Très attendu
par les chefs d’entreprise, le projet de loi Pacte a finalement été présenté
par Bruno Le Maire le 18 juin dernier. Le point sur les principales
propositions annoncées.
Après plusieurs reports en avril et en mai, c’est
finalement le 18 juin
dernier que le ministre de l’économie
a présenté, en Conseil des ministres, son Plan d’action pour la croissance et
la transformation des entreprises (Pacte), qui tend à simplifier la vie des
entreprises et à les rendre plus compétitives. Passée une première phase de
consultation par des groupes de parlementaires et de chefs d’entreprise, lancée
en octobre 2017, 31 propositions avaient fait l’objet d’une consultation
publique, entre janvier et février : au total, plus de 12 000
contributions avaient été recueillies par près de 8 000 personnes.
Au terme de huit mois de gestation, ce texte fleuve
hétéroclite de 70 articles ambitionne, selon Bruno Le Maire, « de
donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et
de créer des emplois » en « levant les obstacles à la
croissance des entreprises à toutes les étapes de leur développement, de leur
création à leur transmission, en passant par leur financement ».
Le projet de loi, qui doit désormais être examiné au
Parlement en septembre prochain, vise en priorité les PME et les ETI, « trop
petites pour exporter », alors même que, selon l’INSEE, ce sont elles
qui créent de l’emploi en France : plus de 100 000 pour les PME et près de
340 000 pour les ETI, entre 2009 et 2015, au contraire des TPE qui accusent une perte
d’environ 100 000 postes sur cette même période.
Mais toutes ces mesures annoncées ont un coût :
Bercy devra trouver « 1,1 milliard d’euros en 2019, puis 1,2 milliard
en 2020 », a indiqué Bruno Le Maire.
Si Pacte semble faire l’impasse sur la fiscalité des
entreprises, et notamment les charges salariales, que certains entrepreneurs
dénoncent comme principaux facteurs bloquants de la croissance des entreprises,
plusieurs points « phares » peuvent être relevés.
Faciliter la
création d’entreprise
• Une plateforme unique pour créer son entreprise en ligne
Alors que seules 39 % des entreprises ont été
créées en ligne en 2016 hors
microentreprises, et que « l’absence de dématérialisation totale du
processus entraîne des délais trop longs », estime le ministère de
l’Economie, le projet de loi prévoit la mise en place progressive – à l’horizon
2021 –
d’une plateforme en ligne unique, qui accueillera toutes les formalités
administratives de l’entrepreneur, quelles que soient l’activité et la forme
juridique choisie. Cette dernière remplacera les centres de formalités des
entreprises gérés par sept réseaux habilités : les chambres de commerce et
d’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat, les greffes de
tribunaux de commerce, la Chambre nationale de la batellerie artisanale,
l’URSSAF, les chambres d’agriculture et les services des impôts.
• Un seul registre des entreprises
Pacte envisage de fusionner les registres et
répertoires d’entreprises existants (registre du commerce et des sociétés,
Répertoire des métiers, Siren, etc.) qui comprennent les informations relatives
à la création, l’identification et la vie des entreprises, au profit d’un
registre unique de publicité de ces informations. Le but affiché : éviter
les coûts redondants liés à la double immatriculation, et simplifier les
démarches administratives. Là encore, une transition progressive sera assurée
d’ici 2021.
• Modification du régime des annonces judiciaires et légales
Le dispositif d’annonces judiciaires et légales en
place sera revu afin de réduire les coûts pour les entreprises, qui paient
actuellement « 200 000 euros en moyenne pour la publication d’une
annonce au moment de leur création », avance le ministère de l’économie dans le document de
présentation du projet de loi Pacte. Ainsi, si seule la presse imprimée est
actuellement habilitée à publier des annonces judiciaires et légales, les
services de presse en ligne le seront également. Par ailleurs, les publications
habilitées, qu’elles soient imprimées ou numériques, ne pourront consacrer plus
de 50 % de
leur contenu à la publicité ou aux annonces. (Les journaux qui publient
quasi-exclusivement des annonces sans produire un contenu d’information locale
suffisant seront cependant exclus du dispositif). Une tarification au forfait
sera en outre instaurée pour les annonces relatives à la création d’entreprise,
qui sera également mise en place pour les autres types d’annonces relatives à
la vie des entreprises.
Une telle mesure fait déjà grincer des dents chez la
presse imprimée, qui, en se faisant ravir son monopole et imposer un seuil,
craint une perte de revenus. Pour tenter d’arrondir les angles, Pacte a ainsi
prévu que la tarification diminue progressivement sur une période de cinq ans
afin de laisser le temps aux éditeurs de presse d’adapter leur modèle
économique.
Simplifier
la vie des entreprises
• Relèvement des seuils de certification légale des comptes
Est prévu d’alléger les obligations pesant sur les
petites entreprises afin de « faciliter leur développement »,
notamment en relevant les seuils de certification légale des comptes par un
commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen, c’est-à-dire
huit millions d’euros de chiffre d’affaires, quatre millions d’euros de bilan,
et 50 salariés. En effet, la certification des comptes pour les entreprises
situées en dessous des seuils européens coûte en moyenne 5 500 euros ; soit 0,17 % du chiffre
d’affaires des petites entreprises, selon l’Inspection générale des finances.
La publication du rapport de cette dernière,
préconisant ce rehaussement des seuils, a cependant largement mobilisé les
commissaires aux comptes dernièrement, qui jugent que cette mesure aura pour
effet de supprimer en France au moins 80 % des mandats de l’ensemble de l’exercice
professionnel dans les sociétés commerciales (soit 40 % des honoraires). Si le
Conseil d’État relève que « cette mesure est susceptible de réduire
d’environ 25 % le marché du contrôle légal, au détriment, principalement, de ceux des
commissaires aux comptes dont les entreprises qui ne seraient plus soumises à
l’obligation de certification constituent la majeure partie de la clientèle », il estime néanmoins qu’elle poursuit un « objectif
d’intérêt général » et que « le projet d’article n’a
pas pour effet de faire disparaître les prestations de certification des
comptes, qui demeureront obligatoires pour les moyennes et grandes entreprises,
les entités d’intérêt public au sens du droit de l’Union européenne ainsi que
certaines opérations capitalistiques ».
Le ministère de l’économie, conscient que ce relèvement des seuils d’audit « constitue
un défi pour la profession de commissaires aux comptes » et « implique
une évolution en profondeur de son activité », a lancé une mission sur
l’avenir de cette profession pour identifier de nouveaux axes de développement
et présentera un plan d’action à l’été 2018.
• Supprimer le forfait social sur l’intéressement et la participation
Pour « faciliter les accords d’intéressement »,
dispositif facultatif permettant d’associer financièrement l’ensemble des
salariés et des dirigeants aux performances de l’entreprise, le forfait social
sera supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les
entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements
d’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’employeur
sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de cinquante
salariés. En effet, si le forfait social, contribution affectée à la Sécurité
sociale, avait été fixé à 2 % lors de sa création en 2009, ce dernier a
connu une nette inflation, pour atteindre 20 % aujourd’hui. Tandis que
cette contribution sera donc supprimée pour de nombreuses entreprises,
l’intéressement sera, de son côté, étendu au conjoint du chef d’entreprise lié
par un PACS qui dispose du statut de conjoint collaborateur ou associé, comme
c’est le cas aujourd’hui dans le cadre d’un mariage.
• Simplifier les seuils applicables aux PME
Le ministère de l’économie
le déplore : 199 seuils d’effectifs sont répartis en 49 niveaux pour les
PME, avec des modes de calcul multiples, aux spécificités propres à chaque
législation (Code de la sécurité sociale, Code du travail, Code de commerce…).
Le projet de loi ambitionne donc « d’alléger et de simplifier les
obligations liées aux seuils » : le seuil de 20 salariés sera
supprimé, à l’exception du seuil d’obligation d’emploi des travailleurs
handicapés (OETH) ; et les seuils de 10, 25, 100, 150, 200 seront
également supprimés. D’autres seuils seront rehaussés à 50 salariés, tels que
la participation de l’employeur à l’effort de construction (PEEC), par exemple.
D’autre part, les modes de calcul des effectifs seront harmonisés sur celui du
Code de la sécurité sociale, « plus favorable aux entreprises et le
plus facilement applicable à toutes les obligations », estime le
ministère. Dernier point à préciser : les obligations seront effectives
uniquement lorsque le seuil sera franchi pendant cinq années consécutives. Si
l’effectif de l’entreprise diminue et revient à un niveau inférieur au seuil,
le seuil devra à nouveau être atteint durant cinq années consécutives pour
générer l’obligation. Le projet de loi entend de cette manière protéger les
entreprises dont les effectifs fluctuent et lever les freins à l’embauche.
Mieux gérer
les difficultés
• Faciliter le rebond des
entrepreneurs
Une procédure de liquidation judiciaire dure environ
deux ans et demi, pointe le ministère de l’économie
dans le document qui présente le projet de loi.
Une période « durant laquelle un entrepreneur ne peut pas démarrer de
nouvelle activité », ajoute-t-il. Son souhait : réduire les
délais et les coûts d’une procédure de liquidation judiciaire et améliorer leur
prévisibilité, « afin de permettre le rebond des entrepreneurs ayant
connu l’échec ». Le projet de loi propose à cet effet d’étendre la
liquidation judiciaire simplifiée, plus courte que les procédures habituelles.
Cette dernière permet en effet de clôturer une procédure dans un délai maximum
de six à neuf mois pour les entreprises qui n’emploient pas plus d’un salarié
et qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 300 000 euros ; et de 12 à 15
mois pour celles réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750 000
euros. Elle deviendra la norme pour les petites et moyennes entreprises de
moins de cinq salariés.
Par ailleurs, le rétablissement professionnel, qui
permet l’effacement des dettes des entreprises sans salarié et détenant moins
de 5 000 euros d’actifs, sera proposé à toutes les entreprises éligibles pour
favoriser le rebond des entrepreneurs.
• Harmonisation des procédures préventives d’insolvabilité
La transposition de la directive européenne « insolvabilité »
voulue par Pacte vise à harmoniser les procédures préventives d’insolvabilité
dans l’Union européenne et à en améliorer l’efficacité – notamment en
introduisant un nouveau mécanisme d’adoption des plans de restructuration. En
effet, les règles actuelles en matière d’insolvabilité différant d’un État
membre de l’Union européenne à l’autre, les entrepreneurs ne bénéficient pas
tous des mêmes chances pour se libérer des dettes qu’ils ont contractées dans
leur activité.
• Faciliter la transmission d’entreprise
Si plus de 50 % de transmissions patrimoniales
d’entreprise sont réalisées en Allemagne et en Italie, ce chiffre n’atteint que
14 % en France. Pour booster la transmission de l’entreprise dans
l’Hexagone, le projet de loi prévoit un assouplissement des obligations liées
au pacte Dutreil. Pour rappel, l’objectif de ce dispositif est d’éviter que les
héritiers d’un chef d’entreprise ne soient obligés, à son décès, de vendre
l’activité familiale pour payer les droits de succession. Le pacte Dutreil
permet donc, sous certaines conditions, une exonération de 75 % de l’assiette des
droits de mutation en cas de donation ou transmission de titres sociaux.
Un dispositif efficace mais jugé jusqu’à maintenant très complexe par les
entreprises.
Soutenir
l’activité des PME
• Soutenir les PME à
l’export
Seules 125 000 PME françaises exportent contre
220 000 en Italie et 300 000 en Allemagne. Face à ces chiffres, le
ministère de l’économie annonce qu’un guichet unique de l’export sera créé dans chaque
région, et qu’une plateforme numérique de solutions d’accompagnement sera mise
en place « pour mieux préparer les PME à l’international » selon
ses termes, sous une « gouvernance resserrée » de Business
France. Bpifrance, qui prend un rôle de plus en plus significatif dans le
financement des projets internationaux des entreprises françaises, devrait, à
terme, devenir l’unique interlocuteur public en la matière. Par ailleurs, une
« préparation à l’internationalisation sera élaborée pour répondre aux
besoins des dirigeants de PME », a indiqué le ministère, restant vague
sur cette dernière.
• Propriété industrielle
La protection de l’innovation d’une entreprise étant
complexe, « les PME françaises déposent quatre fois moins de brevets
que les PME allemandes », rapporte le ministère de l’Economie, qui
indique par ailleurs que seules 21 % des PME sont dépositaires de brevets
d’invention, contre 57 % des grands groupes. La piste envisagée consiste en une demande provisoire
de brevet, qui permettra de créer une demande provisoire de brevet d’une durée
limitée à douze mois.
Cela doit constituer, toujours selon le ministère, une « première
marche d’accès au brevet, à la fois simplifiée et à coût réduit pour les PME ».
La demande de brevet pourra être complétée par la suite, à mesure que
l’entreprise avance dans l’instruction du brevet, tout en préservant le
bénéfice de l’antériorité. Pour parachever cet ensemble, une procédure
d’opposition aux brevets délivrés devant l’INPI sera créée. Cette dernière est
censée constituer « une alternative plus simple à l’unique recours
judiciaire en place aujourd’hui et permettra d’attaquer à moindre coût les
brevets de faible qualité, notamment dépourvus d’inventivité ». Le
certificat d’utilité, quant à lui, sera allongé de six à dix ans, et pourra
être transformé en demande de brevet si l’invention de l’entreprise nécessite
une protection plus forte.
Bérengère Margaritelli