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Le projet de loi Pacte dévoilé : quelles mesures en faveur des entreprises ?

Le projet de loi Pacte dévoilé :  quelles mesures en faveur des entreprises ?
Publié le 05/07/2018 à 12:37

Très attendu par les chefs d’entreprise, le projet de loi Pacte a finalement été présenté par Bruno Le Maire le 18 juin dernier. Le point sur les principales propositions annoncées.


Après plusieurs reports en avril et en mai, c’est finalement le 18 juin dernier que le ministre de l’économie a présenté, en Conseil des ministres, son Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), qui tend à simplifier la vie des entreprises et à les rendre plus compétitives. Passée une première phase de consultation par des groupes de parlementaires et de chefs d’entreprise, lancée en octobre 2017, 31 propositions avaient fait l’objet d’une consultation publique, entre janvier et février : au total, plus de 12 000 contributions avaient été recueillies par près de 8 000 personnes.


Au terme de huit mois de gestation, ce texte fleuve hétéroclite de 70 articles ambitionne, selon Bruno Le Maire, « de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois » en « levant les obstacles à la croissance des entreprises à toutes les étapes de leur développement, de leur création à leur transmission, en passant par leur financement ».


Le projet de loi, qui doit désormais être examiné au Parlement en septembre prochain, vise en priorité les PME et les ETI, « trop petites pour exporter », alors même que, selon l’INSEE, ce sont elles qui créent de l’emploi en France : plus de 100 000 pour les PME et près de 340 000 pour les ETI, entre 2009 et 2015, au contraire des TPE qui accusent une perte d’environ 100 000 postes sur cette même période.


Mais toutes ces mesures annoncées ont un coût : Bercy devra trouver « 1,1 milliard d’euros en 2019, puis 1,2 milliard en 2020 », a indiqué Bruno Le Maire.


Si Pacte semble faire l’impasse sur la fiscalité des entreprises, et notamment les charges salariales, que certains entrepreneurs dénoncent comme principaux facteurs bloquants de la croissance des entreprises, plusieurs points « phares » peuvent être relevés.


Faciliter la création d’entreprise


Une plateforme unique pour créer son entreprise en ligne


Alors que seules 39 % des entreprises ont été créées en ligne en 2016 hors microentreprises, et que « l’absence de dématérialisation totale du processus entraîne des délais trop longs », estime le ministère de l’Economie, le projet de loi prévoit la mise en place progressive – à l’horizon 2021 – d’une plateforme en ligne unique, qui accueillera toutes les formalités administratives de l’entrepreneur, quelles que soient l’activité et la forme juridique choisie. Cette dernière remplacera les centres de formalités des entreprises gérés par sept réseaux habilités : les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat, les greffes de tribunaux de commerce, la Chambre nationale de la batellerie artisanale, l’URSSAF, les chambres d’agriculture et les services des impôts.


Un seul registre des entreprises


Pacte envisage de fusionner les registres et répertoires d’entreprises existants (registre du commerce et des sociétés, Répertoire des métiers, Siren, etc.) qui comprennent les informations relatives à la création, l’identification et la vie des entreprises, au profit d’un registre unique de publicité de ces informations. Le but affiché : éviter les coûts redondants liés à la double immatriculation, et simplifier les démarches administratives. Là encore, une transition progressive sera assurée d’ici 2021.



Modification du régime des annonces judiciaires et légales


Le dispositif d’annonces judiciaires et légales en place sera revu afin de réduire les coûts pour les entreprises, qui paient actuellement « 200 000 euros en moyenne pour la publication d’une annonce au moment de leur création », avance le ministère de l’économie dans le document de présentation du projet de loi Pacte. Ainsi, si seule la presse imprimée est actuellement habilitée à publier des annonces judiciaires et légales, les services de presse en ligne le seront également. Par ailleurs, les publications habilitées, qu’elles soient imprimées ou numériques, ne pourront consacrer plus de 50 % de leur contenu à la publicité ou aux annonces. (Les journaux qui publient quasi-exclusivement des annonces sans produire un contenu d’information locale suffisant seront cependant exclus du dispositif). Une tarification au forfait sera en outre instaurée pour les annonces relatives à la création d’entreprise, qui sera également mise en place pour les autres types d’annonces relatives à la vie des entreprises.


Une telle mesure fait déjà grincer des dents chez la presse imprimée, qui, en se faisant ravir son monopole et imposer un seuil, craint une perte de revenus. Pour tenter d’arrondir les angles, Pacte a ainsi prévu que la tarification diminue progressivement sur une période de cinq ans afin de laisser le temps aux éditeurs de presse d’adapter leur modèle économique.



Simplifier la vie des entreprises


Relèvement des seuils de certification légale des comptes


Est prévu d’alléger les obligations pesant sur les petites entreprises afin de « faciliter leur développement », notamment en relevant les seuils de certification légale des comptes par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen, c’est-à-dire huit millions d’euros de chiffre d’affaires, quatre millions d’euros de bilan, et 50 salariés. En effet, la certification des comptes pour les entreprises situées en dessous des seuils européens coûte en moyenne 5 500 euros ; soit 0,17  % du chiffre d’affaires des petites entreprises, selon l’Inspection générale des finances.


La publication du rapport de cette dernière, préconisant ce rehaussement des seuils, a cependant largement mobilisé les commissaires aux comptes dernièrement, qui jugent que cette mesure aura pour effet de supprimer en France au moins 80 % des mandats de l’ensemble de l’exercice professionnel dans les sociétés commerciales (soit 40 % des honoraires). Si le Conseil d’État relève que « cette mesure est susceptible de réduire d’environ 25 % le marché du contrôle légal, au détriment, principalement, de ceux des commissaires aux comptes dont les entreprises qui ne seraient plus soumises à l’obligation de certification constituent la majeure partie de la clientèle », il estime néanmoins qu’elle poursuit un « objectif d’intérêt général » et que « le projet d’article n’a pas pour effet de faire disparaître les prestations de certification des comptes, qui demeureront obligatoires pour les moyennes et grandes entreprises, les entités d’intérêt public au sens du droit de l’Union européenne ainsi que certaines opérations capitalistiques ».


Le ministère de l’économie, conscient que ce relèvement des seuils d’audit « constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes » et « implique une évolution en profondeur de son activité », a lancé une mission sur l’avenir de cette profession pour identifier de nouveaux axes de développement et présentera un plan d’action à l’été 2018.



Supprimer le forfait social sur l’intéressement et la participation


Pour « faciliter les accords d’intéressement », dispositif facultatif permettant d’associer financièrement l’ensemble des salariés et des dirigeants aux performances de l’entreprise, le forfait social sera supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de cinquante salariés. En effet, si le forfait social, contribution affectée à la Sécurité sociale, avait été fixé à 2 % lors de sa création en 2009, ce dernier a connu une nette inflation, pour atteindre 20 % aujourd’hui. Tandis que cette contribution sera donc supprimée pour de nombreuses entreprises, l’intéressement sera, de son côté, étendu au conjoint du chef d’entreprise lié par un PACS qui dispose du statut de conjoint collaborateur ou associé, comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre d’un mariage.



Simplifier les seuils applicables aux PME


Le ministère de l’économie le déplore : 199 seuils d’effectifs sont répartis en 49 niveaux pour les PME, avec des modes de calcul multiples, aux spécificités propres à chaque législation (Code de la sécurité sociale, Code du travail, Code de commerce…). Le projet de loi ambitionne donc « d’alléger et de simplifier les obligations liées aux seuils » : le seuil de 20 salariés sera supprimé, à l’exception du seuil d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) ; et les seuils de 10, 25, 100, 150, 200 seront également supprimés. D’autres seuils seront rehaussés à 50 salariés, tels que la participation de l’employeur à l’effort de construction (PEEC), par exemple. D’autre part, les modes de calcul des effectifs seront harmonisés sur celui du Code de la sécurité sociale, « plus favorable aux entreprises et le plus facilement applicable à toutes les obligations », estime le ministère. Dernier point à préciser : les obligations seront effectives uniquement lorsque le seuil sera franchi pendant cinq années consécutives. Si l’effectif de l’entreprise diminue et revient à un niveau inférieur au seuil, le seuil devra à nouveau être atteint durant cinq années consécutives pour générer l’obligation. Le projet de loi entend de cette manière protéger les entreprises dont les effectifs fluctuent et lever les freins à l’embauche.


Mieux gérer les difficultés


Faciliter le rebond des entrepreneurs


Une procédure de liquidation judiciaire dure environ deux ans et demi, pointe le ministère de l’économie dans le document qui présente le projet de loi.
Une période « durant laquelle un entrepreneur ne peut pas démarrer de nouvelle activité », ajoute-t-il. Son souhait : réduire les délais et les coûts d’une procédure de liquidation judiciaire et améliorer leur prévisibilité, « afin de permettre le rebond des entrepreneurs ayant connu l’échec ». Le projet de loi propose à cet effet d’étendre la liquidation judiciaire simplifiée, plus courte que les procédures habituelles. Cette dernière permet en effet de clôturer une procédure dans un délai maximum de six à neuf mois pour les entreprises qui n’emploient pas plus d’un salarié et qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 300 000
euros ; et de 12 à 15 mois pour celles réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750 000 euros. Elle deviendra la norme pour les petites et moyennes entreprises de moins de cinq salariés.


Par ailleurs, le rétablissement professionnel, qui permet l’effacement des dettes des entreprises sans salarié et détenant moins de 5 000 euros d’actifs, sera proposé à toutes les entreprises éligibles pour favoriser le rebond des entrepreneurs.


Harmonisation des procédures préventives d’insolvabilité


La transposition de la directive européenne « insolvabilité » voulue par Pacte vise à harmoniser les procédures préventives d’insolvabilité dans l’Union européenne et à en améliorer l’efficacité – notamment en introduisant un nouveau mécanisme d’adoption des plans de restructuration. En effet, les règles actuelles en matière d’insolvabilité différant d’un État membre de l’Union européenne à l’autre, les entrepreneurs ne bénéficient pas tous des mêmes chances pour se libérer des dettes qu’ils ont contractées dans leur activité.



Faciliter la transmission d’entreprise


Si plus de 50 % de transmissions patrimoniales d’entreprise sont réalisées en Allemagne et en Italie, ce chiffre n’atteint que 14 % en France. Pour booster la transmission de l’entreprise dans l’Hexagone, le projet de loi prévoit un assouplissement des obligations liées au pacte Dutreil. Pour rappel, l’objectif de ce dispositif est d’éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise ne soient obligés, à son décès, de vendre l’activité familiale pour payer les droits de succession. Le pacte Dutreil permet donc, sous certaines conditions, une exonération de 75 % de l’assiette des droits de mutation en cas de donation ou transmission de titres sociaux.
Un dispositif efficace mais jugé jusqu’à maintenant très complexe par les entreprises.



Soutenir l’activité des PME


Soutenir les PME à l’export


Seules 125 000 PME françaises exportent contre 220 000 en Italie et 300 000 en Allemagne. Face à ces chiffres, le ministère de l’économie annonce qu’un guichet unique de l’export sera créé dans chaque région, et qu’une plateforme numérique de solutions d’accompagnement sera mise en place « pour mieux préparer les PME à l’international » selon ses termes, sous une « gouvernance resserrée » de Business France. Bpifrance, qui prend un rôle de plus en plus significatif dans le financement des projets internationaux des entreprises françaises, devrait, à terme, devenir l’unique interlocuteur public en la matière. Par ailleurs, une « préparation à l’internationalisation sera élaborée pour répondre aux besoins des dirigeants de PME », a indiqué le ministère, restant vague sur cette dernière.


Propriété industrielle


La protection de l’innovation d’une entreprise étant complexe, « les PME françaises déposent quatre fois moins de brevets que les PME allemandes », rapporte le ministère de l’Economie, qui indique par ailleurs que seules 21 % des PME sont dépositaires de brevets d’invention, contre 57  % des grands groupes. La piste envisagée consiste en une demande provisoire de brevet, qui permettra de créer une demande provisoire de brevet d’une durée limitée à douze mois. Cela doit constituer, toujours selon le ministère, une « première marche d’accès au brevet, à la fois simplifiée et à coût réduit pour les PME ».
La demande de brevet pourra être complétée par la suite, à mesure que l’entreprise avance dans l’instruction du brevet, tout en préservant le bénéfice de l’antériorité. Pour parachever cet ensemble, une procédure d’opposition aux brevets délivrés devant l’INPI sera créée. Cette dernière est censée constituer « une alternative plus simple à l’unique recours judiciaire en place aujourd’hui et permettra d’attaquer à moindre coût les brevets de faible qualité, notamment dépourvus d’inventivité ». Le certificat d’utilité, quant à lui, sera allongé de six à dix ans, et pourra être transformé en demande de brevet si l’invention de l’entreprise nécessite une protection plus forte.


Bérengère Margaritelli


 


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