Xavier
Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France, a accepté le 13
février dernier l’invitation de Jean Castelain, président du Cercle, et Danielle
Monteaux, déléguée générale. L’ancien ministre du gouvernement Villepin et des
gouvernements Fillon a délivré sa perception du contexte vécu dans l’Hexagone.
Xavier Bertrand a indiqué dans ses interviews, depuis
de nombreux mois, qu’un vent de colère sans précédent souffle sur le pays.
Pendant la campagne des régionales, bien avant la crise des « gilets
jaunes », il entendait déjà : « Vous, vous êtes un politique,
vous êtes responsable de toutes nos difficultés, on ne veut pas vous écouter ni
vous parler. Partez. » Or, souligne-t-il, la politique est un
engagement de communication. Si les gens refusent le dialogue, la rupture est
imminente. Les électeurs lui reprochaient d’avoir été ministre, député, et donc
d’être responsable de leurs problèmes. Malgré cette rancœur, Xavier Bertrand a
été élu. Il a immédiatement tenté de réagir dans les faits, en fonction de ce
que cette campagne lui a montré, c’est-à-dire l’émergence d’extrêmes en raison
du « ras-le-bol » de citoyens qui n’ont plus confiance en personne.
Cette colère unit les déclassés de longue date autant que ceux qui travaillent
ou ont travaillé, mais n’arrivent plus à s’en sortir. Sur les ronds-points, on
ne trouve pas principalement des chômeurs ou des personnes au RSA, mais des
salariés, des indépendants, des retraités. Le président des Hauts-de-France
constate sans concession que le problème principal se tient là : lorsque,
dans un pays, des actifs ou des ex-actifs ne bouclent pas les fins de mois,
c’est grave.
Les salaires français ne sont pas élevés, parce que
notre pays a fait le choix d’une importante protection sociale qui apporte des
garanties. De plus, un ensemble de facteurs se sont amalgamés : la
question des 35 heures
a abouti à des blocages de salaires sur plusieurs années ; le passage à
l’euro a été durement ressenti en termes de pouvoir d’achat ; l’Hexagone
n’a pas connu une seule bonne année depuis la crise de 2008. À cela, s’ajoutent
les dépenses contraintes comme le logement, les difficultés de transport, les
frais d’abonnement divers. La question du carburant a agi comme un déclencheur,
en réaction à un cumul de problèmes de plusieurs décennies.
Le grand débat amènera une interrogation
sous-jacente à son issue. Comment faire redémarrer le pays ? Le premier
souci est économique et social, il s’appelle pouvoir d’achat, revenu. Sans
réponse sur ce point, le redémarrage parait compromis et les réformes majeures
seront exclues des trois années qui viennent. Selon Xavier Bertrand, nous
connaissons une overdose fiscale. Pour beaucoup de nos gouvernements, les
problèmes se sont réglés, sans courage, à coup de création de taxes. Il faut
rompre avec cette habitude. Pour l’ancien ministre, la baisse de la fiscalité
s’aménage entre l’impôt, les taxes et les cotisations.
Appel à la destitution, à la démission, à la
dissolution, l’histoire de la France a déjà été parsemée d’accès de violence.
Il appartient à chacun de s’abstenir de l’encourager. Nicolas Sarkozy n’a pas
été réélu, son successeur n’a pas pu se représenter. Si l’actuel président ne
finit pas son mandat, alors, Xavier Bertrand l’affirme, notre pays sera
ingouvernable. Faire barrage aux extrêmes qui propagent des idées dangereuses
s’impose. Leur poussée s’explique par la misère et la colère qu’elle engendre.
La posture morale n’a plus d’effet. Il faut donc s’attaquer aux causes qui
créent la misère, mener une politique efficace. La politique est souvent
critiquée, mais convertir les défis en solution n’est pas si simple.
Sans l’Europe, les Français ne peuvent pas réussir.
66 millions
d’individus dans le concert international ne pèsent pas lourd. Le président des
Hauts-de-France est catégorique : dans la période actuelle de « stop
ou encore », c’est forcément encore. Mais il faut sans doute recentrer
l’action européenne. Quand, par exemple, la Banque centrale européenne (BCE) a
pour seul objectif de lutter contre l’inflation dans ses traités, ce n’est pas
suffisant. L’idée qu’elle participe à une politique pour l’emploi et la
croissance serait la bienvenue. Le départ des Anglais sonne comme une mauvaise
nouvelle. Bien sûr, établir les conditions du divorce paraît essentiel, mais la
relation future présente au moins autant d’intérêt. Or, personne ne se penche
sur cette question.
Le gouvernement actuel a pensé que la croissance
ferait mécaniquement baisser le chômage. Il s’est fourvoyé, et, aujourd’hui, la
question du pouvoir d’achat obsède tous les esprits, constate l’invité du
Cercle.
Elle touche les salariés, les indépendants, les retraités, les chômeurs. 3,5 millions de personnes
n’ont pas de travail du tout et 5 à 6 millions n’accèdent pas à un emploi durable. Notre chômage de masse nous
réserve des lendemains terribles, augure Xavier Bertrand. Nous avons besoin
d’une stratégie, d’une union nationale pour l’emploi. Pourtant, tout le monde
le constate, trouver le profil attendu est un casse-tête dans les entreprises.
En politique, il faut une vision claire de ses
intentions et un plan réaliste pour les mettre en place. Malheureusement,
souligne l’invité, nos présidents épousent tous la même trajectoire : pour
eux, l’excitation, c’est la conquête du pouvoir, alors que l’important, c’est
l’exercice du pouvoir, la transformation, la réussite des réformes. Pour cela,
il faut savoir ce que vous voulez faire, comment le faire, et avec qui.
Les prochains dîners débat du Cercle se feront
autour de :
• Michel Sapin le 20 mars ;
• Gilles Kepel le 16 mai ;
• Bruno Retailleau le 11 juin.
Renseignements et inscriptions auprès de Danielle
Monteaux (danielle.monteaux@wanadoo.fr).
C2M