataire aura souvent pour mission :
• de réétaler les dettes,
• d’aménager certains règlements,
• de solliciter des remises et des délais, etc.
Le mandat ad hoc peut permettre à un chef
d’entreprise de négocier la restructuration de ses dettes avec ses créanciers,
et cela, en toute discrétion. Le mandat ad hoc peut être sollicité
auprès du tribunal de commerce ou auprès du tribunal de grande instance selon
le tribunal dont relève l’entreprise.
NB : cette procédure n’est pas inconciliable
avec l’état de cessation de paiement du débiteur dès lors que cet état n’existe
pas depuis plus de 45 jours
(Pierre-Michel Lecorre et François-Xavier Lucas).
(Lire l’article « Mandat ad hoc et cessation
de paiement » – Journal Spécial des Sociétés n° 7 8 du 26/10/2019, Michel Di Martino).
Dès lors que la cessation de paiement est avérée et
a plus de 45 jours,
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire si le redressement est impossible, devient obligatoire.
Interdiction d’aggraver les
obligations du débiteur en mandat AD
HOC :
Est réputée non écrite toute clause qui modifie les
conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en
aggravant les obligations du débiteur, du seul fait de la désignation d’un
mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation ou
d’une demande formée à cette fin (Art L. 611-16) Ordonnance du 12 mars 2014.
• Le texte de l’ordonnance a repris mot pour mot la jurisprudence de la Cour
de cassation, dans le cas d’un contrat en cours dans un redressement
judiciaire : « Toute clause qui modifie les conditions de
poursuite d’un contrat en cours en
diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait
de sa mise en RJ est interdite ». (Cass.Com. du 14/01/2014)
• Cette disposition interdit par exemple le déclenchement de la clause de
déchéance du terme d’un emprunt, lors du recours à une procédure de prévention.
règlement européen sur
l’insolvabilité
À noter que toutes les procédures judiciaires et collectives françaises
sont comprises et visées par le règlement européen de 2015 sur l’insolvabilité,
à l’exception des procédures amiables et confidentielles : le mandat ad hoc et la conciliation.
Le mandat ad hoc n’est également pas concerné
par la compétence des tribunaux de commerce spécialisés.
Avantages du mandat ad hoc
• le mandataire est désigné par le président du tribunal de commerce (ou du
tribunal de grande instance),
• le débiteur peut proposer son candidat mandataire,
• la procédure est amiable et non judiciaire,
• l’entreprise sera « épaulée » par un spécialiste du traitement
des entreprises en difficultés,
• confidentialité : aucune publicité n’est faite sur la
procédure et sur l’accord conclu avec les créanciers. Les clients de l’entreprise ne sont, en
principe, pas au courant…
• le chef d’entreprise reste maître de son entreprise, J21 – art. L. 611-3 : le
débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les
délégués du personnel de la désignation d’un mandataire ad hoc,
• le mandataire ne s’immisce pas dans la gestion de l’entreprise,
• les créanciers acceptent en général l’accord négocié par le mandataire ad
hoc, afin d’éviter le dépôt de bilan,
• le mandat ad hoc n’est pas limité dans le temps : la durée de
la mission du mandat ad hoc, initialement fixée par le président dans
son ordonnance, peut être prolongée par plusieurs ordonnances successives.
Avantage important par rapport à la procédure de conciliation qui ne peut aller
au-delà de cinq mois,
• le traitement des cautions peut faire partie de l’accord conclu avec les
créanciers,
• le débiteur peut demander la cessation du mandat ad hoc à tout
moment.
Les inconvénients du mandat ad hoc
Généralement, le mandat ad hoc ne permet pas
d’obtenir un délai de règlement des créanciers aussi long que le délai accordé
lors d’une procédure de sauvegarde qui peut aller jusqu’à dix ans (15 ans pour les
agriculteurs).
À savoir
La demande de désignation d’un mandataire ad hoc
doit être effectuée auprès du :
• tribunal de commerce pour les commerçants, artisans, sociétés…,
• tribunal de grande instance pour les professions libérales, agriculteurs,
associations, SCP, syndicats, etc.
Par une simple requête écrite et motivée, accompagnée
des derniers bilans, de l’état des créances et des dettes, d’un plan de
financement et prévisionnel.
Remarque :
Il n’est pas interdit à une entreprise de démarrer un
mandat ad hoc et de poursuivre ce mandat par une procédure de
conciliation ou une procédure de sauvegarde… Le tout dans le respect du
principe de la cessation de paiement.
Fin du mandat ad hoc
Lorsque le débiteur en fait la demande, le président
du tribunal met fin sans délai à la mission du mandataire ad hoc.
Mandat ad hoc suivi d’une conciliation
La procédure de conciliation ne peut dépasser un
délai de cinq mois. Ce délai étant parfois trop court, il peut être
judicieux de débuter une procédure de mandat ad hoc pour se donner le
temps de négocier un accord avec ses créanciers et de terminer ensuite par une
procédure de conciliation (souvent homologuée).
Il n’est pas interdit :
• de faire suivre une conciliation d’un mandat ad hoc, afin de
finaliser celle-ci, lors d’une 2e conciliation ; en respectant
un délai de trois mois entre les deux conciliations,
• de demander l’ouverture d’une sauvegarde après un mandat ad hoc ou
une conciliation ; à la condition de ne pas être en cessation de paiement,
sauf sauvegarde accélérée et SFA.
Mandat ad hoc suivi d’une sauvegarde
« La sauvegarde est une procédure qui se prépare… j’en déduis la pertinence
d’un lien fort entre le mandat ad hoc et la sauvegarde ». J. Deharve ng, magistrat, Cahier de droit de l’entreprise,
2006.
Réflexion :
Le mandat ad hoc a ses limites. Il convient
de ne pas l’utiliser à faire « de l’acharnement préventif » et
abusif. Il n’a d’efficacité que pour résoudre certaines difficultés
financières. Si ces difficultés ne peuvent être solutionnées, il ne faut pas
hésiter à demander (rapidement) l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de
redressement judiciaire si la cessation de paiement est nettement
déclarée. En clair, ne sollicitez pas un
mandat ad hoc, lorsqu’une sauvegarde ou un redressement judiciaire sont
la solution de vos difficultés.
La loi n’a pas prévu la communication des
ordonnances de mandat ad hoc au ministère public. À noter toutefois que
la décision de nomination d’un mandataire ad hoc devra être communiquée
aux commissaires aux comptes, si le débiteur est soumis au contrôle légal de
ses comptes (Art. L. 611-3 du Code de commerce).
Les chefs d’entreprise devraient recourir plus
souvent au mandat ad hoc et ce, dès le début de leurs difficultés. Le
but du mandat ad hoc est d’éviter, ou de faire disparaître très
rapidement la cessation de paiement, par la négociation et l’obtention de délai
et de moratoires auprès des créanciers.
Jurisprudences :
• La nomination d’un mandataire ad hoc ne dispense pas le dirigeant
de procéder à la déclaration de la cessation de paiement lorsque les conditions
sont réunies, ni d’être sanctionné pour ne pas y avoir procédé (Cass. Com. Du
10/05/2005).
• Lorsqu’un mandat ad hoc est en cours, et que le dirigeant effectue
une déclaration de cessation de paiement, le tribunal peut juger opportun
d’entendre le mandataire ad hoc afin d’orienter l’ouverture de la
procédure (TGI de Douai – 30/04/2014) – Revue Proc. Collec. C. Delattre
– numéro 6/2014.
Rappelons que conformément à l’article L. 622-3-al.3, le tribunal peut
entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
• La présence du mandataire ad hoc ne prive pas le dirigeant de ses
pouvoirs, et ne le dispense pas de ses obligations (Cass.Com. 16/05/2016).
• La nomination d’un mandataire ad hoc ne dispense pas le dirigeant
de procéder à la déclaration de la cessation de paiement lorsque les conditions
sont réunies, ni d’être sanctionné pour ne pas y avoir procédé (Cass.com.
10/05/2005).
• Le mandat ad hoc est une procédure amiable purement contractuelle.
Un créancier, dans un mandat ad hoc, peut refuser les propositions du
mandataire ad hoc, sans pour cela être fautif. (Cass. com. 22/09/15 N° 14-17377).
Rémunération et choix du
mandataire
L’ordonnance qui désigne le mandataire ad hoc :
• définit l’objet
de la mission,
• fixe la rémunération du mandataire ad hoc.
Attention : la rémunération ne peut être liée au
montant des abandons de créances obtenus, ni faire l’objet d’un forfait pour
ouverture du dossier (Art L. 611-14 Code de commerce)
Le débiteur a la possibilité de choisir son
mandataire ad hoc. Le président ne peut désigner un mandataire ad hoc,
dont la désignation ne lui a pas été proposée par le débiteur, qu’après avoir
obtenu l’accord de celui-ci sur les conditions de sa rémunération (Art R. 611-47-1-al.2).
Attention : le président peut refuser une demande
de mandat ad hoc.
Mandat ad hoc et préparation d’un plan de cession
Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 et conformément
à l’article L. 642-2 du Code de commerce, des offres de cession peuvent
désormais être reçues ou formulées dans le cadre des démarches effectuées par
le mandataire ad hoc.
Ces offres doivent remplir les conditions prévues au II de l’article L. 642-2
et être satisfaisantes.
Le tribunal peut, dès lors, décider de ne pas faire
application des règles de l’article L. 642-2 (poursuite d’activité et non application du délai des
offres de reprise).
La cession sera ensuite finalisée par le plan de
cession réalisé dans le cadre de la procédure collective. (Sauvegarde,
redressement judiciaire ou liquidation judiciaire ouvertes ultérieurement).
L’avantage de ce « prépack cession » est manifestement la préparation
d’une reprise, accompagnée par un professionnel (le mandataire ad hoc)
et le président du tribunal.
Loi justice 21 du 18/11/2016 :
Lorsque la mission du mandataire ad hoc ou du
conciliateur a pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de
l’entreprise, ceux-ci rendent compte au tribunal des démarches effectuées en
vue de recevoir des offres de reprise, nonobstant l’article L. 611-15.
(Confidentialité). (Art.642-2 complétés).
Confidentialité en prévention
La confidentialité de la procédure de mandat ad
hoc est confirmée par l’article 611-15 comme pour la conciliation.
Toute personne qui est appelée à une procédure de
mandat ad hoc, ou qui par ses fonctions en a connaissance, est tenue à
la confidentialité.
La confidentialité du mandat ad hoc et de la
conciliation s’impose aussi au tiers qui doit la respecter, sous réserve,
qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public, sur une question
d’intérêt général. (Cass.Com.15/12/2015. N° 14-11-500).
« Lorsque
la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur avait pour objet
l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise, ceux-ci
rendent compte au tribunal des démarches effectuées en vue de recevoir des
offres de reprise, nonobstant l’article L. 611-15 » (loi J21).
« Le
tribunal de commerce est le gardien du temple des procédures amiables qui sont
confidentielles » (Éric Feldmann – Congrès des juges consulaires 2019).
Le juge à la prévention
Le juge de la prévention, qui est habituellement le
président ou son délégué, doit être un juge expérimenté et doté d’une bonne
expérience de la gestion d’entreprise et être à même d’apprécier et d’analyser
la situation financière d’une entreprise.
Il doit savoir lire et analyser un bilan et savoir
poser les bonnes questions…
Missions du juge à la prévention
Deux missions principales lui sont dévolues par la
loi :
• juge de la détection par l’article L. 611-2 du Code de commerce,
• juge chargé de la désignation d’un mandataire ad hoc (art. L. 611-3) ou
d’un conciliateur (Art. L. 611-6)
(sur demande).
Toutes ces missions sont confidentielles.
• juge à la prévention ne peut donner de conseils, • n’est toutefois pas interdit à un juge de faire de la pédagogie, parfois
nécessaire, pour un chef d’entreprise qui méconnaît toutes les procédures
qu’elles soient amiables ou judiciaires… C’est avec cette pédagogie qu’il
mettra le chef d’entreprise en état de s’exprimer sans réticence.
• il faut que le chef d’entreprise soit mis en confiance et que le
rendez-vous n’apparaisse pas comme un entretien de « sanctions »
surtout lorsque le juge est en présence d’un responsable d’entreprise honnête
et désorienté par les aléas conjoncturels,
• « Le juge doit savoir écouter le débiteur, mais également le mettre en
confiance, l’amener à parler avec franchise, lui manifester d’avantage
d’empathie que de méfiance » (Isabelle Rohart-Messager),
• « Il doit savoir conjuguer le comminatoire et le chaleureux » (Jean-Bertrand Drummen),
• le juge à la prévention doit sensibiliser le chef d’entreprise et l’aider
à régler et à anticiper ses difficultés. Par son action pédagogique, le juge
doit également savoir expliquer au dirigeant les risques de non-réaction,
• le niveau de l’endettement de l’entreprise et la durée des délais
nécessaires au redressement dicteront,
la plupart du temps, la solution juridique à mettre en place.
Ainsi :
• un mandat ad hoc ou une conciliation peut être mis en place si les
problèmes financiers rencontrés peuvent être solutionnés sur une durée de
quelques mois par un report, un étalement, un différé, une consolidation de
dette, ou encore une renégociation des emprunts,
• le renvoi vers le médiateur du crédit peut parfois être opportun lorsque
les difficultés ne sont que bancaires,
• un mandat ad hoc ne sera pas la solution, si les dettes importantes
nécessitent d’être restructurées sur une longue durée : une sauvegarde ou
le redressement judiciaire sera dans ce cas à préférer,
• attention au mandat ad hoc demandé par un débiteur très endetté, au
bord de la cessation de paiement, qui cherche le secret du mandat ad hoc
pour éviter la « publicité » d’une procédure collective,
• une procédure amiable n’a pas l’efficacité de restructuration du passif
apportée par une
procédure
collective,
• une liquidation judiciaire peut être vivement recommandée par le juge à la
prévention, si celui-ci constate une issue impossible au redressement et au
règlement du passif,
• le juge doit étudier toute solution, en fonction des possibilités
financières de l’entreprise ;
les possibilités doivent être réelles,
• enfin, toutes les mesures de prévention du monde ne pourront empêcher un
entrepreneur malchanceux ou peu doué d’être éliminé du monde des affaires…
La pédagogie du juge à la prévention peut sauver une
entreprise et ses emplois, si petite soit-elle, et c’est toujours cette mission
qui doit guider le juge.
« Il
est triste de constater la perte d’un emploi, mais il est encore plus
catastrophique de constater la disparition d’une entreprise » (Charles Gave – Journaliste
économiste).
La conciliation et la sauvegarde qui font également parties de la
prévention seront traitées dans des articles ultérieurs.
Responsabilité et faute de
gestion du dirigeant que ne recourt pas à la prévention
Chefs
d’entreprise attention !
La jurisprudence met en cause la responsabilité du
dirigeant d’entreprise qui connaissant des difficultés, s’est abstenu
d’utiliser les mesures de prévention mises à sa disposition. (TC de
Valenciennes – 019/07/2012), (CA de Douai – 04/12/2013), (Cass.Com. 08/07/2003)
Le recours à une procédure de prévention n’est plus
forcément dans certains cas une faculté… Les mesures de prévention amiables et
judiciaires sont de la part d’un chef d’entreprise, un acte volontaire, qui
peut participer au sauvetage de son entreprise.
Un dirigeant d’entreprise, par méconnaissance, par
négligence (ce qui est plus grave), ou par « peur » du
tribunal, peut être responsabilisé, pour ne pas avoir utilisé les dispositifs
de prévention. Les mesures de prévention sont facultatives mais vitales pour la
survie de l’entreprise. C’est à ce niveau que le juge peut sensibiliser le chef
d’entreprise en prévention, ou le rendre responsable dans le cas d’abstention
fautive.
Mandat ad hoc, conciliation et même la
sauvegarde sont des mesures de prévention mises à la disposition des
entreprises en difficultés. Le chef d’entreprise est parfaitement libre d’y
recourir ou non. Toutefois, son absence de réaction, face à ces mesures qui
contribueront au redressement de son entreprise, peut être qualifiée de faute
de gestion… Les dirigeants doivent prendre conscience que les mesures de
prévention doivent être initiées le plus en amont possible, la vie de
l’entreprise en dépend.
La prévention est un bon remède… beaucoup de dépôt de
bilan pourrait être évité si elle était
utilisée au bon moment.
La jurisprudence pose les jalons d’une situation qui
devient une réalité. La prévention doit être intégrée par le dirigeant dans sa
gestion quotidienne. Celui qui n’anticipe pas, peut s’exposer à des
conséquences fâcheuses.
Statistiques (Congrès des juges
consulaires 2019)
Les statistiques suivantes ont été communiquées lors
du Congrès national des juges consulaires à Paris, présidé par Georges
Richelme.
Le nombre d’entretiens de prévention réalisés par les
134 tribunaux
de commerce en 2018 a
atteint le chiffre de 16 270.
4 134procédures de mandats ad
hoc et de conciliation ont été ordonnées en 2018 :
• 1 602 mandats ad hoc
(+3.5 %)
• 2 532 conciliations (+75 %)
Le taux de réussite de ces procédures amiables atteint
70/75 % sur les dix dernières années.
Les procédures ont concerné 152 000 salariés.
« Un
score plus qu’honorable face aux procédures collectives, par ce que ces procédures sont confidentielles. »
Les préventions, d’un intérêt manifeste, restent
toutefois insuffisantes.
• « Le mandat ad hoc est un véritable couteau suisse qui doit
être exploité comme un outil de gestion et de management par le dirigeant et
son administrateur judiciaire. »
« La
prévention doit être mise en avant par un effort de communication effectué par
chaque président de tribunal de commerce
» (Éric
Feldmann, président du TC de Lille – Métropole – Congrès des
juges consulaires – Paris 2019).
« Une
justice qui fonctionne bien est une justice qui ne cesse de se moderniser et de
se réformer ».
(Jean-François de Mongolfier –
ministère de la Justice).
Michel Di Martino,
Doctorant en droit privé,
École doctorale DGEP-laboratoire CRJFC Besançon,
Président du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier