La première réaction lorsque le droit des activités
spatiales est évoqué est de demander s’il a vocation à régir les relations avec
les extraterrestres. Le droit des activités spatiales recouvre en réalité un
tout autre champ d’application, qui relève moins de la fiction.
Un
encadrement légal international des activités spatiales
À l’origine, les activités spatiales étaient menées par les états et c’est donc tout naturellement
que le droit de l’espace a vu le jour au sein de l’ONU avec la création en 1959 de l’UNCOPUOS1, organe spécifiquement chargé des affaires
spatiales. La création de cet organe a fait suite au lancement du premier
satellite artificiel Sputnik-1 en 1957.
L’ONU proposa le premier texte en matière spatiale : la
Déclaration des principes juridiques régissant les activités des états en matière d’exploration et
d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique (adoptée en 1963?par l’Assemblée générale de l’ONU). Cette Déclaration a été suivie de
l’élaboration de cinq traités internationaux de 1967 à 1979 qui ont pour objet d’encadrer les activités étatiques
d’accès à l’espace, d’utilisation de l’espace et de coopération, mais aussi de
poser un certain nombre de règles visant à déterminer le régime juridique des
activités menées dans l’espace extra-atmosphérique.
Le droit de l’espace revêt indéniablement un caractère universel, à
l’instar du droit de la haute mer et des fonds marins. Ainsi, l’article 1er du Traité de 19672 précise que les activités spatiales doivent s’effectuer pour le bien et
dans l’intérêt de tous les pays. C’est à partir de ce caractère universel que
nous pouvons résumer les principes fondamentaux du droit de l’espace comme
suit. D’une part, un refus d’application du principe de souveraineté à l’espace
extra-atmosphérique, principe que certains états
ont tenté en vain de battre en brèche. D’autre part, un principe de liberté des
activités spatiales. Ce deuxième principe comprenant l’accès libre aux régions
spatiales situées au-delà de l’espace aérien des états, la liberté d’exploration et d’utilisation de l’espace
extra-atmosphérique. Enfin, un principe d’affectation de l’espace à l’humanité
tout entière.
Les traités ont également mis en place un régime juridique spécifique
applicable à l’espace extra-atmosphérique. Il découle de ce régime que les états, considérés comme état de
lancement au titre des Traités, supportent une obligation d’immatriculation des
objets spatiaux3, ainsi qu’une responsabilité. Tout d’abord, il pèse
sur les états de lancement une obligation d’immatriculation des objets spatiaux
pour déterminer la nature et l’origine d’un objet lancé dans l’espace, mais
aussi pour connaître l’état qui supportera la responsabilité internationale
attachée à cet objet spatial. En l’absence d’immatriculation, l’état de lancement ne pourra bénéficier
des dispositions du droit de l’espace et il devra être fait application du
droit international public général. Pour ce qui concerne la responsabilité,
celle-ci recouvre double signification. Il y a tout d’abord une responsabilité
en cas de dommages causés à des tiers du fait d’une opération spatiale. Le
régime de cette responsabilité est détaillé par la Convention de 19724.
Cette responsabilité est qualifiée d’absolue dès lors qu’un dommage est causé
sur terre ou dans l’espace aérien, la victime est ainsi exemptée de démontrer
la faute de l’état de lancement,
il lui appartiendra juste de prouver qu’elle a subi un dommage causé par un
objet spatial. L’objectif étant ici de faciliter les recours des victimes
contre un état de lancement. En
revanche, la responsabilité est dite « pour faute » dès lors
que le dommage survient dans l’espace extra-atmosphérique, ceci s’explique par
le fait que dans ce cas, les dommages sont causés à un autre état de lancement au titre des Traités.
La seconde responsabilité supportée par les états
de lancement est une responsabilité de contrôle, de surveillance, de vérification
portant sur l’activité spatiale relevant de sa responsabilité internationale.
Ainsi, l’état de lancement se
doit de vérifier que l’activité en cause est conforme au droit international
d’un point de vue technique et juridique.
L’intervention
des réglementations nationales pour gérer les activités spatiales privées et
commerciales
Ainsi, l’objectif des textes internationaux est de régler les relations
internationales entre les états
du fait de leur activité spatiale. Les années 1970 et surtout 1980 ont vu, cependant, l’essor des activités spatiales
privées et commerciales, notamment par la création de sociétés privées de
lancement permettant d’offrir des services de lancements à des sociétés privées
d’exploitation de satellites commerciaux.
De ce fait, le droit de l’espace se devait de s’adapter à ces nouvelles
activités purement privées. Les États-Unis ont été le premier États à se doter
d’une législation dédiée aux activités spatiales menées par des entités privées
relevant de l’application de la loi américaine (US Commercial Space
Launch Act de 1984 plusieurs fois amendé). D’autres États, tels que la
Grande-Bretagne (Outer-Space Act de 1986), ont rapidement suivi les
États-Unis. Il fallut attendre 2008 pour que la
France se dote d’une législation spécifique aux activités spatiale, par
l’adoption de la loi relative aux opérations spatiales du 3 juin 2008 numéro 2008-518.
Ces législations nationales ont des champs d’application différents,
mais ont en point commun d’encadrer par le biais de régime d’autorisation ou de
licence les activités des entités privées tombant sous l’application de ces
lois. En effet, les États supportent une responsabilité internationale au titre
des traités internationaux du fait des activités spatiales menées par les
entités privées ressortissantes, il leur est donc impératif d’autoriser,
contrôler et surveiller les activités spatiales privées ou à des fins
commerciales. Certaines législations posent aussi le régime juridique de la
responsabilité qu’elles font peser sur les entités privées et ce afin de
répercuter à tout le moins partiellement la responsabilité internationale
pesant sur l’état de
rattachement. (…)
1) United Nations Committee on the Peaceful
Uses of Outer Space, comprenant un sous-comité technique et un sous-comité
juridique
2) Traité sur les principes régissant les
activités en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique
du 10 octobre 1967
3) Convention sur l’immatriculation des objets
lancés dans l’espace extra-atmosphérique du 15 septembre 1976
4) Convention sur la responsabilité
internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux du 1er
septembre 1972
Cécile Gaubert,
avocate à la cour
Retrouvez
la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 47 du 14 juin
2017
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