ACTUALITÉ

Le droit des activités spatiales, un droit méconnu

Le droit des activités spatiales, un droit méconnu
Publié le 15/06/2017 à 17:50

La première réaction lorsque le droit des activités spatiales est évoqué est de demander s’il a vocation à régir les relations avec les extraterrestres. Le droit des activités spatiales recouvre en réalité un tout autre champ d’application, qui relève moins de la fiction.


Un encadrement légal international des activités spatiales


À l’origine, les activités spatiales étaient menées par les états et c’est donc tout naturellement que le droit de l’espace a vu le jour au sein de l’ONU avec la création en 1959 de l’UNCOPUOS1, organe spécifiquement chargé des affaires spatiales. La création de cet organe a fait suite au lancement du premier satellite artificiel Sputnik-1 en 1957.


L’ONU proposa le premier texte en matière spatiale : la Déclaration des principes juridiques régissant les activités des états en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique (adoptée en 1963?par l’Assemblée générale de l’ONU). Cette Déclaration a été suivie de l’élaboration de cinq traités internationaux de 1967 à 1979 qui ont pour objet d’encadrer les activités étatiques d’accès à l’espace, d’utilisation de l’espace et de coopération, mais aussi de poser un certain nombre de règles visant à déterminer le régime juridique des activités menées dans l’espace extra-atmosphérique.


Le droit de l’espace revêt indéniablement un caractère universel, à l’instar du droit de la haute mer et des fonds marins. Ainsi, l’article 1er du Traité de 19672 précise que les activités spatiales doivent s’effectuer pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays. C’est à partir de ce caractère universel que nous pouvons résumer les principes fondamentaux du droit de l’espace comme suit. D’une part, un refus d’application du principe de souveraineté à l’espace extra-atmosphérique, principe que certains états ont tenté en vain de battre en brèche. D’autre part, un principe de liberté des activités spatiales. Ce deuxième principe comprenant l’accès libre aux régions spatiales situées au-delà de l’espace aérien des états, la liberté d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. Enfin, un principe d’affectation de l’espace à l’humanité tout entière.


Les traités ont également mis en place un régime juridique spécifique applicable à l’espace extra-atmosphérique. Il découle de ce régime que les états, considérés comme état de lancement au titre des Traités, supportent une obligation d’immatriculation des objets spatiaux3, ainsi qu’une responsabilité. Tout d’abord, il pèse sur les états de lancement une obligation d’immatriculation des objets spatiaux pour déterminer la nature et l’origine d’un objet lancé dans l’espace, mais aussi pour connaître l’état qui supportera la responsabilité internationale attachée à cet objet spatial. En l’absence d’immatriculation, l’état de lancement ne pourra bénéficier des dispositions du droit de l’espace et il devra être fait application du droit international public général. Pour ce qui concerne la responsabilité, celle-ci recouvre double signification. Il y a tout d’abord une responsabilité en cas de dommages causés à des tiers du fait d’une opération spatiale. Le régime de cette responsabilité est détaillé par la Convention de 19724. Cette responsabilité est qualifiée d’absolue dès lors qu’un dommage est causé sur terre ou dans l’espace aérien, la victime est ainsi exemptée de démontrer la faute de l’état de lancement, il lui appartiendra juste de prouver qu’elle a subi un dommage causé par un objet spatial. L’objectif étant ici de faciliter les recours des victimes contre un état de lancement. En revanche, la responsabilité est dite « pour faute » dès lors que le dommage survient dans l’espace extra-atmosphérique, ceci s’explique par le fait que dans ce cas, les dommages sont causés à un autre état de lancement au titre des Traités. La seconde responsabilité supportée par les états de lancement est une responsabilité de contrôle, de surveillance, de vérification portant sur l’activité spatiale relevant de sa responsabilité internationale. Ainsi, l’état de lancement se doit de vérifier que l’activité en cause est conforme au droit international d’un point de vue technique et juridique.


L’intervention des réglementations nationales pour gérer les activités spatiales privées et commerciales


Ainsi, l’objectif des textes internationaux est de régler les relations internationales entre les états du fait de leur activité spatiale. Les années 1970 et surtout 1980 ont vu, cependant, l’essor des activités spatiales privées et commerciales, notamment par la création de sociétés privées de lancement permettant d’offrir des services de lancements à des sociétés privées d’exploitation de satellites commerciaux.


De ce fait, le droit de l’espace se devait de s’adapter à ces nouvelles activités purement privées. Les États-Unis ont été le premier États à se doter d’une législation dédiée aux activités spatiales menées par des entités privées relevant de l’application de la loi américaine (US Commercial Space Launch Act de 1984 plusieurs fois amendé). D’autres États, tels que la Grande-Bretagne (Outer-Space Act de 1986), ont rapidement suivi les États-Unis. Il fallut attendre 2008 pour que la France se dote d’une législation spécifique aux activités spatiale, par l’adoption de la loi relative aux opérations spatiales du 3 juin 2008 numéro 2008-518.


Ces législations nationales ont des champs d’application différents, mais ont en point commun d’encadrer par le biais de régime d’autorisation ou de licence les activités des entités privées tombant sous l’application de ces lois. En effet, les États supportent une responsabilité internationale au titre des traités internationaux du fait des activités spatiales menées par les entités privées ressortissantes, il leur est donc impératif d’autoriser, contrôler et surveiller les activités spatiales privées ou à des fins commerciales. Certaines législations posent aussi le régime juridique de la responsabilité qu’elles font peser sur les entités privées et ce afin de répercuter à tout le moins partiellement la responsabilité internationale pesant sur l’état de rattachement. (…)


1) United Nations Committee on the Peaceful Uses of Outer Space, comprenant un sous-comité technique et un sous-comité juridique

2) Traité sur les principes régissant les activités en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique du 10 octobre 1967

3) Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique du 15 septembre 1976

4) Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux du 1er septembre 1972


Cécile Gaubert,

avocate à la cour



Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 47 du 14 juin 2017

S’abonner au journal


 


0 commentaire
Poster

Nos derniers articles