Le 12 novembre dernier, l’École nationale de
la magistrature, en présence de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a lancé le
PACT, un nouveau cycle de formation destiné aux professionnels déjà engagés
dans la lutte contre le terrorisme. Pendant un an, vingt participants déjà
aguerris dans ce domaine vont se retrouver au cours de cinq modules
thématiques pour approfondir leurs connaissances et pour échanger entre eux.
Objectif : décloisonner les différentes pratiques.
En décembre
2017, à l’École nationale de la magistrature (ENM), devant un parterre de
procureurs de la République et procureurs généraux, Nicole Belloubet, ministre
de la Justice, réclamait la mise en place d’un cycle de formation renforcé
contre le terrorisme, destiné aux acteurs judiciaires anti-terroristes
professionnels.
Certes,
depuis les attentats de 2015, l’ENM a mis en place de nombreux projets
innovants dans le domaine de la lutte anti-terroriste : partenariat avec
d’autres écoles de formation ou instituts pour permettre aux magistrats de
suivre des formations sur la radicalisation ; diffusion d’un outil
e-ressources sur la prévention de la radicalisation accessible à l’ensemble des
magistrats ; création du Cycle approfondi de lutte anti-terrorisme (CLAT)
destiné aux magistrats référents terroristes, etc. Cependant, il lui manquait
une session de formation destinée aux professionnels déjà engagés et aguerris,
qui leur permettrait de continuer à apprendre et à progresser.
Suite à une
première phase de consultation, au printemps 2018, est né le Parcours
approfondi de contre-terrorisme (PACT). Ce nouveau cycle spécialisé constitue
la 23e action du plan d’action gouvernemental contre le
terrorisme (qui en contient 32) présenté le 13 juillet 2018 par le Premier
ministre, Édouard Philippe. Le programme de cette formation a été élaboré en
partenariat avec les ministères de l’Intérieur et des Armées. « Ce
nouveau cycle est porté par une véritable ambition interministérielle, qui se
concrétise par le choix des participants, issus de trois ministères régaliens,
mais aussi par la sollicitation de nombreux partenaires », explique
Olivier Leurent, directeur de l’ENM, dans la plaquette de présentation de la
formation. Les 12 et 13 novembre 2018, les vingt participants de la
première promotion se sont retrouvés pour commencer leur parcours. Ils
viennent d’horizons très différents : magistrats anti-terroristes, du
siège comme du parquet ; magistrats référents terrorisme ; directeur
d’administration pénitentiaire ; représentants des ministères de
l’Intérieur et des Armées.
La formation
Ce nouveau
cycle de formation a pour objectif de répondre à une triple ambition :
permettre aux acteurs engagés dans la lutte contre le terrorisme d’actualiser
et d’approfondir leurs connaissances ; favoriser les échanges
interministériels sur les pratiques professionnelles ; étudier ce qui se
fait ailleurs en Europe afin d’acquérir une véritable culture européenne en la
matière.
« La
formation sera à partir de maintenant, le point de passage obligé pour exercer
les fonctions liées à l’anti-terrorisme » a déclaré Nicole Belloubet
dans son allocution lors du lancement du PACT. En effet, a-t-elle ajouté,
« comment gérer les affaires de terrorisme si on n’a pas un minimum de
clés géopolitiques pour comprendre la situation au Moyen-Orient, si l’on n’est
pas formé correctement aux outils de l’entraide pénale internationale, si on ne
nous a pas donné les bases sociales, économiques, psychologiques pour faire
face à des situations humainement extrêmement complexes ? ».
Dans le
détail, le PACT est composé de dix jours de formation répartis en
cinq modules entre novembre 2018 et octobre 2019.
Ces cinq séances ont été conçues de manière thématique. Chacune comporte
un point sur l’état de la menace terroriste dans une zone géographique du
monde, ainsi qu’une visite pour échanger avec d’autres acteurs de la lutte
anti-terroriste.
• Le premier
module inclut, entre autres, une conférence inaugurale réunissant tous les
magistrats spécialisés et tous les acteurs mobilisés pour la mise en œuvre du
PACT ; un état de la situation en zone irako-syrienne ; une visite
dans une unité d’intervention…
La deuxième
session, un état de la situation en • Libye et au Sahel ; des
échanges sur la prise en charge des victimes, une visite à l’Institut de
recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN)…
• Le troisième
module, un état des opérations extérieures en cours contre les groupes
terroristes ; des échanges sur le cyber terrorisme…
• La quatrième
séance, l’étude de modèles étrangers de contre-terrorisme ; une visite à
Europol comprenant notamment le Centre européen de contre-terrorisme (CECT)…
Le dernier module comprend un état de la situation en Asie du
Sud-Est ; une conférence-débat réunissant des professionnels européens de
la lutte contre le terrorisme.
Par sa
richesse et son ouverture, le PACT constitue pour la ministre de la Justice
« une brique supplémentaire dans l’architecture pour lutter contre le
terrorisme. » « Elle correspond à l’image que je me fais de
l’ENM, une école réactive, capable de s’adapter aux nécessités sociales
publiques, une école ouverte sur le monde » a-t-elle ajouté à l’adresse
du directeur de l’ENM, Olivier Leurent.
Lors de son intervention, Nicole Belloubet a également évoqué la
création d’un registre judiciaire européen en matière de terrorisme au sein
d’Eurojust. Une mesure proposée en juin dernier aux ministres de la Justice de
Belgique, d’Espagne et d’Allemagne : « Il permettra à Eurojust de
se doter d’une vraie capacité d’analyse des réseaux terroristes, et
d’identifier les liens entre les personnes mises en cause dans les enquêtes
ouvertes pour terrorisme au sein de différents États de l’Union
européenne », a-t-elle expliqué.
Maria-Angélica Bailly